Débat sur France 2 le 26/01/2006: Faut-il avoir honte du passé de la France ?

Un des immenses mérites de la loi du 23 février 2005 est d'avoir réveillé les consciences et provoqué un débat public inespéré sur la question coloniale.

Je crois rêver quand j'entends Elisabeth Badinter, Sarkozy et d'autres catéchistes républicains parler d'abus de « repentance ». Au passage je rappellerai que repentance est un terme qui appartient à la sphère religieuse et impropre dans le champ politique. Ne vaut-il pas mieux parler de « reconnaissance historique », de « mémoires » au pluriel? Au demeurant, où sont ceux qui réclament une quelconque repentance ? Se repentir n'a pas de sens. On est les héritiers d'une mémoire collective par essence ambivalente, donc avec sa part sombre, et nous n'avons pas à nous excuser des crimes de nos ancêtres. Maintenant faut-il occulter les faits coloniaux comme cela a été fait à l'école depuis les années 60 ? Car il faut bien le rappeler (je suis enseignant et dans ce domaine je sais de quoi je parle) on est passé de la glorification de l'entreprise coloniale (voir les manuels des manuels des années 30,40 et 50) au déni de ces faits. Cela perdure aujourd'hui. Lisez les programmes d'histoire de l'éducation nationale: la colonisation est certes évoquée mais ne constitue pas un sujet d'études sauf dans certaines filières de terminale, et encore cela n'est étudié qu'à travers l'émergence des pays du tiers-monde et non pas comme une histoire nationale. Mauvaise conscience ? Certes, mais maintenant que le tabou est tombé, que les mémoires se réveillent (on l'a vu récemment avec la torture en Algérie) nos catéchistes républicains crient à l'auto flagellation ! Nos élites connaissent bien cette période mais qu'en est-il du citoyen Lambda? Beaucoup pensent encore qu'ils nous sont redevables de leur avoir apporter la civilisation. A trop cacher une partie de notre histoire cela devait nous exploser à la figure. C'est ce qui s'est passé au sens propre avec la crise des banlieues ou le mal-être identitaire de certains nos enfants d'ex-colonisés s'est exprimée de façon violente.

A vrai dire la honte d'être Français est la face cachée de la fierté nationale. Les deux sont indissociables. Cela n'a pas de sens pour moi. On n’a pas à se sentir fier ou honteux de son pays. On est Français, point. L'identité nationale est ce qu'elle est, on est le produit de la société dans lesquels on vit. Il est vain de chercher à ré enchanter le monde, nous sommes condamner à le réinventer pour pouvoir tout simplement y vivre ensemble.

Le paternalisme de Roger Hanin m'a beaucoup gêné. Ses remarques sur la composition exclusivement noire de l'équipe de France reprend les pires clichés de la France black-blanc-beur. Il feint de ne pas voir que le problème réside moins dans l'exclusion des noirs que par le compartimentage des taches. Les noirs sont là où les blancs veulent qu'ils soient: vigiles de supermarché ou au mieux artistes et sportifs. Est-ce un hasard si Yannick Noah est une des personnalités les plus populaires en France? Où sont les cadres, les chefs d'entreprise noirs, les professions intellectuelles? Ils existent bien sûr mais au prix d'un combat difficile et de fait sont peu visibles. D’autre part sa distinction entre « présence Française » et « colonisation » est tout à fait artificielle. Ce n’est pas parce qu’on a eu des bonnes relations avec les indigènes qu’on peut se permettre de mettre en avant des aspects positifs que d’ailleurs il ne cite jamais. Le ver était dans le fruit aussi goûteux soit-il .

Il est plus que temps que nos concitoyens prennent conscience qu'un siècle et demi de colonisation n'est pas s'en conséquence d'une part sur l'état des pays anciennement colonisés mais aussi sur le profil démographique de notre pays aujourd'hui. Certes le métissage est une longue tradition française vieille de 2000 ans mais intégrer en son sein les peuples que la république a humiliés, spoliés et massacrés ne peut se faire sans mal. Ces mémoires douloureuses ont longtemps été refoulées. Reste que la désagrégation du tissu économique et social a amplifié ces dernières années les processus de ghettoïsation et de discrimination. Pourtant, et c'est très important de le souligner, le modèle d'intégration français continue de fonctionner cahin caha pour une grande partie de nos immigrés de souche africaine. La situation n'est pas aussi dramatique que certains pourraient le penser.

On peut penser que nous avons eu tort de faire venir, souvent malgré eux, des travailleurs immigrés puis d'avoir permis le regroupement familial. Mais maintenant il faut assumer. Nous ne pouvons plus revenir en arrière à moins d'organiser des pogroms comme l'ont fait les nazis. Nous avons le devoir de rendre le projet républicain accessible à tous et permettre à chacun de trouver sa place dans la société suivant ses vrais mérites. Le vrai scandale aujourd'hui c'est que ce sont les immigrés les plus diplômés qui sont les plus discriminés ! Tant que les Français continueront à se penser comme une nation blanche, le racisme perdurera et j'ajouterai malgré eux, tant il est vrai que certains de nos comportements nous échappent souvent et stigmatisent ceux que nous voulons aider ! Les mots, certaines postures paternalistes voire carrément condescendantes TUENT symboliquement nos concitoyens de couleur. Plus sûrement encore que les insultes ouvertement racistes. Ecoutez un peu ce qu'en disent les gens de couleur. Lisez ou écoutez des gens comme Yamina Benguigui par exemple. Le danger n'est PAS le racisme imbécile et grossier des Le pen et compagnie. Celui là on sait le combattre. Il réside dans certaines de nos attitudes qui, si on n'y prend pas garde, véhiculent les pires clichés hérité de notre conscience très ancrée d'être au fond des gens supérieurs.

La décolonisation des esprits reste à faire si ne nous voulons pas sacrifier 2 autres générations de nos enfants, français

rappelons le, mais aussi de parents issus de l'immigration.