Normalement , cette idée ne me serait jamais venu à l'esprit un samedi soir dans un salon de coiffure parisien. Mais il se trouve que je suis allée me coiffer comme d'habitude aux halles dans un salon cosmopolite.La première fois que je suis passée devant ce salon , j'ai hesité .En effet, à l'interieur personne n'avait l'air 'issu de l'immigration' mais la vitrine affichait des tissages portées par des mannequins afro. J'ai hésité un peu puis je suis rentrée, toute la clientèle était blanche alors j'ai eu du mal à demander des infos pour un tissage. Mais quinze minutes plus tard, j'etais ravie et rassurée. Ravie parceque , j'etais dans un salon hyper professionnel et on pouvait me coiffer et en plus il était cosmoplite. Je me rappelle de m'être felicitée d'avoir deniché ce salon ou la mixité fonctionnait à plein tube. Fidèle cliente du salon , j'y ai croisé toutes sortes de regards des autres clients quand je peignais mon afro. Des regards curieux, étonnés, interloqués, moqueurs, rieurs .... mais je n'avais jamais croisé le regard méprisant. Il se trouve qu'aujourdhui, je l'ai croisé. Un femme qui se faisait faire une permanente pendant qu'on faisait ma natte pour le tissage. En quelques secondes, j'ai renoncé à tous mes beaux principes de mixité et je l'ai regardé moi aussi. Son mepris venait de rapeller qu'un pourcentage de melanine nous separait. Ce regard me meprisait certes mais surtout m'accusait "d'etre" et "pas d'avoir fait". Comment l'enfant puni injustement, j'avais envie de clamer mon innocence. Mais j'etais accusée de quoi au fait? d'etre noire? de faire un tissage? de cacher mes cheveux? d'adopter un style européen? Pendant deux secondes, j'ai voulu oter ce tissage et laisser l'afro, jeter mon jean et porter un boubou, porter des tongues. J'ai voulu jeter tous les accessoires qui me donnaient une apparence de femme intégrée pour refleter une apparence, à mes yeux , plus proche de son mépris. Peut etre que le repli communautaire n'est pas religieux ou culturel. Peut etre, c'est une parade pour resister à ces regards qui ecorchent nos efforts de tolérance. Peut etre qu'accusé a tort d'être différent nous donne envie d'affirmer notre différence voir même l'imposer. Chacun de ses regards nous encouragent à refuser de clamer notre différence par ce qu'on est accusé à tort.Ces regards nous encouragent à devenir coupable alors qu'on est accusé à tort. Deux secondes plus tard, le gerant aux yeux bleux me souraient et je redevenais pour la mixité.