Voici une solidarité de l’écriture qui s’exprime comme une réappropriation poétique de grande amplitude aux fins d’affirmation dans le contexte embroussaillé de l’édition camerounaise. C’est enfin demain où la permanence scripturaire s’émancipera du maquis de la solitude éditoriale. Quinze poètes, autour d’une unité de tons, de couleurs et d’ambiance ont comparu comme témoins décomplexés d’une époque pionnière. Cantates pour une versification ensorcelée, rageuse, rarement romantique, souvent dénonciatrice du mal-être, pour tout dire iconoclaste. Fernando d’Almeida qui signe en ouverture la note infra-paginale dévoile : « Poésies audacieuses en transit vers l’imaginaire réalisé, ces oeuvres donnent accès à des déchirements existentiels. Se vouant à une sorte de subjectivité collective, elles embraient sur la complexité de notre immédiateté. » Prenons dans ce florilège qui fera date, Angeline Solange Bonono. Loin d’être une vestale, que fait-elle de ces feuilles offertes à la sanction publique ? Elle « gris-grise » des « abraxas à Bacchus » « des phylactères à tous les dieux de mon enfer ». Gargouillis de sentences blessés, la poétesse couve un feu bousculant tout sur son sillage. C’est un cannibalisme carbonisant la parole pour avoir trop retenu ses exhalaisons sauvages. Mots blessés ? Personnages estropiés qui se côtoient au fil du grammage. Et pisse l’encre de tristesse accablée. Marie-Claire Dati, ex-épouse du journaliste Ndachi Tagne : « Adieu toi, c’était mon cœur, passionnément jeunement/Adieu toi, c’était mon trône, jalousiement, fermement ». Au vrai, la bride est lâchée dans ce foisonnement du dire. A chacun sa douleur, son immersion mystique, sa maïeutique. Et derrière ce foisonnement, veillent des maîtres, à la fois juges et parties. Complices parce que débonnaires. Des passeurs de paroles qui ont opté pour la sédimentation poétique dans un environnement où la mise en bière avec lever de coude sert de leitmotiv existentiel. Les quinze poètes réécrivent le monde avec des mots d’aujourd’hui. Et cela nous vient de Douala, là bas au fond du golfe de guinée, cet ancien ‘Kamerun stadt’ accessible à toutes les fièvres du monde, quand cela ne jaillit pas du fond vaseux de l’estuaire du Wouri. D’aucuns ont ainsi susurré qu’il y a une école poétique dite « de Douala », par opposition à celle de Yaoundé, qui doit encore s’affirmer. Anne Cillon Perri le souligne dans son extraduction : « il importe de souligner que deux grandes écoles dominent le paysage poétique national : il s’agit d’une part, de l’école du poème-objet et d’autre part, de l’école du poème-prétexte. » Mais pour que ce cénacle prenne forme, il y a eu la rencontre de plusieurs facteurs avec, sur la ligne de front, un certain Bruno Essard-Budail, ouvrier discret de l’art. C’est dans la loggia du Centre culturel français que le complot a été fomenté. Avec au bout plusieurs ouvrages en deux ans de présence. Jamais de mémoire de littérateur, on a enregistré un tel mouvement autour du Centre Culturel Français ou de tout autre lieu de création. Il faudra remonter aux années 70 pour retenir toujours en ces lieux de promotion culturelle, l’ enfantement de talents aujourd’hui oubliés : Dikongué Pipa pour le cinéma, Jean Minguele et Eloko Levi pour le théâtre, Et déjà Fernando d’Almeida, Edouard Kingue, Pius Njawe pour la poésie. Et puis vinrent, au gré des mutations du personnel consulaire français, le tandem Nadia Derrar-Bruno Essard-Budail. Au moment où ils quittent le Cameroun, la production artistique et littéraire s’est enrichie d’œuvres magistrales au nombre desquelles la poésie a tenu une place d’importance. Par la grâce des éditions du Centre Culturel Français auxquelles se sont joint les éditions des cahiers de l’Estuaire, sur 247 pages avec en couverture une fresque du peintre Koko Komegne, « D’Aujourd’hui » est une anthologie de quinze poètes camerounais en toute liberté. Au moment où ils quittent le Cameroun, la production artistique et littéraire s’est enrichie d’œuvres magistrales au nombre desquelles la poésie a tenu une place d’importance. Par la grâce des Editions du Centre Culturel Français auxquelles se sont joint les Editions ‘les cahiers de l’Estuaire’, sur 247 pages avec en couverture une fresque du peintre Koko Komegne, « D’Aujourd’hui » est une anthologie de quinze poètes camerounais en toute liberté.

Ainsi avons nous eu droit à ‘Mesure de l’amour’ (F. D’Almeida, novembre 2004) ; ‘Au-delà de l’utopie’ (Anne Cillon Perri, mars 2005) ; ‘Le déluge en soi n’est jamais trop loin’ (Hervé Yamguen, juin 2005) ; ‘Boulevard de la liberté’ (collectif, octobre 2005) ; ‘L’échéance du songe’ (Lionel Bourg- illustré par Max Lyonga Sako- décembre 2005) ; ‘C’est comment non ?’-en partenariat avec les Editions Proximité-(Marie-Claire Dati, avril 2006) ; Trait noir (bandes dessinées camerounaises, juin 2006) ; ‘survivre et frapper, pas d’quartier’ (coffret à l’honneur du peintre Koko Komegne, mai 2006) ; ‘Du crayon à la gomme’, (Almo, bande dessinée, mars 2007) ; Anthologie de la Littérature camerounaise’, (Editions Afrédit, mars 2007). Publié en France en partenariat avec les Editions Etre et Connaître : ‘Bayam Sellam’ (François Nkeme, août 2007) ; ‘Les deux fusils’, (Ben Paguy, août 2007)

Edking