Vous êtes sur le point de terminer une année presque parfaite.

— C’est vrai, je crois que nous avons assez bien travaillé. C’est la raison pour laquelle nous recevons autant de prix, car nous avons fait un grand travail. Mais c’est déjà fait, ça fait déjà partie du passé et il faut toujours regarder vers l’avant.

—Et que ressentez-vous avant de recevoir votre prix accordé par la FIFA ?

— Quoiqu’il arrive, j’ai déjà gagné. Même si je suis deuxième ou troisième, je me sentirai vainqueur. Si je ne l’obtiens pas, j’espère que ce sera mon coéquipier, Ronaldinho qui l’aura. Cela me rendra aussi heureux que si c’était moi qui l’avait gagné.

—Vous pouvez également obtenir le Ballon d’Or africain pour la troisième fois consécutive.

— Je serai peut-être le deuxième à en obtenir trois consécutivement. Le premier fut Abedi Pelé. Je suis jeune et je pourrai en gagner un quatrième aussi... Mais bon, je n’ai pas encore gagné le troisième.

—Votre référence a toujours été Roger Milla. Vous vouliez rentrer dans l’histoire et vous êtes déjà en train de le faire.

— Je suis déjà rentré dans l’histoire. Je serai le deuxième africain classé parmi les trois meilleurs joueurs au monde après Weah. Je ne me rappelle pas qu ’il y en ait eu un autre. Mais je ne pourrai jamais dépasser Milla. Savez-vous pourquoi ?

—Parce qu’il était le premier ?

— Non seulement il a été le premier, mais c’est lui qui a fait rêver tous les jeunes africains aimant le football. Weah a été un grand, mais Milla fut un Dieu. Il nous a donné la possibilité de jouer et de rêver d’être footballeur. Weah lui-même est parmi ceux là qu’il a fait rêver. L’un de mes rêves est toujours de ressembler à Roger Milla.

— Mais pour les futures générations, la référence ce sera Eto’o.

— C’est une joie énorme de savoir qu’un jeune dise qu’il veut me ressembler. Mais je dois encore m’améliorer.

—Et quel conseil donnerais-tu à ce jeune ?

— Que même s’il veut ressembler à Etoo, ce sera à lui-même de faire sa route. Il peut vouloir avoir la vitesse de mon jeu, mais je ne serai pas à ses côtés pour prendre les décisions pour sa vie. Pour autant qu’une personne souhaite ressembler à Ronaldinho, à Etoo, ou à Deco, le plus important c’est la personne même. Ce gamin devra se regarder un jour dans un miroir et voir s’il a des limites ou non, et s’il peut y arriver. Il faut avoir l’envie d’arriver au plus haut niveau sans vouloir écraser ceux qui sont autour de toi.

—Penses-tu que l’Afrique aura bientôt un Champion du Monde ?

— Oui, je le crois. Pourquoi pas cette année ? La Côte d’Ivoire a une grande équipe. Écoutez, j’ai pensé que le Cameroun remporterait le Mondial qui s’est tenu au Japon et Corée, mais il y a toujours quelque chose qui se passe en Afrique, au niveau de l’organisation, qui ne fonctionne pas. Est-ce qu’on avait besoin de 72 heures de vol pour arriver à destination ? Nous sommes partis de la France, puis nous y sommes retournés, on ne pouvait pas traverser la Russie... Paris, Addis-Abeba, Bombay, Hong Kong, Tokyo... Nous avons tout de même été sur le point d’éliminer l’Allemagne. Mais nous n’y sommes pas arrivés !

—Malheureusement, vous ne serez pas au Mondial. L’élimination du Cameroun est la seule chose qui vous a manqué en cette grande année !

— Rien n’est jamais parfait. Le football n’est pas une science exacte. C’est très dur, mais il faut l’accepter et apprendre de ses erreurs. Je crois que si j’avais été qualifié pour le Mondial, je n’aurais peut-être jamais connu cette douleur que l’on peut vivre dans le football. Personne ne peut s’attendre à quelque chose d’aussi incroyable, de si horrible. C’est comme si tu avais perdu toute ta famille. J’avais toujours pleuré de joie et aussi pour un ami (Marc Vivien Foe), mais cette fois j’ai pleuré, pas pour moi, mais pour toute une Nation. Du plus petit gamin au grand père, l’espoir des camerounais était de voir leur pays au Mondial. Après avoir surmonté de nombreux obstacles, d’avoir remporté les deux matches contre la Côte d’Ivoire et leur avoir repris six points. Alors que nous étions arrivés au dernier match dépendant de nous-mêmes, c’est vraiment incroyable ce que nous avons fait. La douleur fut immense.

—Les camerounais ont perdu un grand espoir. Vous en revanche, vous avez pu vous consoler grâce au Barça. Vous aviez un autre objectif immédiatement après.

— Je ne pouvais pas rester là à pleurer parce que deux jours plus tard j’avais un autre match. Cela m’a aidé. En arrivant ici, j’ai pu faire le vide, même si certains ont voulu continuer à jouer avec la douleur de toute une Nation. Ce dimanche là, j’ai marqué et j’ai pu relever la tête.