Une prime à la dictature

Les accords de défense qui existent entre la France et certaines de ses anciennes colonies, l'autorisent à intervenir en cas d'agression extérieure pour protéger l'intégrité territoriale de ces Etats.

Seulement voilà, l'argument de l'agression extérieure n'a plus cours dans la mesure où, en fait d'agressions, l'on est de plus en plus face à des guerres déclarées entre anciens frères d'armes, que tout tend aujourd'hui à opposer. En Centrafrique, ce sont les anciens alliés du général-président Bozizé, ceux-là mêmes qui l'avaient aidé à déboulonner Ange Félix Patassé, qui lui en veulent à mort aujourd'hui. De même au Tchad, ce sont d'anciens partenaires qui se livrent à une bataille féroce.

Comment peut-il en être autrement avec des présidents à vie ?

Par contre, comment comprendre le comportement, sinon le zèle de la France, qui n'hésite pas à voler au secours de dirigeants, quand force est de reconnaître qu'il ne s'agit pas d'agression extérieure ?

En réalité, les prétendus accords de défense ne sont que des clauses secrètes d'intervention en cas de troubles internes en vue de soutenir ces dictateurs (le dispositif « Epervier » par exemple est déployé à Ndjamena au Tchad depuis 1986 !!!, et si l'on examinait ce pays de plus près, on se rendrait compte que l'armée française y est quasiment depuis Tombalbaye en 1960 et bien sûr avant, sous la colonisation).

C'est l'usage de la force au service de dictateurs locaux, les mieux placés pour offrir la garantie de la préservation des intérêts français, mais malheureusement, c'est aussi une prime à la dictature.

Tous ces dictateurs (la liste serait trop longue) doivent leur pouvoir à la France, ce qui ne va pas sans contrepartie ? Qu'un chef d'Etat doive son fauteuil à l'ancienne métropole plutôt qu'à son peuple, voilà qui constitue l'un des plus grands scandales de la république pour paraphraser François-Xavier Verschave.

Que la France veille à la préservation de ses intérêts sur le continent, c'est compréhensible (on imagine pas la Belgique le faire à sa place), mais que les moyens et les manières d'y parvenir aillent jusqu' à la complicité de génocide par :

- un soutien passif au Soudan – on aime à rappeler en France que le Soudan peut compter au sein du Conseil de sécurité sur le soutien de la Chine et de la Russie, ce qui évite de nous souvenir les négociations de Pasqua pour récupérer Carlos il y a dix ans, nous ayant amener à fermer (détourner ?) les yeux de ce qui se passe au Sud Soudan, c'est-à-dire au Darfour,

- un soutien actif au régime rwandais d'Habyarimana.


La France du 21ème siècle, celle de Chirac en tous cas (sous Jospin le ni..ni... a fonctionné un tant soit peu) n'a rien à envier à celle du siècle dernier.



Double discours concernant la Chine

A coup de tirs de Mirage, de frappes aériennes, de forces spéciales, d’hélicoptère puma comme en Centrafrique en Décembre 2006, les troupes françaises font bien plus que de l’assistance, elles mènent des guerres authentiques, pour « sécuriser » la Françafrique. Quels enjeux ?

L’Afrique centrale, le Golfe de Guinée regorge de pétrole et les découvertes de gisement se succèdent, et la France souhaite au moins limiter sa perte d’influence, car en outre, la montée en puissance de la Chine dans toute l’Afrique et en particulier en Afrique centrale, au Cameroun, en Angola, au Congo-Brazzaville, au Soudan, créé une panique inimaginable auprès des décideurs français.

On ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer, de voir la France donner des leçons de morale à la présence chinoise en Afrique, l’exhortant à encourager la démocratie et la paix, comme elle-même ne cesse de le faire depuis un demi siècle au moins, par coups d’Etats, assassinats de leaders nationalistes, cautions aux Eyadema père et fils, Sassou Nguesso, Biya, ou Deby !




Au sujet de certains dictateurs

Augusto Pinochet est mort à l'âge de 83 ans le 11 décembre dernier ; il ne sera pas jugé par un tribunal des hommes.

Pol Pot, qui avait instauré au Cambodge un régime très sanguinaire et tortionnaire est lui aussi mort en 2005 sans avoir été jugé par le Tribunal international mis sur pied à cet effet.

Mengistu Haïlé Mariam, appelé également le Négus rouge, a été jugé par contumace et condamné à mort le 12 Décembre dernier par un tribunal de droit national éthiopien du fait des exécutions sommaires de généraux, d'étudiants, et de l'empereur Haïlé Sélassié. Comme il n'existe pas de traité d'extradition entre l'Ethiopie et le Zimbabwe où s'est réfugié Mengistu après sa chute, il ne sera pas livré à l'Ethiopie pour répondre des crimes qui lui sont reprochés.

