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Dieudonné s'exprime sur l'émission de Marc Olivier Fogiel
13/01/2004
 

L'humoriste franco-camerounais s'est confié à la rédaction de grioo
 
Par Hervé Mbouguen
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En marge d'un de ses spectacles, et peu de temps après la polémique née de son passage dans l'émission de Marc Olivier Fogiel, l'humoriste franco-camerounais a accepté d'honorer le rendez-vous pris de longue date avec la rédaction de grioo, et de s'exprimer sur LA polémique, mais aussi sur ses futurs projets artistiques.

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Est-ce que vous pouvez résumer votre vision de ce qui s'est passé, tout le monde n'ayant pas pu voir l'émission "on ne peut pas plaire à tout le monde?"

J'étais invité à cette émission, et en fait c'est Djamel qui voulait que je vienne. Chaque invité principal avait la possibilité d'inviter ses copains, et Djamel qui est un copain m'a invité.

On m'a demandé de préparer une petite chose pour présenter Djamel et pour plaisanter autour de lui. Je suis arrivé avec mes vêtements et j'avais acheté dans un magasin de farces et attrapes un petit chapeau avec des guirlandes comme en portent les juifs orthodoxes, et ils m'ont donné là-bas sur place une cagoule, et j'interprétais un intégriste israélien.

Quand je suis arrivé j'ai dit "c'est un scandale d'inviter des musulmans sur un plateau, quel exemple on donne à la France? A 20h50! Qui vous dit qu'il n'a pas une bombe sur lui?". J'ai fait tout un sketche là-dessus, bon ce n'était pas forcément le meilleur sketche que j'aie pu faire, c'était un sketche qui pour Djamel, dans la "private joke" pouvait lui parler, d'ailleurs il a bien rigolé.

Ensuite, cet intégriste israélien disait aux jeunes des cités "rejoignez l'axe du bien, l'axe américano-sioniste, Bush/Sharon". Là ça a été pris pour une provocation par rapport aux étudiants juifs de France.


Avec qui vous aviez déjà eu maille à partir

Ils m'avaient déjà fait un procès, que j'ai gagné, et là ils reviennent.

Ils doivent aimer ça parce qu’on va leur remettre au même endroit.

Ils sont revenus parce qu'ils sont convaincus d'avoir trouvé un nouveau Menguélé.
Selon eux, Dieudonné Mballa Mballa serait une sorte de descendant de Goering, Heichmann et autres.

Je pense que la paranoïa des extrêmistes juifs de France touche à son terme. Quand on s'en prend à l'humour, quand on s'en prend aux humoristes, c'est qu'il n'y a plus de démocratie.

C'est vrai qu'il y a un pouvoir israélien qui est dur, et qui est très présent dans les médias, ce dont se plaignent les juifs modérés.

Il faut dire que j'ai eu le soutien très amical des Falashas, ces noirs juifs, qui m'ont dit "on est traités comme de la m… dans ce pays (Israël)". Ils m'ont dit qu'il y a moins de racisme en France qu'en Israël. Pour eux un noir israélien, ils sont pourtant 22.000, c'est moins que rien. Ils ont n’ont accès qu’à des boulots de m..., aucun accès aux postes à responsabilité.

J'ai bien trouvé mon personnage, je suis un humouriste falasha, je suis content de porter leur combat, parce qu'on est dans une dictature. Le gouvernement Sharon est une dictature.

Dans ce genre de dictature la situation des noirs n'est jamais enviable. Ils m'ont même dit qu'en Israël il est peut-être préférable d'être arabe que noir! Quand vous savez comment ils considèrent les arabes, comme des moins que rien... je pense qu'on a affaire à un racisme ethnique fort.

