Au début de l’automne 2011, où en est la situation mondiale de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement ?
Les chiffres officiels, produits par les agences de l’ONU, sur la base des déclarations des gouvernements, et plus ou moins bien recoupés et redressés, nous en donnent une idée imparfaite.
En matière d’assainissement, plus de 2,6 milliards de personnes n’ont pas accès à un assainissement correct. Cela ne signifie pas des toilettes chez soi avec un raccordement à l’égout comme le plus souvent dans les pays du « nord ».
Pour l’eau, on compte les gens qui « ont accès à un point d’eau amélioré » selon les autorités nationales.
886 millions Source JMP 2010
Valide pour l’ONU, cet accès ne signifie pas grand-chose d’évident pour nous, qui ouvrons le robinet à la maison 24h sur 24, contrairement à 4 milliards d’humains. Il s’agit en fait de bénéficier au minimum d’un puits autour duquel on se sera assuré (en principe) de l’absence de contamination animale et humaine. On est incapable d’affirmer que cette eau est « potable ».
Quant « l’accès à l’eau de boisson » (sic) cela signifie que la source est située à moins d’un kilomètre (15 minutes) de l’endroit de son utilisation et qu’il est possible d’obtenir régulièrement au moins 20 litres d’eau par habitant et par jour.
Ce sont les femmes et les filles qui sont à 72% de corvée d’eau.
En fait, les études urbaines ponctuelles indiquent que le nombre de résidents urbains, en particulier des bidonvilles des mégapoles du sud, n’ayant pas un accès adéquat à l’eau serait beaucoup plus important que ce qu’indiquent les chiffres officiels. Il en va de même pour la situation de l’assainissement.
Les données obtenues au niveau de 43 villes africaines indiquent qu’en réalité, 83 % de la population ne disposaient pas de toilettes raccordées aux égouts. Pour les grandes villes d’Asie, ce pourcentage est de 55 %
Dans certains pays parmi les plus pauvres, il n’y a pas eu de recensement depuis 10 ou 20 ans. Même lorsqu’un recensement est organisé, rares sont les États qui les communiquent sincèrement du fait que ces mauvais résultats pourraient durcir les conditionnalités à l’octroi de prêts ou entraîner des conséquences sur la représentation électorales des plus précaires ainsi constamment sous-évalués et sous représentés.
L’échec des privatisations et des PPP (Partenariats Publics Privés) Dès les années 90, les institutions internationales, Banque Mondiale et FMI, ont présenté la marchandisation de l’eau comme le moyen le plus efficace pour couvrir sur toute la surface du globe ce «service essentiel ». Elles ont conditionné les prêts au développement à la prétendue gestion optimale par les entreprises privées de notre bien commun.
Les grandes sociétés transnationales de l’eau, Véolia, Suez, SAUR, Thames Water, etc… se sont précipitées sur cette opportunité. La formule d’exploitation choisie, la concession, ne pouvait pas effacer, à la fin du siècle dans les pays pauvres, son inefficacité à son début dans les pays riches, qui avait entraîné la définition du service et de la gestion publics. Malgré la mise en œuvre du Partenariat Public Privé (PPP), sous forme d’affermage ou de contrats de gestion, de BOT , en 2011, on peut affirmer qu’elles ont échoué.
À quelques exceptions près, malgré des licenciements massifs, des suppressions de compteurs, des augmentations indésirables pour les usagers, etc. elles n’ont pas réussi à dégager des profits considérés suffisants pour investir à long terme dans les infrastructures ou financer les branchements.
Un rapport récent de la Banque Mondiale établit d’ailleurs que les projets de PPP n’ont permis l’accès à l’eau courante que par, environ, 24 millions de branchements supplémentaires au cours des quinze dernières années dans le « Sud ». Les pauvres qui meurent de l’absence d’eau potable et d’assainissement peuvent-ils attendre qu’un grand et profitable marché de l’eau y trouve son compte ?
Avancées et ambiguïtés du droit humain à l’eau potable et l’assainissement. Le 28 juillet 2010, l’AG de l’ONU a reconnu le droit humain fondamental à l’eau potable et à l’assainissement.
Deux mois plus tard, le Conseil des droits de l’homme précisait à la fois que l’exercice de ce droit devait être opposable aux États, qui devaient le transcrire dans leur législation nationale, mais que les sociétés privées pouvaient jouer un rôle important dans ce cadre, prouvant ainsi l’efficacité du lobbying des transnationales.
Se met en place ainsi une pièce importante de leur dispositif dans les pays pauvres : sécuriser les contrats de partenariat (PPP) grâce à des législations sur mesure, tandis que leur périmètre se limiterait aux segments les plus profitables, ceux qui valorisent, sans investissement lourd, leur avance technologique sur la gestion des réseaux et la facturation. Pour le reste, les sociétés publiques de patrimoine ou de gestion, gérées selon les normes du privé, et les POP, petits opérateurs privés locaux, feront l’affaire.
Crise de la dette et extension de la privatisation de l’eau et de l’assainissement La crise de la dette dans laquelle se débat actuellement le capitalisme mondialisé entraîne deux types de stratégies pour les majors de l’eau :
D’un côté, comme Veolia, on se recentre sur un plus petit nombre de pays, essentiellement intermédiaires et émergents, pour profiter des contractions prévisibles du commerce mondial qui vont les conduire à développer leur marché intérieur. On compte profiter de nouvelles possibilités d’investir, soit par l’intervention des banques européennes ad hoc, comme en Europe centrale, soit par la participation au capital de sociétés d’économie mixte, comme en Chine.
D’un autre côté, on compte se servir des conditionnalités des prêts, comme en Grèce, pour racheter au meilleur prix des participations importantes dans les sociétés publiques acculées à la privatisation.
La course derrière la croissance des chiffres d’affaire et des profits. Ces constats viennent remettre à leur place les affirmations de ces multinationales, et du Conseil mondial de l’eau qu’elles dominent, sur leur volonté, d’abord humanitaire ( !), de participer à la mise en œuvre immédiate et globale du droit humain fondamental à l’eau potable et à l’assainissement.
Ces entreprises ne s’intéressent aux « solutions » que si elles rapportent une croissance suffisante de leur rentabilité.
Voilà la clé de la compréhension des projets que le Conseil mondial de l’eau, présidé par le salarié de Veolia, Loïc Fauchon, ne manquera pas de mettre en musique au Forum mondial de l’eau à Marseille en mars 2012.