
10 mai : Honneur et Respect !
Bordeaux, 26 avril 2007
COMMEMORATION CITOYENNE ET POPULAIRE DE LA TRAITE DES NOIRS ET L’ESCLAVAGE
Jeudi 10 mai à 10h 15 devant le Colbert, Quais des Chartrons
Monsieur le Maire,
Le collectif DiversCités et l'ensemble des bordelais dignes et fraternels s'inquiètent de la légèreté et du mépris avec lesquels la Mairie de Bordeaux traite la question du Crime contre l'Humanité que furent la traite des noirs et l'esclavage.
Peut être faut il refaire, brièvement, ce chemin parsemé d'embûches qui permit l'éclosion d'une mémoire citoyenne digne et fraternelle dans notre ville?
En juin 2001, vous prenez en compte le soutien que les bordelais accordent au collectif DiversCités en nous accordant une audience. Les promesses que vous nous fîtes n'eurent aucune suite et Mme Parcellier en charge du dossier s'en désintéressât dés la porte de votre bureau franchie.
De 2001 à 2005, successivement, nous soutiennent les élus socialistes, communistes et verts bordelais, girondins et aquitains, l'Unesco, le Conseil Régional Aquitaine, le Conseil Général de Gironde et bien des communes de la rive droite et de la rive gauche.
En juillet 2005, Mr Hughes Martin met en place le Comité Tilinac que nous intégrons après bien des péripéties. Armés de notre bonne volonté, certains ont dit de notre "naïveté", nous nous engageons à donner du sens à ce comité, malgré les difficultés que l'administration municipale placera sur notre route.
Le 10 mai 2006, après, seulement, quatre (4) réunions de travail, Mr Tilinac décide de remettre à Mr Martin un rapport que nous avons découvert le 25 mai en même temps que les élus. Malgré cette précipitation que nous avons dénoncé, nous décidons quand même d'appeler à un rassemblement républicain lors de la 1ère Cérémonie Officielle de commémoration de la traite des noirs.
Et là! Surprise!
Nous découvrons que la Plaque qui était prévue sur la promenade des quais est cachée et qu’elle est ridicule en ne respectant absolument pas les dimensions prévues.
Tant bien que mal nous arrivons à ravaler notre honte et à témoigner aux âmes de nos ancêtres la reconnaissance tant attendue.
Et, depuis ce 10 mai 2006, la page serait "tournée" d'après ce que vous avez déclaré au Sud Ouest du 31 mars 2007, lors de la remise à Pascal Bruckner du prix Montaigne pour son livre "La Tyrannie de la pénitence". En effet, depuis ce 10 mai 2006, le rapport de ce comité n'a eu aucune suite. Fini!
Malgré le courrier en date du 06 avril 2007 que je vous ai fait parvenir sollicitant une audience auprès de vous, nous n’avons même pas eu droit à une réponse.
Et, nous apprenons, aujourd’hui, que la Mairie de Bordeaux invite à une commémoration officielle le 10 mai 2007 en compagnie du Préfet.
Permettez moi de le dire, Mr Juppé, nous n'acceptons pas que l'engagement des citoyens bordelais soit traité de la sorte!
Nous refusons de voir l'âme de nos ancêtres traité avec autant de négligence, de mépris!
Ce Crime contre l'Humanité grâce auquel notre ville s'est en partie enrichie, qui explique notre monde d'aujourd'hui, est un appel au courage, à la dignité, à la fraternité, au respect !!
Par conséquent, comme nous l’avions annoncé et ne pouvant deviner vos intentions, nous maintenons la Cérémonie Républicaine de Commémoration de la traite des noirs le 10 mai 2007 à 10h 15 devant le Colbert.
Peut-être faut il également préciser, encore une fois, que nous n'accusons ni les bordelais, ni les africains, ni les arabes pour des crimes qu'ils n'ont pas commis. C'est pour nous une exigence de responsabilité, de citoyenneté et d'équité. Toutes les mémoires ont place au rendez vous du donner et du recevoir. Nous affirmons l'existence d'un temps humain unique: remettre sur un pied d'égalité les différentes histoires du monde.
Il s'agit pour nous d'honorer la mémoire de nos ancêtres maintenus dans l'oubli, mais aussi de rendre hommage à d'autres vivants, dont les actions participent de la dynamique progressiste internationale. Notre parole présente est pour dire la quintessence des êtres et des choses de par les rencontres certes conflictuelles mais si paradoxalement fécondes, dans l'exigence éthique, loin des modes de circonstance.
Nous n'aurons de cesse de rappeler que le "vivre ensemble" dialogue des cultures et brassage des histoires, se nourrit de multiples étreintes. Car, faut il encore le préciser, la greffe n'est pas faite pour violenter le bordelais mais pour l'inviter à la richesse du fruit, à sa saveur. Il s'agit donc bien d'un engagement, à corps et à cri, qui dénonce la servitude, l'humiliation, le racisme: il s'agit de relever sa tête, de dire sa fierté, de se reconnaître à travers nos ancêtres respectifs, de les accepter malgré l'horreur mais surtout grâce à la beauté, à l'inventivité des mondes et des cultures nés de cette rencontre.
Le soleil des mémoires ne se limite donc pas à la reconnaissance politique, mais à une reconnaissance totale de l'être, son corps, ses rêves, son utopie.
Et, les lieux de mémoire, espaces de relations, de dialogues sont nécessaires pour panser ces blessures mémorielles et donner corps à cette citoyenneté qui réclame sa part dans l'imaginaire national.
C'est pourquoi notre première revendication est l'Edification du Mémorial tel que l'a proposé le Comité Tilinac. Ce d'autant plus que le site choisi se trouvant sur une ZAC, la construction serait mutualisée par la Communauté Urbaine de Bordeaux.
Les rues qui honorent des bordelais ayant collaboré à ce crime contre l'humanité devraient également être débaptisées.
Nous attendons ainsi de la Mairie de Bordeaux qu'elle respecte ses engagements.
Nous refusons qu'on nous vole notre dernière chance.
Nous voulons faire sens du soleil de notre tragédie. Reprendre le fil d'une mémoire de femmes et d'hommes qui ont su marronner contre la servitude d'âmes et de corps traités, achetés et revendus.
Pour un Bordeaux digne et fraternel!
Pour DiversCités
Karfa Diallo |