‘Nous sommes déjà morts. Ces gens sont sans pitié.’ C’est avec ce cri du cœur de Nabile Farés de Kabyle que j’entame mon propos. Ma plume s’adresse à un homme entré en politique par conviction ; celle d’être au service de son peuple. Elle s’adresse à un homme qui a offert sa jeunesse à la lutte contre l’arbitraire pour l’éveille de son peuple. Il a su mener son combat en ne s’appuyant que sur les barricades de sa foi en Dieu, sur la force de son engagement patriotique pour libérer le citoyen sénégalais des geôles de l’ignorance, de la peur, de l’exploitation perpétrée par un nombre infime d’hommes bénéficiant de l’appareil d’Etat. Ils ne savent conjuguer ces gens-là, pris individuellement, que le verbe profiter à la première personne du présent de l’indicatif.

Croire jusqu’à l’impuissance à l’avènement d’un Sénégal qui change, voilà l’une des raisons essentielles qui ont toujours poussé Talla Sylla à se frotter au monstre en risquant même sa vie. Cet homme a, à chaque fois, su refuser qu’on détruise sa personnalité par la corruption. Sa jeunesse d’âge a toujours été synonyme de bravoure que d’aucuns petits bourgeois profiteurs qualifient de témérité ou de fougue de jeunesse. Sa créativité, son imagination, sa dignité, il les a toujours mises au service des sans voix.

Talla n’a jamais été comptabilisé dans la catégorie des yes men, des lèches bottes, des larbins et autres laudateurs d’un quelconque régime. On peut être d’accord avec un système ou pas sans être obligé d’être de cette catégorie, de se rabaisser à ce métier dégradant en tout point de vue. Il a servi à sa jeunesse une bonne image de la politique qui n’est pas celle de la politique politicienne des politiciens de l’obéissance intéressée, de l’arrivisme indigne et des ambitions mafieuses. Ses propos n’étaient pas vulgaires. C’est la situation qu’ils pourfendaient qui l’était.

Il n’est pas étonnant qu’il soit, un jour, banni au point d’être la cible de grands bandits, des hommes de mains qui ont voulu l’assassiner froidement pour faire plaisir à des commanditaires lâches tapis dans l’ombre de l’impunité. Ils ont voulu l’écraser pour faire peur aux autres qui seraient tentés de lui emboîter le pas ; mais Dieu n’a pas voulu. Ces gens-là ont horreur des gens qui disent non quand c’est sine qua non. Ils ont tapé sur lui un soir du 5 octobre avec arrogance et cynisme comme des cannibales assoiffés de sang. Ils ont tapé sur lui à coup de marteaux pour le faire taire à jamais sous le régime de l’Alternance. Ceci est en porte-à-faux avec l’érection d’une statue de la liberté même plus gigantesque que celle des Usa. Mais, puisqu’ils ne voulaient pas certainement que ce jeune leader continue à perturber le sommeil de leur seigneur et de celui de sa famille…

Ses discours bien dosés et bien critiques contre les excès du régime en place, ses chansons belles, captivantes et chargées de reproches contre leur chef, et même sa respiration semblaient gêner ceux-là qui ont accompli cette infamie dont l’enquête, depuis lors, n’a pas livré aux citoyens ses conclusions. Et personne ne sait pourquoi malgré les accusations bien orientées de la victime, en l’occurrence Talla Sylla. Notre jeune leader qui avait tout un avenir politique devant lui, a fini par se retirer de la scène politique, car les marteaux ne l’ont pas certes tué, mais les séquelles qu’ils lui ont laissées sont énormes de conséquence pour sa santé.

Ce soir de son discours historique de son retrait de l’arène politique nationale, ses adversaires d’alors, ses ennemis ont sûrement dansé de joie ; Talla avait su peut-être tardivement que le monstre avait plusieurs têtes. Tourner le dos à la politique, que pouvait-il faire d’autre si l’on sait que même le peuple, lors de la dernière élection présidentielle, ne lui a pas rendu la monnaie de sa pièce ? Est-il possible qu’il soit vrai qu’il n’y a pas plus ingrat qu’un peuple ? Je n’ose pas y croire. De la même façon, je peux affirmer que Talla ne s’est pas retiré de la scène pour cela. Il a quitté actuellement la politique, mais il n’a pas quitté son peuple, car son amour pour lui est sincère et transcende les sarcasmes de ces maîtres de la médisance. Autrement, cela risquera de surprendre les autres défenseurs chevronnés de la cause commune et alourdir le fardeau de notre déchéance nationale.
Le 5 octobre, date de la célébration des marteaux célèbres de Talla Sylla, je m’incline de respect devant les sacrifices consentis par ce grand patriote pour édifier les siens sur les pratiques odieuses des patrons de notre République.

Le rocher est toujours là, debout et têtu et nous empêche de voir le soleil. Nous avons besoin de la force de tous, de la foi de tous pour le détacher du sommet de l’Etat dans la paix et le faire voler en éclat. Quatre ans déjà ! Et les bourreaux du jeune panafricain mènent tranquillement leur vie sans être inquiétés. J’avais entendu sa voix. J’avais pu lui parler grâce à une de ses inconditionnelles habitant près de chez moi, à Gibraltar, en 2005. Il avait conclu notre conversation téléphonique par une prière à mon encontre : ’Que Dieu te protège !’, m’avait-il dit, le ton généreux. Aujourd’hui, je lui renvoie sa prière. Que Dieu le protège.

Hélas ! La conjoncture dégradante et la bamboula insouciante de nos dirigeants sont telles que : ’Nous attendons dans l’agonie… la preuve d’un sursis…’ Je souhaite à Talla un bon rétablissement et un retour proche dans l’arène aux côtés de tous les citoyens patriotes de ce pays.

Tafsir Ndické DIEYE Ecrivain Sénégalais ndickedieye@yahoo.fr