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L'artiste présentée cette semaine n'est pas africaine, mais une antillaise qui se reconnait une origine diverse, dont bien sûr africaine, et qui s'exprime à travers ses peintures, même si elle n'en vit pas encore, bien que certaines de ses toiles aient déjà trouvé preneur, avis aux amateurs...
Nous avons rencontré "KPhéine", de son vrai nom Catherine Landry lors d'une exposition à laquelle elle participait à Vincennes, et pour ceux qui préfèreraient écouter l'artiste, une version sonore est disponible en fin d'article.
Pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?
Je m’appelle KPHEINE, je suis une artiste peintre, amateur pour l’instant. J’aimerais bien en vivre car c’est une passion qui me hante depuis que je suis toute jeune. |
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Je fais de la peinture réellement depuis 1995-1996. J’ai eu des espèces de révélations, par rapport aux rêves, par rapport à mon entourage, par rapport à des gens que j’ai rencontrés.
Je peins principalement sur sac de café, la matière brute, la toile de jute, j’incorpore aussi du café dans mes toiles, donc j’utilise pas mal de matière : le café, la toile de jute, le bambou, le sable parfois, la sueur de bois aussi.
J‘aime bien travailler avec ce genre de matériaux pour donner du relief à mes toiles.
Justement, vous avez parlé du café, on a noté que le café était omniprésent chez vous. Vous avez beaucoup de peinture sur sac de café, votre nom d’artiste KPHEINE fait quand même référence au café, pouvons-nous avoir une explication pour nos internautes ?
Oui, en fait je ne bois pas de café. Je n’en suis pas du tout une adepte ! Mais j’adore cette matière, j’adore l’odeur du café, c’est quelque chose qui me transporte, qui me ramène à un passé un peu douloureux pour nous, le passé esclavagiste, le passé des plantations.
J’ai pris le café mais j’aurais très bien pu prendre autre chose : la canne, le coton...
C’est un élément pour montrer cette aspiration, cet espèce de retour à nos racines mais c’est aussi une quête d’identité quelque part. |

Et votre nom « KPHEINE », comment a-t-il été choisi ?
En fait il m’est arrivé bien avant les sacs de café. Je dois le dire, je m’appelle Catherine, et je l’ai entendu dire d’une certaine façon, un jour, dans une langue étrangère. Et là j’ai entendu « KPHEINE » et depuis je me suis approprié caféine. C’est une façon consciente, ou non consciente de s’approprier un peu son histoire.
Justement, en parlant de l’histoire, vous êtes une antillaise qui reconnait la grande part de la culture africaine dans l’histoire des Antilles, et on peut dire au début que votre art semblait participer à une certaine quête de vos racines, pouvez-vous nous parler de ces débuts ?
Oui je suis antillaise, née en Guadeloupe mais j’ai été très tôt sensibilisée à l’histoire du peuple noir : antillais, africain. Je me reconnais une partie d’africanité en moi, avec bien sûr d'autres choses parce que les Antilles c’est un mélange de plusieurs cultures. Cette part africaine est bien là, et je pense présente dans certaines de mes toiles, pas toutes, mais certaines de mes toiles.
Je fais le lien entre l’Afrique, les Antilles et l’occident aussi. On le voit dans certaines toiles avec certains personnages, des relations, des couleurs... |

Justement on a vu certaines de vos peintures où on retrouvait pas mal l’Afrique. Vous avez parlé de vos rêves tout à l’heure, mais d’une manière générale, comment est-ce que l’artiste que vous êtes trouve son inspiration, quelles sont vos muses, qu’est ce qui fait que vous vous leviez et que vous peigniez d’une certaine façon ?
Je m’inspire d'un peu de tout : ce qui se passe autour de moi, à la télé, de ce que je peux lire, entendre, des rêves aussi...
Je fais des rêves assez particuliers, que je note quand il y’a des détails assez précis. Certains rêves se retrouvent sur certaines toiles lorsque je parle de choses assez difficiles comme la Palestine, l’histoire du peuple indien...
J’ai une toile comme ça qui s’appelle « petit poisson qui court dans la rivière ». Je veux montrer quelque part cette histoire, ce grand massacre qui a eu lieu quelque part autour des amérindiens.
Des rêves, oui beaucoup de rêves. C’est un rêve d’ailleurs qui a déclenché réellement ma prise de conscience qu’il fallait que je peigne et que j’aie des choses à dire en passant.
D’accord. Vous nous avez parlé de nos rêves et puis de ce que vous pouvez voir. D’une manière générale on peut dire que vous êtes une artiste, pas vraiment engagée, mais on retrouve des choses qui peuvent être liées à l’actualité mais aussi la douleur que certains peuples peuvent avoir. Vous avez cité le « petit poisson qui court dans la rivière », où on voit un indien assez triste ; vous avez peint une porte sur Jérusalem ; on retrouve souvent des africains ou des antillais qui étaient exploités dans des plantations, quel est le lien réel entre tout ça et votre art? |

