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Ouf, Kadhafi s’en va en Espagne après sa visite de cinq jours en France. Un peu de sérénité et de réflexion autour de la visite du Rais en France. Quelles conséquences rhétoriques pour les populations noires vivant en France et la classe politique française ?
Comment interpréter les quolibets, les railleries, les moqueries dont a été victime Rama Yade secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères en charge des Droits de l’homme de la part d’une partie de la classe politique française mais surtout de certains d’entre nous appartenant à la population noire comme d’habitude ? Pourquoi ce battage médiatique et pourquoi Rama a-t-elle concentré en partie toutes les critiques après son indignation quant à l’opportunité de la visite de Kadhafi en France ?
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Rama Yade a atteint un niveau de franchise et de clarté en terme de diplomatie morale que devrait lui envier une certain nombre de ministres africains ou de présidents d’associations noirs en France qui utilisent la langue de bois pour servir leurs intérêts |
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| Lucien Pambou |
Commençons par évacuer les émotions et les colères qui nous caractérisent en tant que populations noires, mettons de côté notre capacité jalouse de l’autre (colonisation que nous dénonçons mais qui nous est chevillée au corps par effet de mimétisme du maître français), évacuons d’une main l’irresponsabilité oratoire pour absence de programme alternatif à la nouvelle diplomatie économique de Sarkozy de certains dirigeants du parti socialiste comme Moscovici pour ne retenir que l’accord de certains socialistes responsables de circonstance comme Ségolène Royal, de certains intellectuels comme Glucksman ou de certains dirigeants politiques de droite comme Axel Poniatowski ou de certains écrivains comme Denis Tillinac ami intime de Jacques Chirac qui reconnaissent en Rama Yade une jeune femme en politique courageuse du haut de ses trente ans (elle vient d’avoir 31 ans le 13 décembre) pour avoir déclaré de façon héroïque que la venue de Kadhafi en France pouvait être contestable sans être contestée.
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Le Président Sarkozy lui-même a reçu Rama, ni vous ni moi ne savons pas ce qui lui a été dit. Dès lors notre imagination est sans limite sur la faute commise par Rama et sur l’idée qu’une noire reste une noire dans un pays de blancs, même si elle occupe des responsabilités importantes. J’ai honte en tant que noir de mes propres frères noirs. Nous sommes nos propres fossoyeurs. Si nous ne sommes pas capables d’un discours positif pour nous-mêmes et pour nos enfants ou pour les symboles qui nous représentent dans la société de communication mondialisée :
taisons-nous et laissons faire d’autres pour notre promotion car tous les jours nous montrons notre incapacité pratique et notre indignation que littéraire à exister dans la société française. Une autre solution : rentrons tous en Afrique. Chiche, en sommes-nous capables, gros et grands bavards que nous sommes, bien sûr que non. Je vois d’ici toutes les raisons qui vont être évoquées pour ne pas le faire. Sans analyse réelle de la situation, sans compréhension approfondie de ce qu’est la politique et sans recul ni distance, nous attaquons la nôtre (Rama) au nom d’une démarche maléfique qui nous caractérise en tant que noirs malgré nos beaux discours sur la solidarité, la nécessité de construire des réseaux dans la société française.
Il ne s’agit pas ici de défendre systématiquement Rama dans la mesure où elle s’est rendue au mois de juillet en Libye avec le Président Sarkozy et au Gabon, deux pays qui ne sont pas réputés pour être les parangons de la démocratie. Il ne s’agit pas non plus d’interdire une critique radicale vis-à-vis de l’une des nôtres dont l’action politique peut être considérée par certains comme entachée d’erreurs. Le problème est ailleurs. Il se trouve dans le subconscient noir français en général, noir français en particulier sur l’incapacité de comprendre que la politique en France est structurée par des réseaux.
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Les Africains lorsqu’ils parlent du réseau comme porte de sortie et de participation à la vie politique française, utilisent malheureusement leur propre individualité. Ce ne sont pas des propos en l’air mais ceux d’un noir que je suis fier d’être, ayant contribué à la création de nombreuses associations dont le Cran (Conseil représentatif des associations noires) et qui participe de manière active à la vie politique de ce pays sur le terrain et sur le plan électoral. Je sais de quoi je parle concrètement lorsque je m’adresse à mes frères noirs en général, Africains en particulier. Pourquoi tant de bruit autour de Rama Yade après ses déclarations à propos de la visite de Kadhafi en France ? Il n’y a pas une réponse mais des réponses.
