La pauvreté recule
Par cesfossoyeursdelarepublique, dimanche 22 octobre 2006 à 15:47 :: Général :: #1425 :: rss
Du cinéma de mauvais goût
La pauvreté recule
Bravo ! Le patron de l’exécutif de notre pays a fait sa sortie l’autre jour devant un public apparemment acquis à sa cause. C’est triste. Ce public m’irrite ; on dirait des manges mil, des têtes vides, des intellectuels profiteurs, et quelques hommes et femmes de principe. La pauvreté recule dans notre pays. C’est à cela que le patron de l’exécutif de notre pays tentait de nous faire croire. S’il le croit lui-même, c’est vraiment dangereux. S’il le dit pour amuser la galerie, c’est cynique. Nous parle-t-il sincèrement du peuple sénégalais ?
Nous avons l’habitude de dire que la jeunesse est l’avenir du pays. Une façon très nette de l’exclure du présent. Mais enfin, disons simplement que la jeunesse est un baromètre du peuple. Aujourd’hui, notre jeunesse lance à son exécutif, en filigrane, un message fort : son raz le bol face à ce que ses dirigeants font de l’économie de son pays. Nous regrettons que ce message soit aux odeurs de la mort et de la désolation. Vous arrive-t-il de vous promener au bord de l’océan ces jours-ci ? Dans la brise du soir, vous entendrez l’écho de toutes ces voix agonisantes dans la mer. Elles vous diront d’avoir de la considération pour les vies humaines qui s’effritent chaque jour, devant votre quasi indifférence, à cause de leur espoir volé. Ces voix vous demanderont d’avoir de la retenue quand à vos analyses absurdes et écoeurantes sur l’immigration clandestine. Personne n’a le droit de banaliser ce problème à cause des milliers de pertes en vies humaines qu’elle occasionne.
Monsieur le premier ministre, vous êtes originaire d’une région où la pauvreté crie sur tous les toits sa suprématie sur les tentatives avortées des populations à sortir de ses griffes. Elle est devenue un miroir sur lequel se mire presque la totalité de nos concitoyens de cette zone. Et surtout, il faut le reconnaître : ailleurs sur le territoire national, la situation est une copie conforme de celle de votre région. Monsieur soutient que le pays se porte comme un charme malgré le prix en hausse permanente du gaz, de l’électricité, du pain, du sucre, du logement etc. Le pays va bien mais il faut dire qu’il peut aller mieux. C’est ce qui ressort, si nous savons lire entre les lignes de sa sortie de mauvais goût, de son discours du genre dicté préparé. J’espère seulement que cette grimace n’est pas suivie par vos parents paysans du Sine. Nous vous supplions d’aller voir le soir du côté de la banlieue dakaroise ; rares sont ceux qui réussissent à trouver de quoi se mettre sous la dent. Quand au petit déjeuner, n’en parlons plus !
Monsieur le premier ministre, avec la caméra baladeuse de la télé, nous promène à travers les chantiers éparpillés ça et là dans le pays. Recevez nos encouragements. Toute fois, nous aimerions savoir, si ce minimum n’était pas pris en charge par vos services, en quoi consisterait votre gouvernance sous l’alternance ? Nous nous souvenons de « Monsieur forages, madame moulins ». Malgré l’ironie contenue dans ce propos d’un certain leader de l’époque, nous savons qu’un forage, c’est fait pour offrir de l’eau ; un moulin pour faciliter la transformation des graines pour la nourriture.
Nous aimerions savoir ce que coûte en définitive le kilomètre de goudron dans ce pays. Pourquoi les infrastructures semblent être votre unique préoccupation ? Qu’est ce qui se cache derrière cet amour du goudron ? Construisons ce pays ! C’est bien. C’est ce que tout le monde demande. Cependant, sachez que cette construction du pays ne concerne pas seulement les infrastructures. Elle doit toucher tous les secteurs de la vie de la nation : une justice assainie, une assemblée républicaine, un exécutif responsable qui ne mélange pas le parti et l’Etat, une diplomatie qui allie habileté et efficacité, une éducation bien pensée, une formation professionnelle à la portée des demandeurs, une politique de l’emploie qui répond aux besoins du peuple, une santé à la portée des plus démunis, une électricité sans trop de délestage, des usines et des sociétés compétitives, une sécurité pour tous, une bonne politique du logement, une politique culturelle capable de recréer l’enthousiasme culturel des années Senghor.
Cette construction du pays à laquelle nous nous attendons, elle doit s’occuper aussi à soigner nos comportements anticiviques, antirépublicains, antimoral. Avec vous, nous avons l’impression d’avoir en face de nous une équipe qui tâtonne sur tout sauf sur la façon de solder ses comptes avec ses adversaires et de récompenser ses coéquipiers politiques qui n’ont plus qu’un mot à la bouche : « Le président est un homme généreux ». L’exemple de ce ministre surprenant nommé en plein congrès de votre parti est une illustration parfaite de votre façon de récompenser qui ne répond à aucune norme républicaine. Avec cette nomination, c’est comme si vous vouliez encourager les jeunes à ne plus accorder de l’importance aux études et à se concentrer sur ce nouveau métier sous l’ère alternance : la politique des béni-oui-oui. Actuellement, la fonction ministérielle est tellement dévaluée que nous n’avons plus besoin de hauts cadres pour la remplir ; il suffit juste d’être un politicien qui entre dans les grâces du président. C’est lamentable. Ce peuple mérite beaucoup plus de respect de la part de celui qu’il a élu au soir du 19 mars 2000. Le président, est-il généreux parce qu’il les casent dans des agences inutiles qui prolifèrent comme des champignons depuis l’alternance ou dans des institutions du genre CRAES qui obligent notre économie déjà comateuse à manger les pissenlits par la racine ? Et ils semblent s’étonnés de cette hémorragie qui vide mon pays de sa jeunesse désoeuvrée ?
Monsieur a fait son show. Et ses partisans l’ont ovationné. Cela s’est passé à la télé. Cette télé du parti au pouvoir qui rappelle, dans sa démarche partisane, la propagande du Führer Hitler dans les années quarante. Quel est le but recherché, dans cette opération de charme ? Ailleurs, quelqu’un s’écriait un jour, il y’a des décennies, ordonnant à ses alliés : « Mentez… mentez ! On finira par vous croire ». Nous ne conseillons à aucun leader d’avoir une telle démarche. Surtout, ne vous faites pas d’illusion monsieur le premier ministre. Votre peuple sait tout. Ce n’est plus avec des discours sur le taux de croissance que vous arriverez à le tromper. Ce disque est corrodé. Changez de son et nous verrons quel crédit accordé à votre nouvelle mélodie.
« On ne participe pas à la chasse à l’éléphant en se contentant de regarder passer son cadavre devant sa case. »
Tafsir Ndické DIEYE
Ecrivain sénégalais Auteur de romans policiers dont : Ces fossoyeurs de la République Editions Mélonic Québec juillet 2005
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