Le spectacle de Dieudonné "Le divorce de Patrick"  
Le spectacle de Dieudonné "Le divorce de Patrick"
© Amazon
 

Moi, en tant que Dieudonné Mballa Mballa, représentant de la diaspora africaine, je ne peux pas aller dans le sens de cette pensée unique de dire "tout va bien, les arabes sont les méchants, les noirs sont gentils et courrent vite". Je ne peux pas être un nègre-alibi, je dois dire les choses, c'est ce que je fais, et ça m'attire pas mal d'ennuis, et comme nous ne représentons pas, nous la diaspora africaine un lobby assez puissant, on se fait éliminer.

Moi j'attaque tout le monde! Je fais des sketches sur les juifs, les musulmans, les chrétiens, les américains, les chinois et même les chefs d'état africains.

Mais, là je suis tombé sur ceux qui sont garants de la morale. On peut rire de tout sur cette planète, mais on s'arrête aux juifs parce qu'ils sont le peuple qui a le plus souffert, ce qui est faux. C'est un peuple qui a souffert, personne ne le nie, mais cette souffrance n'a rien d'unique, rien de singulier.

C'est une souffrance qui appartient à l'humanité, mais c'est pas plus, pas moins.

C'est ce que je dis, mais ils n'aiment pas l'entendre.

Une partie de la presse vous associe à des gens comme Tariq Ramadan, ou Jean-Marie Le Pen. Quel effet cela vous fait-il?

Je ne suis pas religieux, je ne suis pas musulman. Je n'ai rien à voir avec le citoyen musulman Tariq Ramadan.

Le Pen, Dieudonné, Tariq Ramadan: tous des "extrêmistes"?  
Le Pen, Dieudonné, Tariq Ramadan: tous des "extrêmistes"?
 

On voulait dire en termes d'extrêmisme

Je trouve que Tariq Ramadan dit des choses très bien, que c'est quelqu'un de cohérent. Le double discours de Sarkozy par contre ne m'a pas échappé.

Je ne peux pas cautionner le point de vue de l'islam sur les femmes, même le point de vue religieux.

Je crois que le Prophète ne se reconnaîtrait pas dans l'application de sa parole et de sa révélation.

Dieudonné est donc anti-voile?

Evidemment. Le voile ne me dérange pas si les gens qui le portent ont autant de tolérance. Si je suis papou, que j'ai un étuis pénien et que je viens travailler à la table de cette personne qui a son voile, et que cette personne accepte mon étuis pénien, alors elle peut garder son voile.

A ce moment-là ça pourrait être une forme de laïcité.

Mais je crois qu'il y a dans ce voile un signe religieux qui joue sur la condition de la femme et sa sexualité. Si les femmes qui le portent le font dans un esprit ouvert pourquoi pas ? Mais si elles le font dans un esprit fermé qui rejette d'autres formes d'expression du divin, non.

Je crois que le voile ce n'est pas une bonne idée. Ou alors que ce soit un bandana, pas un voile religieux.

Michel Leeb n'est pas critiqué pour ses "blagues" sur les noirs  
Michel Leeb n'est pas critiqué pour ses "blagues" sur les noirs
© http://www.ifrance.com/aubonsketch
 

Quel effet est-ce que cela vous fait de vous faire tirer dessus pour votre sketche, alors que des gens comme Michel Leeb font depuis longtemps des "gags" qui se moquent des noirs?

J'ai commencé l'humour avec Elie, et je pense que personne ne m'a vu venir. Très vite Elie est parti, les gens se sont dit que je ne durerais pas longtemps, et puis sur scène ça a bien fonctionné. Les gens sont venus et j'ai dit ce que je pensais.

Le risque c'est de devenir le nègre de service, avec le confort et ce qui va avec.

Moi je prends des risques, même si ça aurait été plus lucratif de procéder autrement.

Je vais pousser le projet du plus loin que je pourrai le faire, j'ai l'impression d'être comme un éclaireur pour tout un continent.

Mon confort économique personnel ne m'intéresse pas plus que ça. Je vis bien, mes enfants sont en bonne santé. Je suis un homme riche, très riche, mais riche parce que mes enfants sont en bonne santé, et que je me sens bien.