Artiste engagée, Je pense que je dois l’être quelque part, sans réellement me dire que je porte cette étiquette. En fait j’ai besoin de me dire des choses, de dévoiler des choses par rapport à ce qui se passe, à ce que je vois, comment je ressens les choses…
Vous avez eu, vous l’antillaise, l’occasion d’aller en Afrique, plus précisément à Ouagadougou au Burkina Faso, je pense que c’était votre premier contact avec l’Afrique. Qu’est ce que vous en avez tiré au-delà du tableau que vous m’avez montré ?
C’était surtout une rencontre. C’était un pays que je ne connaissais pas du tout. Je suis allée dans un cadre bien particulier, c’était quand même assez encadré ; je n’étais pas livrée à moi-même ; j’étais assez bien entourée et tout était bien organisé.
J’ai rencontré des gens, j’ai travaillé avec des gens, avec des artistes locaux. J’ai un peu rencontré leur sensibilité. Je pense que c’était une rencontre, une découverte de la terre, des gens, d’une culture, d’un artisanat...
Et puis cette recherche de l’africain par rapport à l’antillais, où il se situe par rapport à l'Afrique, j’ai beaucoup entendu ça, de la part des africains eux-mêmes.
Donc il y’a une rencontre qui s’est faite, et c’est quelque chose à travailler, à développer. C’est juste un début.
Donc à l’avenir on vous verra plus souvent en Afrique ou plus souvent avec d’autres artistes? Car si j’ai bien compris, dans votre travail vous êtes plus ou moins isolée artistiquement parlant, c’est à dire que vous n’avez pas de collaboration, vous faites tout toute seule en fait ?
C’est vrai que j’ai toujours tout fait toute seule. Peut être à l’avenir oui, travailler avec d’autres personnes, échanger des idées, échanger des points de vue, échanger des techniques, ça pourrait être intéressant. |

Vous m’avez dit que Ben Harper vous a beaucoup inspiré, mais à part lui, y’a-t-il d’autres artistes qui vont ont inspiré, connus ou pas connus, qui ont façonné votre technique un peu particulière qu’on retrouve sur vos tableaux ?
Je ne dirais pas qu'il y a réellement une technique qui m’ait inspiréé. Par contre il y’a un engagement qui m’inspire beaucoup : le mouvement muraliste mexicain mais c’est vrai que c’était assez politisé mais en même temps c’était une quête d’identité qui me touche particulièrement et je pense que je me suis inspirée de cette façon de voir, de dénoncer, de cette façon de dire, sur les murs, et oui, sur les murs, c’est important ; c’est quelque chose que j’aimerai faire aussi.
Peut être pas aussi poussé que leur engagement à eux, mais oui j’aimerais faire des choses comme ça.
Pouvez-vous nous citer une oeuvre dont on pourra montrer la photo aux internautes après, qui vous a marqué, et la commenter puis expliquer pour les internautes ce qu’elle représente et ce qu’elle représentait pour vous ?
Je vais prendre celle qui s’appelle « Tissu d’un monde métis », qui est un tableau. En fait c’est le premier tableau que j’ai fait suite à un rêve ; donc le premier rêve que j’ai fait, qui m’a conduite réellement à me consacrer à la peinture. Ce tableau représente un visage qui regarde un peu vers ses racines, vers son histoire. Il y’a de la matière : du bambou, du café, du madras (NDLR: tissus traditionnel antillais) un peu tout ce qui me représente.
Et cette quête d’identité quelque part, par rapport à l’Afrique, justement par rapport à l’être antillais, où on se situe, d’où on vient, où on va, à chercher sa place dans le monde. Il y’a un petit texte que j’ai écrit, que je vais vous lire, intitulé « Tissu d’un monde métis »:
« Tissu d’un monde métis, métis d’un monde issu
Je suis à la recherche de ma race, de ma carte et de ma place
Tissu d’un monde métis, j’ai perdu mes origines dans le fin fond, dans le tréfonds d’une traite à la servitude
Nouveau monde, peur de découverte et de renouveau ; là bas mes gênes se sont formés dans l’amour de la haine et de la souffrance »
C’est vrai que c’est assez figuratif de ce que je ressentais à une certaine époque, et ça montre un peu cette histoire d’esclavage, de l’africain qui a été pris comme esclave pour être mené dans une terre inconnue, qui a été obligé de se forger une identité propre, par rapport à ce qu’il avait en Afrique, mais aussi l’Occident qui venait le chercher. C’est ce mélange de cultures qui me caractérise quelque part.
D’accord. J’espère que les internautes auront apprécié, je trouve ça assez joli à titre personnel. Vous avez un site personnel dont on rappellera l’adresse à la fin de l’article pour ceux qui veulent découvrir votre art ; mais d’une manière générale, où pourra-t-on vous voir puisque l’expédition à laquelle j’ai pu assister se termine demain 26 Octobre si j’ai bien compris ?
Tout à fait. En fait je n’expose pas de manière régulière ; je travaille en ce moment avec un groupe et on essaie de trouver des lieux où exposer. C’est vrai que je n’ai pas de lieu à vous dire pour une prochaine rencontre, mais par contre je préviendrai les personnes du site, dès qu’on a une date, pour que vous puissiez venir nous voir.
Pour les internautes de grioo.com, je vous remercie pour toutes vos réponses et vos disponibilités et je vous souhaite bonne chance dans votre travail.
Merci beaucoup et à très bientôt. |
Pour écouter Kaphéine |

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