Intangibilité des frontières : notions et concepts

Pour pouvoir examiner de manière objective la question d’intangibilité des frontières africaines héritées de la colonisation européenne, il me paraît important de définir les mots en ce qu’ils révèlent de notions et de concepts.

Ainsi le mot intangibilité par ce qui est inviolable, se definirait de quelque chose ou principe moral que l’on doit garder immuable, que l'on ne doit pas toucher quoi qu’il advienne, la notion d’intangibilité par principe introduit à son tour le concept d'un dogme normatif. Elle sacralise toute notion annexe qui lui serait accolée. Tout raisonnement à propos des frontières africaines partant de cette notion, c’est-à-dire de ne pas toucher, ici aux frontières issues de la division ou partage opéré à la conférence de Berlin (15 novembre 1884-26 février 1885) par les Européens fixait pour toujours l'avenir des Africains. L'absence de l'union ou de l'unité. Il était donc diificile pour les acteurs politiques africains et les élites qui devaient s'insérer dans cette notion de concevoir l'unicité africaine comme entité globale pour atteindre les libertés humaines et l'envol de l'Homme. Ainsi les problèmes du Tchad n'étaient plus les problèmes du Cameroun, ou encore le problème du mali ne concernaient pas les Sénégalais. C'est ce qui se passe actuellement.

Quant à l’autre terme fondamental de la question : frontière, on peut dire par définition, que la frontière s’entend comme une limite entre deux territoires, du point de vue de sa representation matérielle, c’est une séparation virtuelle dessinée sur une carte qui peut être matérialisée par des obstacles naturels, (fleuves, montagnes, océan, minéralogique etc…) ou par une charge politico-affective c'est-à-dire le sentiment d'appartenir à un groupe homogène et rassurant. Elle devient l'élément structurant de la pensée des élites politiques, économiques ou voire du peuple, cela par l'antagonisme et l'altérité qu'elle crée. L'autre Africain devient étranger, ce qui n'était pas le cas avant les années 50 et 70.

Elle (la frontière) peut aussi exister au sein d’un même pays pour des besoins administratifs ou d’identification. Mais elle ne peut empêcher le déplacement des hommes entre différentes frontières. Les Hommes, depuis les premiers par programmation génétique vont toujours se diriger vers un environnement où ils peuvent survivre sans difficulté, c'est le symbole de la liberté totale : ne pas s'attacher. Les frontières par excellence sont les outils de l'asservissement des peuples et du capitalisme. Non seulement qu'elles permettent de fixer des populations pour mieux les contrôler, mais aussi d'exclure de toute ingérence extérieure le reste de la communauté humaine. Ainsi à l'intérieur de l'espace circonscrit on peut facilement opérer, c'est une sorte de privatisation du territoire qui est en fait propriété publique de l'humanité. La Terre appartient à tout le monde, l'Homme doit y aller et venir comme bon le semble normalement. Les frontières sont nées avec le besoin des tyrans de mieux controler les populations et de soumettre des Hommes. L'idée de sacralisation des frontières va encore être renforcée avec l'avenement de la révolution industrielle en Europe.

Naissance des frontières africaines

Pour revenir à notre question, en ce qui concerne les frontières africaines, il nous faut se situer dans le contexte de la naissance de ces frontières. Avant la conférence de Berlin en 1885, les Européens se disputaient le territoire africain comme des vulgaires bandits. Après plusieurs affrontements (Anglais et Français à Fachoda par exemple) entre eux pour posseder le maximum des terres africaines, l'Allemand Bismarck les convoquent à Berlin et ils décident de se mettre d’accord, en mettant des limites, afin d’identifier les « propriétés ou possession » qu’ils venaient de conquérir, cette opération permettaient de privatiser les territoires. C'est ainsi que le roi des Belges Léopold II à lui tout seul posséda la parcelle du Congo qui fut sa "propriété personnelle". Ce sont les fameux traités que chaque pays européen va exhiber à cette conférence (une dispute plutôt). Entre paranthèses là les Européens ne vont pas hésiter à mentir car plusieurs de ces traités sont des faux et aujourd'hui très peu de ce pays peuvent exhiber les documents en question.

Cette privatisation du territoire en plusieurs possessions (territoires ou colonies) sera rendue nécessaire pour les besoins de pillage, cela faisant, le roi des belges ne pouvait plus aller piller sur la propriété privée de la France.

Ainsi naissaient les frontières africaines. Les frontières africaines actuelles ne sont pas issues de la volonté des Africains cela est une vérité historique qui doit obliger les Africains à s'interroger sur la nécessité de l'intangibilité des frontières actuelles.

La solution devient le problème

En 1950 les combattants de la liberté et les fondateurs de L’OUA avaient trouvé la solution dans le principe de laisser intacte les frontières héritées de la colonisation pour atteindre facilement l’efficacité dans la lutte pour l’indépendance. En 1963 les fondateurs de l’OUA pensaient que ce n’était qu’une étape intermédiaire, car pour eux à terme les frontières de Berlin devaient disparaître pour donner naissance à la fédération Africaine.

