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D’où vient le nom Alpha Blondy ?
Alpha est biblique et, en même temps, c’est le nom de mon ancêtre. Dieu dit dans la Bible : "Je suis l’Alpha, je suis l’Oméga." J’ai choisi Alpha car quand j’ai décidé de faire une carrière musicale, c’était pour moi un commencement. Blondy est un surnom que j’ai toujours eu, c’est ma grand-mère qui m’appelait comme ça. Voilà comment
Alpha Blondy est né.
Vous faites des études au Liberia, puis à la prestigieuse université de Columbia aux Etats-Unis. Quelles étaient vos ambitions à l’époque et qu’est-ce qui vous a poussé vers la musique ?
Je suis allé aux Etats-Unis car je voulais avoir un PhD en anglais et devenir professeur d’université. J’avais fait ce choix car mon père adoptif, le mari de ma mère, souhaitait que je fasse les études qu’il n’avait pas réussi à faire… En tant que premier fils d’une famille avec sept enfants, je voulais faire de grandes études. Mais j’ai toujours été intéressé par la musique, je suis tombé dedans quand j’étais petit, un peu comme Obélix... C’est d’ailleurs à cause de la musique qu’on nous a demandé de "quitter gentiment" le lycée – je n’aime pas le mot renvoyer, ça fait trop violent – (rires). Je suis parti au Liberia pour apprendre l’anglais, car mon intention d’aller aux Etats-Unis était très claire dans ma tête.
Quand je suis arrivé là-bas, je n’avais pas de bourse, ni rien. Celle que j’appelle ma "mère américaine", ma tutrice, m’avait inscrit, à Columbia, à l’American language program, destiné aux étudiants étrangers. Je devais y passer deux ans et ensuite entrer dans le corps de l’université. |
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Alpha Blondy sur scène avec son guitariste Mao Otayeck
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ACMP |
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Malheureusement, je n’avais pas d’argent. Je devais payer 6 millions de FCFA par semestre... et je me voyais mal demander à mon père : "Envoie 6 millions !" Je travaillais comme un fou, je travaillais la nuit dans une boîte où je chantais, la journée j’étais coursier, ensuite il fallait repartir en cours, puis encore en boîte. A un moment, j’ai eu une sorte de surmenage, j’ai craqué. Il fallait faire un choix. Que savais-je faire de mieux, dans une Amérique où il n’y a pas de pitié ? Dans une Amérique où on ne fait pas les choses à moitié ? Ou tu es "the best", ou tu es "nothing" ! J’ai donc choisi de faire ce que je savais le mieux faire, la musique reggae. J’avais vécu avec une Jamaïcaine qui m’avait fait l’honneur de m’inviter dans son pays. J’ai joué avec des Jamaïcains à New-York. Ça a aiguisé mon intérêt pour le reggae. Je voulais faire du reggae africain, un reggae que les Africains allaient comprendre, d’où l’impérieuse nécessité de chanter en dioula, pas trop en français au début, mais en dioula (sa langue natale, ndlr) et en anglais. C’est après que j’ai repris certaines chansons de Bob Marley en français, comme "War" ou "I shot the sheriff", que je jouais en boîte. Le public aimait ça. Certains croyaient d’ailleurs que c’était en langue africaine !
A quel moment y a-t-il eu le déclic pour le reggae ? Lors d’un concert de Burning Spear ?
Je faisais déjà du reggae. Mais un jour, à Central Park, j’ai entendu un groupe jouer ; j’ai demandé qui c’était à de jeunes hippies et ils m’ont répondu que c’était des Jamaïcains, un groupe qui s’appelait Burning Spear. J’ai été foudroyé, vraiment très séduit par ce genre de reggae. J’écrivais déjà des chansons, mais pas assez militantes. J’ai enlevé beaucoup de romantisme, les fleurs, les filles, etc. En tant qu’Africains, on avait beaucoup de choses à dénoncer, il y avait beaucoup de choses à apporter à nos pays, à nos démocraties naissantes.
A part Burning Spear, y a t-il d’autres artistes qui ont inspiré le jeune
Alpha Blondy ?