Quand on vient me voir on vient rigoler, mais on sait qu'on avance, je suis un humoriste.

De toute façon, pour monter à la tribune je n'avais pas trop le choix, c'était humoriste ou footballeur. (rires).

J'aurais été plus jeune et plus véloce j'aurais fait football, alors que si j'avais pu intégrer normalement le cursus j'aurais fait de la politique.

Les seules opportunités que j'avais étaient celles-là, j'ai travaillé au maximum, je suis devenu un humoriste.

Je ne fais pas rire tout le monde, et je trouve ça plutôt sympathique.


Vous avez parlé des étudiants juifs qui vous ont assigné devant les tribunaux. Un certain nombre d'associations d'extrême-droite vous ont également traîné devant les tribunaux. Pouvez-vous faire le point sur votre situation judiciaire?

J'ai toujours des procès sur les bras. Là par contre ils ne peuvent pas me faire de procès, ils ne peuvent pas gagner, je n’ai même pas besoin d'avocat.

Les autres fois c'était plus litigieux, c'étaient des entretiens. Là il y a une cassette, il n'y a aucun franchissement d'une limite antisémite dans mon propos.

C'est un sketche. Il peut plaire ou ne pas plaire, on peut dire qu’il n’est pas bon, ou qu’il est drôle.

Son but était de susciter un débat.

Avez-vous beaucoup de procès en cours?

Oui, j'ai tout eu, la GRIF, le MNR (NDLR: parti de Brunot Mégret, ex-FN), les étudiants juifs de France, la Licra, beaucoup de mouvements d'extrême droite israëlienne.

En dehors de la polémique sur l'émission de Marc-OlivierFogiel, pouvez-vous parler de l'actualité de
Dieudonné
?

Je suis en train de préparer deux films qui sont inmontables. Vous avez compris qu'il y a des pressions qui sont effectuées, là j'ai même dû annuler quelques dates, et quelques émissions de promotion.

Le cinéma je n'arriverai pas à en faire ici, tant qu'on n'aura pas nos capitaux.

L'historien Louis Sala-Molins à droite  
L'historien Louis Sala-Molins à droite
© eymerich.com
 

Je suis en train de chercher des capitaux pour faire un film sur le commerce triangulaire, un film dur, sur l'histoire de la déportation des africains vers les Antilles et du code noir. Un film qui s'appelera "Le code noir".

Je l'ai écrit avec Louis Sala-Molins et Claire Botton, Louis Sala-Molins est un historien et un philosophe qui a consacré 20 ans de sa vie à faire des recherches sur le sujet.

On a donc un bon scénario, on a fait un bon casting, et j'espère qu'on aura la possibilité de le tourner ce film. On a fait un très bon casting, Gérard Depardieu, Daniel Prevost, mais on ne peut pas monter le film.

Pourquoi? Parce qu'il y a une unicité de la souffrance. On ne peut pas montrer la souffrance d'un autre peuple. Il ne faut pas comparer les souffrances parce que ce sont les souffrances de l'humanité.

Dans le livre "l'histoire de mon enfant" on dit que la Shoah est la plus grande tragédie de l'histoire de l'humanité. C'est faux. Ce n'est pas la plus grande tragédie de l'histoire de l'humanité.

Si on commence à mettre des degrés, la traite négrière a duré plus longtemps, et a touché plus de monde. Par le nombre et par la durée, c'est un génocide qui a été plus important, et pourtant on n'en parle pas.

J'étais prêt à monter le premier film sur le sujet avec un casting de rêve, et pourtant nous ne pouvons pas le faire aujourd'hui.

Je suis obligé de rassembler des capitaux belges, canadiens et même africains, parce qu'il y a des gens en Afrique qui commencent à réfléchir.

