Eh oui, ne pouvant "télédéclarer" comme en 2003 et 2004 via le net (pour cause de changement de ma situation personnelle en 2004) mes revenus perçus en 2004, j'ai fait comme beaucoup de contribuables vivant dans l'hexagone lundi dernier; j'ai en effet attendu le dernier jour (date limite d'envoi, le cachet de la poste faisant foi) pour :

1. Me précipiter dans le centre des impôts dont dépend mon nouveau domicile, pour retirer les deux formulaires (de déclaration des revenus 2004) vierges supplémentaires dont j'avais absolument besoin; le formulaire pré-rempli qui m'a été envoyé par la poste, quelques jours plus tôt, ne convenant pas seul à ma nouvelle situation

2. Prendre sur mon temps de pause déjeuner au boulot, pour remplir tous ces documents

3. Faire un trajet AR d'au moins 40km, le temps de me précipiter au centre des impôts dont dépend mon ancien domicile; afin d'y déposer tous ces documents et ainsi éviter une pénalité de 10% d'impôts supplémentaires pour avoir été hors délais. Ce déplacement, je pouvais l'éviter en expédiant par voie postale ces documents; encore aurait-il fallu trouver le temps de les faire signer par mon épouse puis de trouver un bureau de poste ouvert en cette fin de journée...Et comme d'habitude, j'ai vu, bien amusé, de nombreux contribuables retardataires comme moi, sacrifier au rite annuel consistant à remplir à ras le bord, la boîte aux lettres du CDI, de déclarations de revenus plus ou moins honnêtement remplies. La fraude fiscale plus ou moins habile étant aussi vieille que l'impôt...

M'étant ainsi complaisamment étendu sur mes "misères" de contribuable ayant eu des revenus l'an passé (heureux bonhomme n'est-ce-pas???), c'est tout naturellement qu'encore une fois, l'étude comparée des politiques fiscales des pays riches avec les nôtres m'est venue à l'esprit.Schématiquement et de façon caricaturale:

I. La politique fiscale des pays riches:

Consiste à faire de tout citoyen qui perçoit des revenus, un contribuable potentiel. Entre "prélèvement à la source" (la part de l'Etat est ponctionnée directement sur les revenus salariés avant versement d'un salaire net d'impôt aux travailleurs) à l'allemande et libre choix laissé au contribuable de déclarer ses revenus (ou son absence de revenus) à la française, tout adulte majeur et autonome se voit comme un acteur de la communauté; solidaire de celle-ci, il participe concrètement au financement des besoins collectifs et peut ainsi, être fondé à "demander des comptes" à ceux qui sont censés le représenter dans l'action publique. Et puis l'impôt frappe une diversité d'éléments patrimoniaux: revenus du travail et du capital, patrimoine foncier et immobilier, le moindre objet de consommation (à travers la si "sophistiquée" et si "perverse" Taxe sur la Valeur Ajoutée; une des plus belles "inventions" de la fiscalité à mon sens), des produits particuliers et si indispensables tels les produits pétroliers, etc,etc.

Dans un tel contexte, la phrase "l'Etat, c'est nous" prend plus ou moins de sens pour une bonne partie des habitants adultes de ces Etats.Chacun(e) peut ainsi apprécier, à la mesure de ce qu'il donne à la collectivité, ce qu'il attend de celle-ci en contrepartie.

Evidemment, ces politiques fiscales élaborées sont perfectibles à bien des égards; bien des contribuables sont loin d'être satisfaits des contreparties reçues ou de l'usage fait de leurs contributions. Beaucoup (en général les plus riches et surtout, les classes moyennes "supérieures", dénoncent une pression et une injustice fiscale insupportables) et peuvent trouver parfois, des oreilles compatissantes auprès de certains courants politiques, partisans acharnés du minimum d'impôt au profit de la responsabilité individuelle. La politique extrême de baisse d'impôts de BUSH suscite bien des critiques et beaucoup en voient aussi les limites en termes de déficits abyssaux des comptes de l'Etat et "d'abandon" des plus pauvres et des plus faibles.

A contrario:

II Tout est à "inventer" en matière fiscale dans les Etats africains :

A ce propos je nuancerai mon propos car je suis plus au fait des réalités de la sous-région ouest africaine, de deux de ses Etats en particulier. Ils ne rendent peut-être pas compte de la réalité de tous les Etats du continent mais je crois qu'ils sont largement représentatifs de l'ensemble du continent noir.

