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L'intellectuel kenyan Ali Mazrui
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binghamton.edu |
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Un intellectuel africain a invité les acteurs politiques ivoiriens à éviter que la crise qui secoue actuellement leur pays, ne dégénère en une guerre civile plus grave ayant comme base des rivalités religieuses, comme cela avait été le cas au Liban, dans les années 1970 et 80.
Dans une interview accordée à la PANA à Dakar, Ali Mazrui, un enseignant kenyan en sciences politiques, a comparé la situation en Côte d'Ivoire, où une insurrection a éclaté en septembre 2002, à ce qui a conduit à la guerre civile entre chrétiens et musulmans au Liban. Selon lui, les autorités ivoiriennes ont, pendant longtemps, prétendu que les musulmans basés dans le Nord étaient moins nombreux que les autres populations du Sud, "alors que les statistiques indiquent le contraire".
Pendant longtemps, il y a eu une marginalisation partielle de ce qui constituait en fait la pluralité de la population sinon sa majorité, a déclaré cet intellectuel basé aux Etats-Unis, qui est aussi le directeur de l'Institut des études culturelles internationales de Binghamton State University à New York.
Cela pouvait se justifier quand il y avait au pouvoir un homme de la trempe de Félix Houphouët-Boigny, qui "était un médiateur d'un genre suprême" parce qu'il trouvait les moyens d'être autoritaire et, en même temps, de faire croire aux gens qu'ils appartenaient à un pays puissant.
Une fois qu'il a disparu, une bonne partie de cette "sagesse" s'en est allée avec lui, a déclaré M. Mazrui, qui est un des nombreux intellectuels africains assistant aux célébrations du 30ème anniversaire du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA), qui ont pris fin vendredi à
Dakar.
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Houphouët était un dictateur éclairé, pas un démocrate, qui avait réussi à cacher que le sud était plus puissant que le Nord du pays |
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Ali Mazrui |
"C'était un dictateur éclairé, pas un démocrate, mais il avait réussi à cacher que le Sud était plus puissant que le Nord du pays. Maintenant que cette situation est contestée, il est nécessaire de rétablir un certain équilibre", a affirmé M. Mazrui, faisant référence à l'insurrection militaire qui a divisé la Côte d'Ivoire en deux ces 14 derniers mois.
"D'autres pays, où ce genre de situation prévalait, ont beaucoup plus mal fini que la Côte d'Ivoire. Je sais qu'au Liban il existait un système politique qui, pendant un moment, a affirmé que les chrétiens étaient majoritaires. Le Liban avait été créé pour cette raison par la France, afin qu'il y ait un Israël chrétien, où les chrétiens seraient dominants".
Mais les choses ont évolué, et les musulmans avaient des familles plus nombreuses, et ne tardèrent pas à devenir majoritaires alors que le système ne pouvait pas changer aussi rapidement. Ainsi, il y a eu dans ce pays une guerre civile beaucoup plus horrible que celle de la Côte d'Ivoire", a fait remarquer M. Mazrui.
Il est important que la Côte d'Ivoire trouve des solutions rapidement "avant qu'elle ne sombre dans une catastrophe du genre de celle du Liban", a ajouté l'universitaire, qui fait aussi partie du Collège des membres de l'Association internationale des études sur le Proche-Orient.
Interrogé sur le point de savoir pourquoi le président ivoirien, Laurent Gbagbo, un ancien professeur d'université, n'a pas réussi à redresser la situation, M. Mazrui a indiqué que la question du professorat n'était pas fondamentale dans cette situation, "même si j'aime croire qu'en tant que professeur moi-même, j'aurais mieux su m'y prendre".
Mais d'après lui, historiquement, les professeurs devenus présidents n'ont pas particulièrement brillé lors de leur passage au pouvoir, y compris l'Américain Woodrow Wilson, qui n'a pas particulièrement réussi, et s'était révélé un raciste au plan intérieur "même s'il était un internationaliste quand il était question de politique étrangère".
M. Mazrui a aussi cité l'exemple du premier président du Malawi, un professeur en médecine, Hastings Kamuzu Banda, qui était finalement devenu un des pires tyrans d'Afrique. |