Eh oui, c'est la grande actualité du moment, le décès de Jean-Paul II; comme il se doit, les commentateurs se livrent à un bilan critique de son long pontificat. Il n'y a rien de nouveau puisqu'il lui est reproché des positions ultraconservatrices; notamment sur la contraception, le célibat des prêtres, l'ordination des femmes, la fameuse "condamnation du préservatif" etc.Cette dernière critique a le don de me faire littéralement "sortir de mes gongs". L'association de lutte contre le SIDA "Act Up" souligne encore une fois la grande responsabilité du défunt pape dans la propagation du VIH, notamment en Afrique. Cette critique que je trouve injustifiée traduit la méconnaissance de plusieurs réalités et une vraie infantilisation des africains.Je m'explique:

Je me rappelle que scolarisé dans un collège catholique africain (au début des années 80) et bien avant que le SIDA ne commence par faire parler de lui , nous avions avec des prêtres des cours de "catéchèse" (à distinguer du catéchisme qui était dispensé par ailleurs, hors des heures de cours pour les VOLONTAIRES; là était la véritable préparation aux sacrements...); ces cours étaient inclus dans notre programme et tous (y compris nos camarades d'autres confessions religieuses) les suivaient. C'était des séances de cours très libres où les Pères admettaient volontiers la contradiction même si la conclusion qu'ils tiraient de nos débats, s'inscrivait toujours dans la droite ligne de la doctrine et des enseignements de l'Eglise...Et parmi ces débats, il y avait le fameux commandement "tu ne feras pas d'impureté" que ces Pères nous traduisaient en un "pas de rapports sexuels hors mariage" :-))) .De façon plus détaillée, ils nous disaient que le corps humain était un "temple sacré" à ne pas souiller; que le regard concupiscent porté par nous les hommes sur les femmes revenait à les "chosifier", à porter atteinte à leur dignité...; enfin, que les rapports sexuels avaient pour but ultime la procréation, Dieu ayant mis du plaisir dans l'acte pour nous encourager à faire des gosses... Bref, c'est un point de vue qui se tient; on peut y adhérer ou non; et sur ce terrain là (et par rapport à bien d'autres règles d'Eglise ou commandements), beaucoup de croyants catholiques prennent consciemment et volontairement, bien des libertés...C'est mon cas ! Une telle attitude équivant aussi à une prise de responsabilités et il faut en tirer toutes les conséquences; par exemple, se protéger quand on papillonne ou même quand on a des rapports sexuels avec une personne dont on ignore le statut sérologique avec laquelle on a une relation stable; cela, jusqu'à ce qu'une relation de confiance conduise à aller se faire dépister...Et pour ce qui me concerne, la sensibilisation au SIDA a commencé dès 1985 par les mises en garde répétées de mon père sur ce mal redoutable contre lequel il fallait se protéger systématiquement Dans ces conditions, dire que les milliers d'africains contaminés par le SIDA l'ont été en suivant les consignes du pape (consignes à remettre dans leur contexte et dans le cadre de l'enseignement traditionnel de l'Eglise), est vraiment insultant, infantilisant et méprisant pour nous; je ne vois pas pourquoi sur le terrain si délicat de la bagatelle, les africains seraient comme par enchantement, plus réceptifs à ce message du pape qu'à toutes les autres consignes et commandements, tous aussi "contraigants" et pas évidents à suivre. Si c'était le cas, les catholiques africains seraient tous des Saints et on n'aurait jamais eu le génocide rwandais (pays largement catholique).La propagation galopante du SIDA sur notre continent s'explique largement par le contexte de paupérisation, de grande misère, et d'un taux de scolarisation bien faible; et encore, je n'oserai pas expliquer cette hécatombe, uniquement par ces facteurs là...Ce serait trop réducteur et il faut rester humble et prudent sur ce terrain là et surtout pas péremptoire et catégorique dans nos affirmations.

De façon générale, le bilan critique fait de l'action du pape est très "occidentalocentré"; il émane trop souvent de milieux et de personne en rupture avec la foi de leurs pères et souhaitant obtenir une caution morale aux libertés qu'ils prennent avec bien des "interdits traditionnels". Je ne veux pas,par cette prise de position, dire qu'il ne faut pas avoir une lecture critique de l'action du pape, de ces prises de position diverses et variées (les catholiques ne s'en privent pas; par exemple, le jeune et africain que je suis ne partage pas l'opinion du pape et de mon Eglise sur la contraception...)...Mais il fait bien maîtriser le sujet, connaître assez bien l'Eglise et avoir vraiment une vision de sa dimension universelle de nos jours; ainsi, les débats bien "intéressants" sur le mariage homosexuel, l'homoparentalité, le célibat des prêtres, l'ordination des femmes (je n'ai quasiment jamais entendu l'opinion sur le sujet, des principales intéressées, cela quelle que soit leur origine. Pourtant ce sont de véritables "piliers de l'Eglise, les vraies "chevilles ouvrières" des différentes communautés) concernent prioritairement des pays traditionnellement chrétiens, et qui sont plutôt en voie de "déchristianisation". Des pays où par exemple, il a été refusé d'indiquer les incontestables "racines chrétiennes de l'Europe" dans le projet de constitution (ce qui ne devrait pas signifier une mise au second plan des religions venues après), mais où paradoxalement, on attend beaucoup de l'Eglise. Comme quoi, les Hommes ne sont pas à un paradoxe et à une contradiction près !!!