Il y a évidemment le symbolique Bob Marley et d’autres grands reggae men que les gens ne connaissent pas. Ken Booth, qui a fait une chanson qui s’appelle « Freedom street ». Il y avait Lloyd Park, un bassiste dont le disque « Officially » marchait très fort aux Etats-Unis. Et aussi Max Romeo, dont une chanson racontait que les gens fuyaient la Jamaïque, et encore Sonia Spencer, qui chantait vraiment bien. Les Africains n’ont pas eu la chance de connaître tous ces artistes qui m’ont inspiré. J’ai eu la chance de les côtoyer et de m’imbiber de leur feeling. Je voulais transposer tout cela en Afrique en y ajoutant ma petite touche personnelle, et par la grâce de Dieu, ça a marché. |

Vous étiez sur le point d’enregistrer un album avec un producteur, Clive Hunt, et ça ne s’est pas fait. Mais plus d’une dizaine d’années après, vous avez finalement travaillé ensemble. Qu’est-ce que ça vous inspire, avec le recul ?
J’étais plutôt fataliste. Cette première expérience, en 1978, m’a fait mal. Peut-être que le moment n’était pas assez propice. Nous nous sommes revus, grâce à un ami commun, en 1998. Clive ne me connaissait pas sous le nom d’Alpha
Blondy, mais sous celui de Seydou Koné.
Alpha Blondy, c’est une quinzaine d’albums en vingt ans de carrière. Comment s’expliquent cette longévité et
cette richesse ?
Avant de passer à l’émission « Première chance » (un programme très populaire de la Radio-télévision ivoirienne, la RTI, ndlr), j’avais déjà écrit une centaine de chansons. Quand Dieu m’a permis de décoller, je n’ai fait que chanter l’inspiration première, qui était là. Ensuite, les textes ont été réaménagés, de nouveaux textes sont arrivés… J’ai eu aussi un challenge à relever quand j’ai vu tous ces jeunes Africains qui m’encourageaient : je n’avais pas intérêt à les décevoir, aussi j’ai mobilisé toute mon énergie pour faire honneur à ceux qui ont osé aimer l’enfant terrible que je fus. Quelque part, on mûrit. Il y a une époque où on est un peu insouciant, puis quand tu as autant d’amour à gérer... Quand tu as fait danser des générations, des jeunes qui sont devenus des messieurs, tu veux être quelqu’un de respectable, tu mets les mauvaises habitudes de côté, tu veux être clean afin de donner le bon exemple aux nouvelles générations…
De tout votre répertoire, s’il fallait retenir une chanson et un album en particulier, lesquels citeriez-vous ?
Toutes. Pour moi, toutes ces chansons représentent une longue histoire chantée en anglais, en français, en dioula, en baoulé (...) C’est ce sentiment que j’ai. C’est un peu l’histoire d’une vie, comme un homme qui commente son voyage à travers le monde, à travers la vie.
Quels sont vos projets, actuels ou futurs? Y a-t-il un prochain album en vue ?
Le prochain album arrive. Il y a des chansons romantiques, dans le style "amour fleuri", et d’autres qui sont, comment dirais-je, beaucoup plus "tough", plus engagées. |

En tant que grand-frère dans la musique africaine, jouez-vous un rôle de conseiller ou de producteur auprès d’artistes plus jeunes ?
J’ai essayé la production, je me suis cassé les dents. J’ai produit une dizaine d’artistes, mais le problème c’est que je n’ai pas réussi à les placer chez les grandes majors, qui n’en veulent pas. Quand on fait un disque, s’il n’y a pas de clip vidéo, on ne passe pas à la télé. Donc pas de promo. Quant aux radios, c’est un peu la mafia. Il est très difficile de faire passer un disque sur les radios musicales… RFI et Africa N°1 nous ont aidé. J’ai perdu de l’argent et j’ai eu droit aux quolibets et aux injures pour avoir profité de jeunes artistes, ce qui m’a blessé. J’avais confié la cellule de production à mon ex-manager, Koné Dodo, qui n’a pas eu le temps ou les moyens de tout mettre en œuvre. Je comptais beaucoup sur cette initiative pour produire de jeunes artistes.
