Digressions sur le Tchad
Par hbg, vendredi 28 juillet 2006 à 13:52 :: Réflexions et ... digressions :: #1228 :: rss
Un article du Monde du 14 Juin 06, signé Jean-Pierre Tuquoi et intitulé : « La France veut stabiliser le Tchad et la Centrafrique »
La visite officielle en France du ministre tchadien de la Communication
Ahmat Yacoub, directeur du journal en ligne tchadien Al Wihda
Dans un article du Monde du 14 Juin 06, signé Jean-Pierre Tuquoi et intitulé : « La France veut stabiliser le Tchad et la Centrafrique », le journaliste évoquait le déplacement discret de Brigitte Girardin, Ministre française déléguée à la coopération, et Michel de Bonnecorse, « M. Afrique » à l'Elysée, qui devaient se rendre le 15 Juin, au Tchad, pour y rencontrer le président Idriss Déby.
L'objet de la rencontre est clair, puisqu'il s'agit de convaincre le chef de l'Etat tchadien d'«ouvrir un dialogue avec l'opposition démocratique », que Mme Girardin et M. de Bonnecorse ont prévu de rencontrer à N'Djamena, pour la voir associée au pouvoir.
En fait cette opposition démocratique ne doit pas comprendre le député Ngarlejy Yorongar (http://www.rfi.fr/actufr/articles/078/article_44437.asp), père fondateur du FAR et ex-candidat aux présidentielles de 1996 et de 2001 contre Idriss Deby (et qui comme chacun sait est d'une part un vrai nationaliste, ce qui constitue le tabou par excellence en Afrique, et d'autre part était lié personnellement à François-Xavier Verschave).
En visite officielle en France, le ministre tchadien de la Communication, Hormadji Moussa Doumgor, a tenu ce 25 Juillet une conférence de presse à Paris où il a annoncé le début du Dialogue national pour le 28 juillet et ce pendant sept jours.
Il a par ailleurs rappelé (http://www.afrik.com/article10155.html) que « le président Déby a été élu, qu’on le veuille ou non, dans un pays démocratique. Le Conseil constitutionnel a rendu un verdict qui s’impose à tous. Même s’il y a eu fraude, même s’il y a eu des problèmes, le résultat s’impose à tout le monde. On ne revient plus sur cela quelle que soit la contestation qu’on peut opposer ».
Cela a le mérite d'être sincère (la fraude) et clair.
Ahmat Yacoub, directeur du journal en ligne tchadien Al Wihda et conseiller du FNTR, un mouvement d’opposition membre du Fuc, (Front uni pour le changement démocratique) qui avait lancé une rébellion armée juste avant les élections du 3 Mai dernier et qui aurait pu renverser le régime, si la France n'était pas intervenue, s'exprime en ces termes (http://www.afrik.com/article9727.html) : « pour conquérir un pays si grand que le Tchad, nous devions discuter avec les partenaires, parmi lesquels la France, qui compte environ 1 500 hommes sur place. Nous aurions dû discuter et rassurer la France quant aux intérêts qu’elle défend. On ne peut pas venir et les surprendre comme ça ».
Là aussi, cela a le mérite d'être clair, les Tchadiens ne sont pas chez eux, puisque avant toute action, ils doivent en informer l'Élysée.
En fait, si la France impose à Idriss Déby (comme elle l'a fait – avec un succès présenté comme tel – mais relatif au Togo) d'associer une certaine partie de l'opposition au régime (et nul doute que certains de cette opposition, même s'ils ne sont pas représentatifs, en feront partie), ce processus présente pour elle (et pour Déby) deux avantages :
- d'une part, ce rapprochement avec l'opposition aura pour objectif final de réduire les leaders de l'opposition (là encore abus de langage, puisqu'il ne s'agira que de certaines personnes, parfois de « seconde zone ») aux yeux de la population à travers des compromis, à des assoiffés de pouvoir, mus par l'appât du gain ;
- d'autre part, cela permet de présenter une opposition qui joue le jeu « démocratique » sans remettre en cause l'essentiel, à savoir le résultat des élections (on rappelle que l'opposition les avait boycottées), entrer au gouvernement signifiant une reconnaissance tacite.
Par la suite Paris se satisfera de l'ouverture démocratique du Tchad, dans la mesure où elle accroîtra la respectabilité du régime de N'Djamena, sans remettre en cause la stabilité du régime, beaucoup plus importante pour la France que pour Déby (cela laissera par ailleurs le champ libre à la France en Centrafrique où une rébellion a vu le jour).
Mais on rappellera quand même, que si certains partis d'opposition en Afrique (au Sénégal par exemple) ont parfois le droit de tenir meeting, voire de manifester leur mécontentement dans des défilés, ils n'ont pas pour autant accès à la presse d'état (notamment la TV et la radio), donc n'ont aucun écho dans le pays profond.
Enfin, cela peut permettre éventuellement à Paris, de choisir ultérieurement parmi ceux qui se seront bien compromis par un passage au gouvernement, un remplaçant potentiel à Idriss Déby, qui aura comme contrainte obligatoire de laisser Déby sortir (mais plus tard) par le haut.
Il faut en effet se rappeler que de nombreux dirigeants (Sékou Touré, Houphouet-Boigny, Mobutu, Éyadéma, Senghor , Ahidjo ... ) sont décédés de mort naturelle, alors que d'autres (Diouf, Lissouba, Kérékou ...) mènent une vie paisible (n'oublions pas Duvalier d'Haïti). C'est le deal proposé à tout successeur potentiel choisi, ou récupéré par la France....
Et pendant ce temps, la terre tourne ...
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