Voilà l'impression que les évènements du Tchad laissent à chacun, étant entendu que généralement ce qui compte n'est pas la vérité, telle qu'elle est, toute crue – personne ne la connaît (voir ci-dessus) -, mais l'impression que chacun en a retiré, malgré les démentis formels et/ou officiels qui pourront arriver ultérieurement.

On sait que par le passé, l'aviation militaire française a déjà tiré sur les colonnes rebelles, alors qu'il n'existe pas d'accord de défense entre la France et le Tchad (même les journalistes et les militaires le reconnaissent, mais généralement lorsque le temps est passé).

On sait qu'Idriss Déby a affirmé sa personnalité vis-à-vis de la France, ce qui signifie qu'il n'est plus « la chose » de l'armée française (comme d'autres, il a fait deux ans à l'ancienne école de guerre de Paris – ce qui créé des liens -), les ressources en pétrole lui octroyant une relative indépendance (lorsque la France ne fait plus les fins de mois, son message passe de plus en plus mal, pour parler en termes diplomatiques).

L'affaire de l'Arche de Noé n'en est qu'une dernière illustration, Sarkozy ayant annoncé préalablement qu'il allait chercher tout le monde. Il avait dû battre en retraite, n'ayant pu ramener que les journalistes.



Imaginons que les rebelles aient pu avancer (ils l'ont d'ailleurs fait) sans que l'armée française intervienne1, en prétextant qu'il s'agisse non de rebelles tchadiens (ce qui signifierait que la France s'immisce dans les affaires internes tchadiennes), mais des Soudanais, ce qui justifierait son intervention en vertu des accords de « coopération »2.

Les rebelles sont dans N'Djamena. Comme tout le monde l'a entendu, Idriss Déby était en contact permanent avec Sarkozy (pour discuter de quoi ? D'une évacuation, cela ne trompe personne ? Pour rappeler que jouer avec le feu (ne pas rester soumis) est un grand risque qu'il prend compte-tenu de l'histoire (le Tchad comme la Centrafrique sont un peu l'arrière-cour des militaires français).

Quoiqu'il en soit Déby ayant vu la mort de près, a dû lui aussi avaler des couleuvres, le reste (médiation de Khadaffi et de Compraoré, condamnation de l'ONU) n'étant qu'habillage juridico-diplomatique pour que tous (rebelles y compris – on aura peut-être besoin d'eux plus tard -) sauvent la face. En outre, selon la France, le fait que l'ONU s'époumone lui donnerait le droit d'intervenir directement ? Mais c'est la France qui a eu l'initiative de la résolution de soutien du gouvernement légal (mais non légitime) à l'ONU (comme elle le faisait contre la Côte d'Ivoire) pour agir directement, non pas au nom de la France, mais de l'ONU.

Tout cela ne trompe personne ; quel zèle y aurait-il à appliquer certaines décisions de l'ONU, tout en en oubliant d'autres : la condamnation depuis 1975 de la situation de Mayotte, la condamnation des élections au Togo en 2005, etc...



Bien entendu, le Figaro, le Monde et Libération ont une autre vision des choses (pourrait-il en être autrement ?), reconnaissant toutefois certaines des indications citées plus haut, mais ils préfèrent mettre l'accent sur le fait que la France devait rester neutre le plus possible, pour conforter ses partenaires européens dans la mise en place de l'Eufor au Darfour, ceux-ci étant plus que réticents ne voulant pas financer une opération dont la seule la France tire profit en Afrique.

Mais l'un n'empêche pas l'autre, les intérêts de toute nature, ceux-là y compris, n'interférant pas dans ce qui a été dit.

A ce que je sache, les rebelles tchadiens sont chez eux (pas les militaires français). Comment des Tchadiens, quelles que soient leurs intentions, ne peuvent-ils pas utiliser leur aéroport. J'imagine mal dire à des Français qu'Orly ou Roissy sont interdits d'accès au motif qu'un commando lybien, ivoirien ou gabonais sécurise le périmètre pour exfiltrer leurs ressortissants. C'est pourtant ce qui se passe régulièrement dans certains pays d'Afrique. Souvenez-vous même, que certains militaires français ont à certains moments, contrôlé les papiers d'identité d'Ivoiriens chez eux.

On passe toujours sous silence ces aspects des choses, qui évidemment augmente à la frustration de tous les Africains, y compris les francophiles.



En fait contrôler l'aéroport sous prétexte d'évacuation (non pas en France, mais au Gabon, ce qui prouve que les Tchadiens n'en veulent pas aux Français), permet surtout aux hélicoptères de Déby de fonctionner (les rebelles les auraient immobilisé ou confisqué dans le cas contraire), mais ce n'est jamais dit explicitement.

