Le Sénégal entre complots politiciens et brutalités policières

La politique mafieuse du gouvernement issu de l’alternance va continuer si la résistance populaire ne s’organise pas de façon démocratique. Ce régime a tellement banalisé la souveraineté du peuple sénégalais qu’à la limite, seul ce même peuple pourra lui faire entendre raison. Il doit le faire en refusant de céder la toute petite parcelle de ce que ses droits lui permettent comme marcher pacifiquement pour montrer son désaccord lorsque c’est nécessaire. Comme disait Noël Mamére, la République c’est là où respire la société. Personne ne sait plus où respire mon peuple sur ce territoire. Ces gangsters qui le gouvernent lui ont volé son sommeil. Sa délivrance n’est plus l’affaire des partis politiques qui ont brillés, à l’exception de quelques uns, de par leurs incohérences, leur promptitude à se compromettre avec les tenants du pouvoir pour des intérêts douteux, égoïstes et hypocrites.

Les institutions de la république sont foulées au pied par le régime, cela n’est plus à démontrer. Aujourd’hui, l’opposition qui se disait républicaine, face aux dérives innombrables du gouvernement, cherche à prendre ses véritables responsabilités en organisant une marche de protestation pacifique le 27 janvier 2007 mais se heurte au refus, comme d’habitude, du préfet de Dakar à leur délivrer une autorisation. Que fait-t-il du droit du peuple à l’expression pourtant bien libellé dans la constitution de notre pays ? La répression violente qui s’en est suivie n’a pas épargnée les leaders de partis traînés d’un commissariat de police à un autre. Ils devaient si attendre car, à plusieurs reprises, de par leurs attitudes incompréhensibles, ils ont eu à légitimer des actes antirépublicains de l’Etat comme le premier prolongement du mandat des députés.

Le 30 juin 2006, la responsabilité leur commandait de faire comme le jeune député Moussa Tine ; quitter l’hémicycle. A l’époque, je disais dans un article sorti dans la presse que si demain ce régime décide de prolonger le mandat du président jusqu’en 2009, la logique de leur décision de rester dans l’hémicycle malgré l’illégalité de ce mandat leur commande de ne point broncher. L’opposition a tarder à bien assimiler la leçon de Noël Mamére : « On se pose en s’opposant… Fermer les yeux sur la précarité, la maladie, la déchéance, l’exclusion, c’est pratiquer une politique de l’autruche qui se retournera immanquablement contre ceux qui l’auront cautionné. »

Ceci étant précisé, il est temps pour mon peuple de savoir que sa souveraineté n’est pas négociable. Pourquoi devrait-il dépendre des humeurs d’un préfet, un fonctionnaire qui lui doit tout, pour manifester sans violence par la marche son désarroi s’il en éprouve le besoin ? Que la police encadre cette marche et tout rentre dans l’ordre normal des choses. Mais à la place, l’autorité préfère interdire et ensuite casser du marcheur en mobilisant cette même police. Cela n’a pas de sens, surtout lorsque l’objet de la marche est d’inciter le gouvernement à respecter le calendrier électoral. Je me souviens de la parole très importante à mon avis de Jacques Chirac disant que le droit de vote, ce n’est pas l’expression d’une humeur, c’est une décision à l’égard de son pays, de ses enfants.

Aucun régime n’a le droit de nous voler ce droit en tripatouillant la constitution ou en manipulant le calendrier électorale de façon unilatérale et arbitraire. Les complots de palais entre le président et des acteurs politiques ou citoyens insouciants de notre malaise social n’y feront rien. S’ils arrivent à repousser la date des élections présidentielles une première fois dans ce pays, malgré le fait qu’ils avaient sept ans pour les préparer, à coup sur, ils le répéteront indéfiniment jusqu’à nous offrir sur un plateau de maquillage politicien un président à vie.

Dans le contexte actuel d’un Sénégal pris entre le marteau des complots politiques honteux sur le dos du peuple et l’enclume de la brutalité policière, le propos de Jorge Luis Borges se justifie parfaitement : « les dictatures forment l’oppression, la servilité et la cruauté ; mais le plus abominable est qu’elles forment l’idiotie. » Ecoutez avec attention les défenseurs de ce désastre du gouvernement à travers les ondes de certaines radios et à la télévision nationale et vous vous rendrez compte que Borges a totalement raison, l’idiotie gagne du terrain chez ces derniers. Que le peuple refuse dès maintenant d’être contaminé en s’organisant avec responsabilité pour les foutre dehors en les obligeant d’abord au respect du calendrier électoral sinon les forfaitures vont s’accumuler.

Pour cela, il est nécessaire que l’opposition arrête de nous servir le plat d’opposition républicaine en poursuivant son combat dans ses formes actuelles, il est nécessaire que la société civile continue sa lutte sur le plan national et international pour le respect des normes républicaines. Pour combattre notre bourreau national, le peuple, la presse, les religieux qui ne tronquent pas leur mission contre un sentimentalisme démodé ou une compromission dégradante et intéressée, les élèves, les étudiants, le monde rural affamé depuis par l’alternance, la jeunesse désoeuvrée, les femmes doivent tous se mobiliser avec courage en sachant que, comme disait Ruy Barbosa, le pire des démocraties est de loin préférable à la meilleure des dictatures. Au-delà du 1e Avril, si des élections ne sont pas organisées, mon peuple sera sans président légitime. Et ce sera la porte ouverte à l’intronisation d’un roi à la tête de ce pays que Senghor et les autres ont érigé non pas en royaume mais en République.

Refusons de prêter l’oreille aux démons qui écrasent ce pays et qui excellent dans les mises en scène politiciennes en usant de la propagande, laquelle, comme le soutenait Noël Mamére, ne se pose pas de questions morales. « L’acteur, sur scène, joue à être un autre, devant une réunion de gens qui jouent à le prendre pour un autre. » Cette expression de Jorge Luis Borges me confirme sur ma conviction que Wade est fini ! Comme acteur de la scène politique sénégalaise, il n’a plus rien à jouer qui plaît à son peuple. Il doit partir. C’est un devoir citoyen que de le reconnaître. Il est temps que nous ayons une justice dans ce pays, une Assemblée, une administration responsable, un gouvernement respectable, un projet de société qui rassure. J’interpelle encore une fois mon peuple et au premier plan, la société civile et sa jeunesse sur la nécessité de faire partir démocratiquement cet homme de la tête du pays. Cela nous évitera les catastrophes que nous constatons ailleurs.

« On ne participe pas à la chasse à l’éléphant en se contentant de regarder passer son cadavre devant sa case. »

                                                                                    Tafsir Ndické Dièye
                                                                                    Ecrivain sénégalais              
                                                                           Auteurs de romans policiers dont :
                                                                          Ces fossoyeurs de la République
                                                                        Editions Mélonic Québec juillet 2005
                                                                           E-mail : ndickedieye@yahoo.fr