
Daegu (Corée du Sud) – Au lendemain du nul obtenu par les ”Lions”
(1 but partout) face au Danemark, à Daegu, leur entraîneur, Bruno Metsu, revient sur la prestation de son équipe. C'était en début d'après-midi, juste avant que lui et ses joueurs n'embarquent pour Suwon dans la banlieue de Séoul où ils disputeront leur troisième et dernière rencontre de groupe, mardi prochain à 07 heures 30 (15 h 30 locales), contre l'Uruguay.
Propos recueillis par K Ndiaye
Revenons d'abord sur le match d'ouverture contre la France.
Malgré la victoire sénégalaise, vous aviez déclaré que ce n'était pas un miracle. Mais, était-ce un match parfait ?
Sur le plan tactique, on peut bien dire qu'il était parfait, parce qu’on a réussi l'exploit de gagner par 1 but à 0. Ce match, on l'avait bien préparé, puisqu'on l'avait répété en amical contre l'Equateur qui est aussi une grande équipe ; et l'on avait également réussi à gagner sur le même score. Cette victoire face à la France était quelque chose d'exceptionnel pour l'équipe. Parce que, pour presque le monde entier, le Sénégal était la plus petite équipe du Groupe A.
Même le grand Pelé l'avait annoncé. Ce qui est bien, c'est qu'aujourd'hui, on est considéré comme une grande équipe. L'entraîneur du Brésil qui avait remporté la Coupe du monde en 1994 a affirmé que s'il y a une formation qui l'a impressionné dans cette coupe du monde, c'est bien le Sénégal. Tout cela nous fait plaisir. Mais, le plus important, c'est que ce succès contre la France ne soit pas sans suite. J'avais dit aux joueurs, avant le match contre le Danemark, que ce serait dommage et carrément incompréhensible et inconcevable qu'on prenne une raclée et qu'on n'existe plus.
Justement! Comment jugez-vous ce match face au Danemark par rapport à celui contre la France ? Contre le Danemark, on a été encore meilleur que contre la France. Parce que sur le plan du jeu, on a réussi de très belles choses. Je dirais même au-delà de ce qu'on avait imaginé. C'est vraiment une référence de dominer aussi nettement une aussi bonne équipe que le Danemark. Les joueurs sont en train de faire des matches exceptionnels. Ils travaillent bien, ils sont concentrés et disciplinés. Et je dis qu'il ne faut pas se tromper de cible.
Quand on parle de travail, c'est de travail sur le terrain qu'on parle. C'est le plus important, parce que l'intérêt c'est que les joueurs soient bons. Au début, quand on est parti récupérer à Saly, on a entendu des gens dire que les Sénégalais sont allés faire les touristes sur la plage.
Mais, on oublie que les joueurs ne sont ni des machines ni des robots. S'ils ne décompressent pas, ils ne pourront pas tenir. D'ailleurs, on voit plein d'équipes qui sont arrivées fatiguées en coupe du monde. Les Français, par exemple, ne sont pas fatigués physiquement puisqu'on les voit courir comme tout le monde. Mais, ils ont une certaine usure morale. Parce que faire tous les jours la même chose pendant si longtemps, ça finit par peser, par user.
L'être humain a besoin d'un certain moment de vacances. C'est valable dans n'importe quel domaine d'activité. Et cette préparation à Saly, je la voulais ; j'y tenais absolument afin que les garçons puissent récupérer et se relâcher un peu après leur longue saison. Les résultats dans cette coupe du monde nous ont donné raison. C'est vrai qu'on a eu à regretter l'absence de matches de préparation de très haut niveau ; et l'on est venu dans cette compétition un peu dans l'inconnu.
Mais le match amical contre l'Equateur nous a fait beaucoup de bien. Car, c'est une équipe qui a fait de très bonnes qualifications en Amérique du Sud. Et, en coupe du monde, contre l'Italie, elle a seulement été un peu naïve sur les 2 buts qu'elle a pris ; mais on a senti qu'elle avait du jeu. Et la victoire que nous avons remportée face à cette équipe en amical nous a réconfortés et renforcés au plan moral.