Un autre ancien président africain, le Tchadien Hissène Habré est actuellement poursuivi par la justice pour répondre des violations des droits de la personne humaine dont on l'accuse au Tchad après sa chute en 1990. Il y a de fortes chances qu'il ne soit jamais traduit devant un tribunal, vu la détermination avec laquelle le Sénégal où il a trouvé asile, s'emploie pour ne pas le livrer à la justice internationale.

Tous les anciens chefs d'Etat sus-cités (on pourrait rajouter l'haitien Doc Duvalier, ou Agathe Habyarimana pourtant très active dans le génocide anti-tutsi et qui coulent des jours paisibles en France, aux frais du contribuable ??? - elle vient de se voir refuser l'asile politique après 10 ans en France sans papiers !!! - ) étaient pourtant qualifiés de dictateurs par l'Occident.

Les Etats-Unis, à travers le Nigeria ont favorisé l'arrivée au pouvoir de l'ex-seigneur de guerre libérien Charles Taylor, avant de l'accuser de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, notamment pour ses responsabilités dans la guerre civile en Sierra-Leone à la fin de la précédente décennie.

Que dire encore de Mobutu, Amin Dada et Bokassa pour ne citer que les plus célèbres...

Aussi, l'on est en droit de largement relativiser ce terme appliqué au président zimbabwéen Robert Mugabe par la Grande-Bretagne, la France et l'Union européenne au motif qu'il entreprend une réforme agraire consistant à retirer les 80% des terres riches entre les mains des 20% de la population constitués de Blancs. Si c'est une erreur économique et politique (ceci est parfaitement clair), ça ne fait pas de lui un sanguinaire pour autant.

C'est l'occident, dont nous faisons partie, qui fabrique des dictateurs : Saddam Hussein par exemple aujourd'hui condamné à mort a été pendant des décennies le défenseur le plus sûr des intérêts de l'Occident au Proche et Moyen-Orient, notamment contre la révolution islamique iranienne.

Dès l'instant où il se présente comme un nationaliste, qui pense d'abord aux intérêts de la nation arabe, il devient à partir de ce jour, un homme à abattre et un dictateur.

Connaissez-vous des nationalistes en Afrique sub-saharienne ? Personnellement je ne connais pas plus de 5 ouvrages ayant été écrit sur ce thème, et ils traitent davantage des années 60 et de la décolonisation, que des situations actuelles. Si des nationalistes réels ont existé, ils n'ont jamais accédé à la direction de leur pays (les membres de l'UPC) ou si peu (Lumumba) , voire ils ne sont plus de ce monde.




Une nouvelle république bananière, la Guinée

Dans un article du Monde du 17 Janvier de Serge Michel (envoyé spécial à Conakry), il est dit que le dictateur local Lansana Conté a libéré en personne Mamadou Sylla, un homme d'affaires accusé de détournement de fonds publics, en se rendant lui-même à la cellule avec un cortège de véhicules tous terrains. « La justice, c'est moi » a t-il avoué à son entourage ; on le savait déjà !!!

Sur certains sites spécialisés, on découvre à l'occasion des grèves de la population, destinées à faire évoluer le pays pacifiquement, que son propre fils Ousmane, à la tête de la garde présidentielle effectue lui-même la sale besogne, en allant « liquider » des soi-disants grévistes (officiellement une soixantaine de morts a été reconnu, il faut donc augmenter ces chiffres !).

De toutes façons, ce dictateur est malade (leucémie et diabète), incapable de gouverner (dès 1984, cela semblait pourtant évident, je ne suis pas de ceux qui considèrent que l'armée est faite pour diriger un pays), et il a en tête d'imposer son propre fils (pourtant sanguinaire) à la tête de l'état, à la façon d'un Faure Éyadéma au Togo. Sans doute veut-il profiter de la période de transition incertaine qui s'annonce avec les élections présidentielles françaises, voire tester l'idée à l'occasion du Sommet franco-africain le mois prochain. Nul doute qu'un Chirac n'y serait pas hostile.

Il serait inadmissible, pour parler poliment, que des dictateurs de ce type (sans autre projet que de se remplir les poches et d'éliminer tous ceux qui le contestent) continuent à sévir en Guinée, dont Conakry est vraisemblablement aujourd'hui, la capitale la plus pourrie (dans tous les sens du terme) de l'Afrique de l'ouest, voire de toute l'Afrique : près de 50 ans après son indépendance, il n'y a toujours ni eau, ni électricité et la population subit même régulièrement des pénuries alimentaires.