Le groupe de rap La Brigade a récemment repris une de vos chansons, "Opération coup de poing". Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Ça m'émeut, car cette chanson est une histoire vécue. Quand je vois qu’aujourd’hui des jeunes la reprennent, ça me réconforte ; je me dis que je n’ai pas vécu pour rien et qu’il y a des gens qui ont la même sensibilité que moi. J’ai voulu cette chanson un peu satirique avec une pincée d’humour pour apaiser la douleur. Mais je crois que les jeunes de banlieue connaissent la morsure de la matraque, la morsure de l’humiliation et, quelque part, se sont identifiés à l’aîné que je suis. |
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Les Nubians, Positive Black Soul, Ismael Isaac et Sally Nyolo, quelques uns des artistes africains préférés d'Alpha Blondy
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Dans la musique africaine actuelle, qu’écoute Alpha Blondy ? Que pensez-vous des formats imposés par les majors ?
Je ne rentre pas dans ce format de grosses boîtes. Au niveau musical, en Côte d’Ivoire, j’adore Hamed Farras, Fadal Dey, Neth Soul et Ismaël Isaac. Ils font un reggae de bonne qualité… Ils sont très humbles. J’aime bien ces jeunes au niveau vocal et au niveau des textes. J’aime aussi les rappeurs de Positive Black Soul du Sénégal, ce que fait Sally Nyolo du Cameroun ou le feeling des Nubians : elles sont sorties du cocotier en emportant une branche qu’elles ont assaisonnée avec un peu d’occident, et ça passe très bien. J’aime leur style. Il y a aussi un jeune artiste qui chante très bien, qui s’appelle Alpha Blondy. J’ai tous ses disques et je l’adore ! (rires)
Vous êtes un artiste engagé. N’avez-vous pas, par moment, de regret en vous disant que vous auriez pu gagner ceci ou cela si vous étiez resté plus neutre ?
Si j’avais été un chanteur à l’eau de rose, avec des paroles du genre "les beaux yeux bleus de Fatimata me touchent le cœur, ou les sanglots longs des violons de l’automne meurent sur mon cœur d’une langueur monotone...", j’aurais fait la une de tous les gentils médias. Mais il paraît que j’ai des chansons qui dérangent. Quand tu fais des titres du genre "Armée française, allez-vous en", "Tout change, tout évolue, seuls les imbéciles ne changent pas", "Politruc" ou "Journalistes en danger" et que tu arrives au Burkina, on te dit c’était très bien ta chanson sur Norbert Zongo, mais écoute, maintenant tu te casses… C’est bien comme ça. Il faut des gens qui disent ce qu’ils pensent sincèrement. J’aimerais bien caresser certains dans le sens du poil, mais malheureusement leurs poils ressemblent à des piquants, donc ce n’est pas évident ! Je préfère dire ce que je pense, sans haine, pas dans le but de les blesser, mais de leur donner une chance de se corriger.
En Côte d’Ivoire actuellement, je ne me prononce pas trop sur la santé politique du pays, c’est dangereux. Comme je vis là-bas (NDLR : l’interview a été réalisée lors d’un passage à Paris) avec ma famille, et que je suis celui qui nourrit ma famille, je n’ai pas envie de prendre une rafale perdue. |
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Les "Lions indomptables" sont les favoris d'Alpha pour la CAN
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cameroon.fifa.com |
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Quels sont les favoris d’Alpha Blondy pour la CAN 2004 ?
Les Lions indomptables, car on a un vieux contentieux qui date de 1984. Ils nous ont humiliés à domicile. Ça a été la gifle nationale en présence de notre président de la République (le Cameroun s’était imposé 2-0 face à la Côte d’Ivoire lors de la CAN 1984 et s’était ensuite qualifié pour les demi-finales alors que les Ivoiriens avaient été éliminés au 1er tour, NDLR). J’étais allé chanter à la télé avec un maillot pour encourager les Eléphants. On pensait que les Lions allaient manger de l’herbe, mais ce sont les Eléphants qui ont brouté tout le gazon en présence du président de la République (rires). C’était la grande humiliation. Du coup, je supporte le Cameroun pour que tout le monde goûte à ce qu’ils nous ont fait ! Il y a aussi le Sénégal, qui vient de faire de bonnes performances. Mes favoris sont donc les Lions indomptables et les Lions de la Teranga.
Nous vous remercions…
Merci à vous. |
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