Dans nos Etats, seuls les fonctionnaires et autres agents de l'Etat (et quelques salariés du secteur privé, régulièrement déclarés) payent un impôt sur leurs revenus du travail. Impôt généralement "prélevé" (et encore faudrait-il aller vérifier ce que cela signifie réellement dans les compatbilités publiques) à la source, et dont la réalité est quasiment imperceptible pour les contribuables. Nos Etats ne communiquant presque pas sur le sujet, de manière à sensibiliser ces actifs sur leur rôle de contribuables.

Et ces actifs "privilégiés" (ne serait-ce qu'en percevant en théorie, "régulièrement", des revenus; même très modestes) sont si minoritaires dans nos pays où une large partie de la population est rurale où vit d'activités plus ou moins informelles.

Quid de l'imposition des revenus (parfois extrêmement importants pour une toute petite minorité de commerçants, artisans, planteurs et autres transporteurs et hommes d'affaires) de cette partie de la population, des revenus du capital, du foncier, de l'immobilier??? Là, se trouve l'anarchie la plus totale où les maîtres mots sont:

-absence d'identification (ou identification si partielle et si imparfaite) des habitants et autres citoyens de nos pays; donc impossible d'identifier les éventuels contribuables;



-encore plus grave, impossibilité d'identifier et d'évaluer leur patrimoine réel; même quand les éléments patrimoniaux sont bien "visibles" tels le foncier, l'immobilier des plsu riches. Evidemment, ceux-ci (dont les classes dirigeantes) trouvent un intérêt extraordinairement intéressant à cette situation...

- corruption et intimidation des agents de l'Etat, deviennent si aisées.

- et puis véritable absence de volonté politique de nos gouvernants de mener de véritables politiques fiscales, "élaborées", "justes", redistriutrices...

Il reste à nos Etats pour se "consoler" en matière fiscale, le "minimum syndical"; c'est à dire:

- "surtaxer", les activités d'import-export (recettes douanières), les recettes sur les produits pétroliers, la consommation (la TVA ayant été quasiment adoptée par tous nos pays sur la pression du FMI , de la Banque Mondiale et autres bailleurs de fonds. On voit l'impact de cette décision récente, dans un pays comme le Niger).

-"ignorer" bien des éléments patrimoniaux visibles et pouvant être régulièrement taxés

Bref, la réalité fiscale, la notion de "contribuable" sont terriblement "abstraites" pour bien des citoyens et habitants de nos pays; ceux qui la perçoivent "véritablement" n'en appréhendent que les injustices les plus insupportables (la TVA qui "frappe" tout acte "officiel" de consommation pénalise tout naturellement la majorité, bien pauvre). La minorité des personnes aisée s'affranchit avec superbe de la majorité des inconvénients de l'impôt face à une administration, impuissante, démunie et corrompue; ainsi, mieux vaut-il être riche en Afrique qu'en Europe car frauder le fisc dans nos Etats est si aisé et on y est assuré de conserver quasiment tous ses revenus, sans rien reverser à la collectivité.

Or le paradoxe veut que ce sont nos Etats qui aient le plus besoin de fonds pour faire face aux mille et une sollicitations de leurs citoyens. Les attentes sont immenses et pour faire face à une très faible part de ces besoins, nos Etats s'endettent, quémandent constamment des fonds auprès des plus riches, vivent sur le dos des masses rurales qui produisent nos modestes richesses. Tout cela, sans se donner la peine d'identifier la réalité du patrimoine et des richesses de leurs habitants. Ceux-ci contamment déçus dans leurs attentes, font en définitive si peu confiance à la puissance publique et ainsi "c'est le serpent qui se mord la queue":

-Les Etats demeurent structurellement faibles;

-Les liens sociaux , l'esprit national (au sens le plus noble du terme), la solidarité entre habitants de la même entité géographique, le renforcement des Etats restent à l'Etat de rêve.

-Les individus ne renferment soit sur eux-même, soit sur leur cellule familiale au sens le plus strict, soit sur leur appartenace "ethnique".

Et pourtant, une politique fiscale plus volontariste et vraiment pensée pour nos contextes, pourrait tellement contribuer au développement de nos jeunes Etats. Evidemment, une fiscalité efficacement pensée et menée, ne suffirait pas toute seule, à l'atteinte de cet objectif. Elle doit forcément s'inscrire dans un projet politique et de société, cohérent et ambitieux...