On a pu rééditer la même chose contre la France, en plus on a été très costaud au plan physique. Pour le monde entier, c'était une découverte. On pensait, en général, que les équipes africaines ne sont pas capables de s’organiser et de se discipliner dans le jeu. On a démontré le contraire.
Vous vous dites plus satisfait du match contre le Danemark que de celui contre la France. Sauf peut-être pour le résultat (1 but partout) qui a laissé à désirer ?
Je ne vais pas dire que le résultat laisse à désirer. Parce que, avant la compétition, si l'on nous avait proposé ce nul contre le Danemark, on aurait signé sans hésiter. J'ai revu le match que les Danois ont livré contre l'Uruguay. Ils ont été impressionnants de puissance et de technique. J'ai aussi vu presque tous leurs matches de préparation à cette coupe du monde. Ils ont, par exemple, battu le Cameroun. Et lors des éliminatoires, ils ont balayé tout le monde sur leur route.
Si l'on est parvenu à dominer cette équipe, c'est qu'on a un gros potentiel et un vrai style, et qu'on est capable de changer de dispositif en cours de jeu comme l'on a su le faire. J'avais, en effet, dit aux joueurs que ce match ne se jouerait pas à onze, mais à plusieurs. Non seulement au plan tactique, mais du fait du climat et de la chaleur qui étaient de nouveaux paramètres à intégrer autant pour nous que pour les Danois. Malheureusement, on a été mené au score à la mi-temps. Sinon, on aurait gagné ce match. En seconde mi-temps, on s'est bien repris par contre et l'on a réussi de très belles choses. Seulement, Salif Diao s'est fait expulser.
Sinon aussi, on aurait pu gagner ce match. Au total, je suis entièrement satisfait de ce qu'on a fait. Et je considère comme une très grande réussite ce que nous avons fait sur nos deux premiers matches. Les Sénégalais peuvent être fiers de leur équipe. Voyez ce qui se passe : tout le monde parle du Sénégal et c'est une chose vraiment agréable.
N'empêche, c'est quand même dommage que le Sénégal n'ait pas décroché sa qualification au deuxième tour après deux de ses trois matches de groupe ?
Mais, on aurait aussi pu perdre et ne pas en être là à regretter quoi que ce soit ! Notamment contre la France ! On pouvait ne prendre qu'un point ou même perdre ; et l'on a gagné. Il y a un facteur qu'on ne maîtrise pas en football. C'est le facteur chance. Et il faut reconnaître que contre la France, la chance nous a souri. On a pris un tir sur le poteau juste avant notre but.
Si Trézéguet avait marqué ce ballon, c'aurait été un autre match. Et peut-être que, derrière, on aurait perdu face au Danemark. La France serait aujourd'hui encore la meilleure équipe au monde. Au lieu de quoi, elle est actuellement en plein doute. Le football, c'est tellement difficile, dérisoire et irrationnel que c'est souvent sur le fil du rasoir.
De toutes les manières, j'ai toujours dit que si la qualification devrait se faire (car, encore une fois, ce n'était point évident au lendemain du tirage au sort des groupes), ce serait sur le dernier match. Depuis le début, on a pris l'habitude de faire des matches au couteau. Rappelez-vous que lors des qualifications, il avait fallu aller gagner en Namibie pour décrocher le ticket !
On est toujours dans la même mouvance. Il faut maintenant aller chercher le dernier point contre l'Uruguay pour se qualifier. On a donc notre destin entre nos mains. Tout comme le Danemark d'ailleurs, puisqu'un nul suffirait à notre bonheur. Il vaut mieux être dans notre situation que dans celle de l'Uruguay et de la France, obligés eux de gagner pour espérer survivre au premier tour ”
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