Il y a lieu de souligner ici, que ces idées étaient émises bien avant la naissance de l’union européenne, en la matière l’Afrique ne copie rien. Le grand Nkrumah avait vu juste et loin, dans l’unité des peuples et des Etats africains comme étant la grande arme pour sortir le continent de son état.

La solution intermédiaire, au fil du temps, à la suite des déviations des objectifs de l’OUA et de l’action néfaste des stratégies vitales pour l’Europe, la Chine et les USA, est devenue le problème majeur de l’Afrique, sinon le grand obstacle à sa libération. En énonçant ce principe les fondateurs de l’OUA voulaient éviter à l’Afrique encore fragile les guerres inutiles sur la question des frontières, mais cela n’a pas pour autant pas permis d’éviter les guerres fratricides entre le Mali et le Burkina ; la Lybie et le Tchad ; le Cameroun et le Nigéria et d’autres. Il y aavait aussi la crainte de voir poindre les guerres de sécession comme celui du Cabinda avec l’Angola ; l’Erytrée ave l’Ethiopie ; la Casamance avec le Sénégal ; le Sahara occidental avec le Maroc ; l’éclatement du Congo belge de l’époque en des minuscules pays. Car ces petites entités d’un point de vue économique et surtout militaire ne peuvent en aucun cas lutter contre les armées d’expédition coloniales américaines et européennes. Elles seraient non viables du fait même de la sous-démographie.

Mais hélas peine perdue pour Nkrumah et les combattants de la liberté, l’Afrique francophone donna le mauvais exemple, car elle éclata en miryade de petits pays tous non viables, le soudan français qui regroupait presque l’ancienne AOF donna naissance au Senegal, Mali, Cote-d’ivoire, Haute-volta, la Guinée et Mauritanie quand l’Afrique centrale dite équatoriale, elle donnait naissance au Congo, Gabon, Tchad, Centrafrique. La France se retrouva donc avec plus de dix républiques à sa botte au lieu de deux territoires fédéraux (AOF et AEF). Imaginez un seul instant que l’AEF avait continué à existé en 2006, exit les Tchadiens, les Congolais, les Gabonais, les Centrafricains, toutes ces identités auraient fondu en une seule et un seul pays, un premier point, le pétrole du Tchad, du Gabon et du Congo, serait la propriété commune de tous les habitants, l’Afrique centrale serait actuellement une puissance tout comme l’Afrique de l’Ouest. Cela c’est le côté positif. Maintenant on a aussi de manière objective le contre exemple, c’est le Congo (RDC) où les belges n’ont pas divisé leur « possession » en plusieurs parcelles. Cet immense territoire de près de 2.500000 km2 a été gouverné pendant près de 35 ans par un dictateur qui a permis son sous-développement. Avec 60 millions d’habitants, sur le papier ce pays apparaît comme un géant, mais la réalité qui a été bâtie sur des idées de pouvoir central a fait de ce pays l’un des plus pauvres et criminels du continent. Si à l’indépendance ce pays avait opté pour la fédération, la guerre du Katanga n’aurait pas eu lieu. Surtout que par le fédéralisme, certains territoires du Congo auraient pu connaître un autre sort que celui que Kinshasa a reservé tout cet immense et riche pays et nous éviter en ces années 2000 les 5 millions de morts déjà recensés du fait de la centralité du pouvoir.

C’est là où je veux en venir et dire que l’intangibilité des frontières est contraire au développement de l’Afrique. Sa disparition doit nécessairement donner naissance à la fédération africaine.

Et le paradoxe est là, il nous faudra partir des frontières actuelles car elles ont un sens historique, tout en opérant une rupture psychologique pour créer des Etats à la place des républiquettes intrsèquement non viable qui existent actuellement afin de réaliser le schéma fédéral qui pour moi est la seule voie de sortie pour tout le continent. La division de l'Afrique avec ces républiquettes et multitudes de nationalités entretient l'illusion parfaite que chaque pays peut s'en sortir tout seul.

En conclusion, Pour ou contre l’intangibilité des frontières ?

On peut donc répondre par oui et non;

1/ Oui, pour transformer les républiquettes actuelles en véritables Etats, insérés dans un grand ensemble fédéral : l'AFRIQUE propriété commune de tous les Africains. Un seul pays : l'AFRIQUE, une seule identité : AFRICAINE qui est la vraie depuis la nuit des temps et de tous les soleils qui éclairent nos journées.

2/ Non, car les frontières actuelles rendent nos pays non viables, aucun pays africain à l’heure actuelle ne peut prétendre rivaliser avec un petit pays d’Europe.

La reflexion reste donc ouverte et non passionnée comme il semble être le cas actuellement.

Elle est à poursuivre........................................................