Dieudonné  
Dieudonné
© ville-chateauroux.fr
 

Vous n'êtes pas le premier cinéaste à vous plaindre des difficultés à monter des films en France

C'est vrai. Là on parle d'une montée de l'antisémitisme, on a même vu le Président de la République dire que qui s'en prend à un juif de France s'en prend à la France. Et celui qui s'en prend à un noir de France?

Ca me peine parce que je suis citoyen du monde avant toute chose, mais je suis vu par ces gens-là comme
Dieudonné, franco-camerounais, je sens bien que je n'appartiens pas à une civilisation qui est respectée par ce système.

Or je sais pertinemment, pour connaître assez bien ma culture, même si je ne parle pas couramment ma langue l'ewondo…(NDLR il est coupé par le journaliste)

Pourtant on entend un homme au fort accent ewondo dans votre spectacle!

C'est vrai parce que c'était mon oncle avec qui j'ai passé beaucoup de temps en brousse, et qui m'a initié à la vie tout simplement. Quand j'ai vu la richesse de cette éducation et de cette transmission, je me suis dit c'est incroyable, je sais que j'appartiens à l'humanité, et que depuis le tout début de la création de l'homme il y a une histoire qui m'a été transmise. Je ne comprenais pas que les bouquins que je lisais quand j'étais jeune on n'en parlait pas, on mettait tout ça entre parenthèses, on montrait simplement des femmes en train de piler du mil en bas de la case avec la femme aux seins nus.

C'est ça qu'on montre alors qu'il y a des gens qui ont pensé au futur de l'humanité, au chemin, à la conscience humaine, à la nature, à l'environnement, quel est le sens de la vie, des questions fondamentales, philosophiques, spirituelles, fortes, vraiment très fortes.

Et je ne comprends pas qu'ici il y ait ce regard du sauvage, même s'il y a certainement des sauvages en Afrique, comme il y en a ici et comme il y en a partout.

Dieudonné  
Dieudonné
© lematin.ch
 

C'est peut-être parce que j'ai été au coeur de la brousse, la maison de mon oncle n'était rien, quasiment un arbre dans la forêt. Il m'a montré qu'on pouvait vivre autrement, en voyant le ciel, en observant les choses, mais au delà des religions. C'est encore une fois une culture qui va au delà de 2.000 ans, avec une vision spirituelle qui n'a pas à rougir des autres.

J'ai été étonné qu'on se moque de la spiritualité africaine, en disant que les africains n'ont pas de hautes inspirations prophétiques, messianiques, alors que moi je sais que la spiritualité africaine me suffit largement, et qu'elle suffira à mes enfants, et qu'on n'a pas besoin de se reconnaître dans des religions qui ne nous appartiennent pas.

Que chacun se fabrique sa religion, c'est quelque chose que j'ai bien compris, là-bas on me l'a bien appris, et maintenant où que j'aille, que ce soitt à Yaoundé ou en Chine, je sais que j'ai les pieds sur cette terre, cette même planète, et ces gens m'ont appris, dans ma spiritualité et dans mon raisonnement intellectuel, à être un homme de bon sens.

Quand on vous voit à la télévision, on a du mal à vous imaginer avec une connaissance aussi poussée du continent africain

Dans ma famille on est deux à avoir une mère française, et j'ai d'autres frères et soeurs parce que mon père s'est remarié au Cameroun, je suis pourtant un de ceux qui étaient le plus proche, même si on inclus ceux qui ont vécu au Cameroun, de cet oncle qui a été un guide pour moi.

Je ne parlais pas ewondo quand je suis arrivé, mais on a réussi à se comprendre, et j'ai passé des vacances merveilleuses, qui ont structuré ma façon de voir les choses.

Ca aurait pu être en Chine, mais c'était au Cameroun, près de Olama, Binga plus précisément, et c'est de là qu'est parti mon envol d'adulte.

Aujourd'hui je suis en France, mais j'aurais pu être n'importe où dans le monde.

       
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