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A défaut d’être accepté dans le monde arabo-musulman, s’appuie sur le monde négro-africain pour exister en tant que panafricaniste et comme d’habitude les négros-africains tombent dans le panneau |
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| Lucien Pambou |
Pour certains, Rama affiche des convictions convenues et téléguidées par le Président Sarkozy, les remontrances qui lui ont été faites ne sont que des mascarades de salon, il y aurait une connivence totale entre Rama et le Président. Pour d’autres, Rama Yade essaie de se départir de la potiche belle que les journaux attribuent à sa fonction et à elle-même. En déclarant que « le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits », je pense que, connivence avec le Président ou non, Rama Yade a atteint un niveau de franchise et de clarté en terme de diplomatie morale que devrait lui envier une certain nombre de ministres africains ou de présidents d’associations noirs en France qui utilisent la langue de bois pour servir leurs intérêts. En déclarant qu’elle ne démissionnait pas, elle a mis le Président Sarkozy au pied du mur. Connivence ou pas, Salut ma belle Rama, tu es forte.
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Est-ce ta beauté ou ton intelligence politique qui nous donnent des leçons à nous tes grands frères, incapables de réagir concrètement si ce n’est que par des oukases colériques et des magouilles quand on déclare avancer ensemble dans la société française ? Alors, nous parlons de diversité, d’intégration, mais nous sommes incapables d’une parole crédible et audible. Revenons à Kadhafi. Kadhafi serait-il devenu le Lumumba, le Nwamé Krumah qui manque cruellement à l’Afrique noire ?
Kadhafi maintient dans ses geôles des négros subsahariens, qu’ils viennent du Niger, du Mali et d’autres pays africains lorsqu’ils veulent traverser la Libye pour atteindre l’Europe. Nos belles âmes africaines, noires et grioonautes pas très au courant des subtilités des relations internationales ignorent que Kadhafi à défaut d’être accepté dans le monde arabo-musulman, s’appuie sur le monde négro-africain pour exister en tant que panafricaniste et comme d’habitude les négros-africains tombent dans le panneau.
Mais pourquoi tombent-ils dans le panneau ? Les raisons sont simples : le Président Kadhafi aide la plupart des régimes politiques africains à exister vis-à-vis de leurs populations grâce à ses mannes financières. Certains d’entre nous vont continuer à tirer sur Rama Yade et penseront que je défends l’indéfendable. Je tiens à faire deux remarques : je ne suis pas un affidé de Rama Yade et je ne suis pas un mollah de la pensée unique. Néanmoins, je tiens à préciser pour certains d’entre nous qui ne comprennent pas ce pays et ses subtilités de positionnement politique et intellectuel même après des années en France que la sortie de Rama Yade sert l’Elysée et Nicolas Sarkozy. Comment ? Réponse : les déclarations de Yade peuvent être considérées comme un manque de solidarité gouvernementale.
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Pour l’Elysée, les déclarations de Rama peuvent être pain béni et servir d’endiguement aux critiques venues de la gauche et favoriser la solidarité du Président Nicolas Sarkozy avec un membre de son gouvernement même si celui-ci a commis une faute connivente au nom de l’ouverture. Pour Rama, c’est génial car malgré les débats contradictoires autour de ses déclarations, désormais elle va apparaître aux yeux du public français comme une jeune femme noire, d’honneur et courageuse en politique. Quoique nous pensions d’elle et j’accepte que certains ne soient pas d’accord avec mes propos, je pense que notre fille, notre sœur, mérite que nous soyons fiers d’elle.
Quel que soit le symbolisme en politique, quelles que soient les connivences avérées ou non de ses déclarations, Rama Yade nous grandit nous quadra et quinquagénaires africains dans la société française parce nos discours incapables et nos connivences grenouillardes pour nous-mêmes ont éliminé une fois pour toutes la considération que les autres nous portent en tant que noirs dans la société française. Remercions Rama, quelle que soit la carrière politique qu’elle aura, d’aider les noirs que nous sommes à relever la tête même si d’aucuns diront que tout ceci n’est que connivence et magouille.
Lucien Pambou
Co-fondateur et ancien secrétaire général du Cran
Sciences Po Paris
Président de DEDIP Développement, Diversité, Partage
www.dedip.org
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