Il y a toujours des gens pour dire que sous la colonisation c'était mieux que sous le joug de seigneurs de guerre. C'est oublier un peu vite, qu'il existe de nombreux Africains compétents et honnêtes, qui pourraient assurer un développement harmonieux de leur pays respectifs, le problème étant que cela ne se ferait pas forcément avec la France officielle et c'est bien là le problème pour la France et donc accessoirement pour les Africains.



Je suis contre Idriss Déby pour tout ce qu'il a fait et n'a pas fait pour son pays. Je suis par ailleurs conscient qu'avec les rebelles, la situation n'aurait pas changé pour la population : c'est bonnet noir et noir bonnet.

Mais je suis aussi tout contre les gesticulations ou argumentations françaises sur l'état de droit3, les élections, etc...

Le Tchad est un pays démocratique aujourd'hui, donc on ne peut l'attaquer impunément. Il y a à peine un mois avec l'affaire de l'Arche de Zoé, le Tchad était une république bananière. Ou le droit est respecté dans tous les cas de figure (y compris lors des élections truquées), ou les Tchadiens n'ont que la force à opposer à celle de Déby.

En 1990, Déby soutenu par le Soudan avait délogé Hissène Habré et la France n'avait pas crié au scandale.

De toutes ces élucubrations, bonnes ou mauvaises, il faudra faire le point.



Déby sort-il affaibli (la France l'a quand même soutenu indirectement même si elle affirme le contraire) ou renforcé (la France a attendu de savoir qui l'emporterait avant de s'impliquer officiellement avec lui). L'avenir prochain nous le dira, mais la France doit comprendre, que même si les situations sont différentes (au Kénya, on combat le principe des élections truquées, pour éviter la guerre civile, même si en apparence cela y ressemble), les Africains ne veulent plus de cette Afrique ou des dirigeants s'installent à vie sur le fauteuil présidentiel pour s'y engraisser.

Pourquoi en Europe, on limite de fait (aux États-Unis c'est en droit4) le nombre de mandats, alors que les Africains eux devraient supporter 40 ans un Bongo (par exemple) qui sauf erreur de ma part, n'est pas le Roi du Gabon (on m'aurait menti ?).

Enfin, aucun journal français télévisé à ma connaissance, ne fait de lien entre le soutien de l'armée française à Déby et la grâce à venir à certains membres de l'Arche de Noé. Pourtant cette grâce arrive tellement tôt après les évènements du Tchad, qu'il est légitime d'y voir un lien de cause à effet.



Tous les dictateurs africains doivent désormais demander à Sarko d'exercer son droit de grâce à l'encontre de tous les Africains emprisonnés en France qui ont commis des délits ou crimes de même nature que ceux de l'Arche de Zoé.




La morale de l'histoire :

- la France joue toujours les fiers à bras en Afrique,

- les dictateurs africains continuent de se porter à merveille, et grâce à la France, peuvent éliminer les seules oppositions non militaires, ce qui permettra à tous de dire, qu'il n'y a rien en dehors de ces dictateurs. Qui se rappelle pourtant combien étaient et sont quasiment incultes les Bongo, Mobutu, Bokassa, Eyadéma, Conté et consorts... Dire qu'il n'y a pas d'opposants à ces analphabètes, c'est faire montre d'un cynisme qui ne pourra plus durer, les USA, la Chine, voire l'Inde vont occuper la place et même s'ils ne sont mus eux aussi que par leurs intérêts, en revanche l'arrogance et l'esprit de suffisance n'est pas de mise.

- les dictateurs africains continuent de donner l'image d'une Afrique bananière, où le chef décide de tout (y compris de la vie et de la mort de ses concitoyens), et comme ils ne veulent pas partir pacifiquement, il faudra bien les enlever à coup de pompes dans le c...



Notes:

1 - Certains rebelles accusent la France d'être intervenue militairement, ce qu'a démenti la France, mais tout le monde se rappelle ce que cela peut vouloir dire. Se rappeler les démentis à propos de la Côte d'Ivoire.

2 - Qui peut m'expliquer ce que signifie « la France fera son devoir », alors que les accords de coopération ne prévoient jamais un engagement des militaires français aux côtés de l'armée régulière.

3 - Que fait la France par exemple pour Njarjély Yorongar, un civil hostile au régime d'Idriss Déby et arrêté par les troupes de Déby, alors qu'il défend la prise de pouvoir par les urnes ? De même pour Oumar Mahamat Saleh ? La France fait semblant de croire que ce sont des rumeurs. S'ils sont liquidés – pratique courante en Afrique, et au Tchad en particulier -, affirmera t-elle qu'elle ne savait pas. On liquide l'opposition non armée, pour dire ensuite qu'il n'y a pas d'opposition autre que les rebelles.

4 - Ces vingt dernières années toutefois, seules les familles Bush et Clinton, ont occupé le devant de la scène.