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Entretiens avec Mansour Sora Wade
18/03/2003
 

C’est dans la tradition africaine que Mansour Sora Wade cinéaste sénégalais a trouvé son inspiration pour réaliser son premier long métrage : « Le prix du pardon ». Un histoire qui se joue entre haine et vengeance, entre amour et émotions, sur fond de vie quotidienne dans un petit village lébou , au rythme des sorties en mer des pêcheurs, des craintes et des espoirs charriés par l’Océan.
 
Par Hervé Mbouguen
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Mansour Sora Wade  
Mansour Sora Wade
 

Comment êtes-vous venu au cinéma ?

Je suis venu au cinéma, par hasard ou par le destin…Je ne sais pas….
Je suis né dans un petit village à quelques kms de Dakar et là, il y avait un petit cinéma en plein air. Il était entouré de bâches. L’écran était fait de briques peintes en blanc. Dans ce cinéma, j’ai vu mon premier film.
Avec mes copains, j’avais fait un trou dans le mur avec une lame de rasoir, et c’est à travers ce trou que j’ai vu ce premier film, c’était un western.
Après ça, j’ai essayé de me faire mon propre cinéma. J’ai pris une caisse, un petit drap blanc, j’ai mis une bougie derrière, et j’ai découpé mes images. C’était un western avec des cow-boys. Pour moi, c’était un premier film, parce que mes copains venaient le voir et je les faisais payer.

A partir de ce moment là j’ai commencé à dire : « Moi je vais faire des films ! ». Mais je ne savais pas à l’époque que pour faire du cinéma, il fallait faire une école. C’est après que je l’ai su.

Je suis donc allé dans une université pour suivre une formation en cinématographie. C’est le premier métier que j’ai choisi et c’est le seul. Je ne me suis jamais intéressé à un autre métier je me demande d’ailleurs si ce n’est pas le cinéma qui m’a choisi.

Pourquoi utilisez-vous le conte dans vos films ?

Quand j’étais étudiant, j’étais surtout attiré par le cinéma japonais. J’étais impressionné, parce que le Japon, qui est un pays puissant, continue à vivre également dans sa Tradition.
A l’époque, j’avais vu un film qui m’avait fasciné. C’était un long métrage composé de quatre court-métrages. Ces quatre court-métrages racontaient des contes. Cela m’a immédiatement donné envie de faire des films sur les contes, parce que je considère que le conte est un langage universel. Quel que soit le pays dans lequel on se trouve , on peut découvrir un conte qui ressemble à un autre conte que l’on a déjà entendu au Japon, en Bulgarie, chez soi, ou ailleurs.

J’ai donc commencé à adapter des contes. La première fois, c’était pour la télévision sénégalaise. C’était une adaptation qui durait 26 minutes. Ensuite, j’ai été employé par le ministère de la Culture, précisément aux archives culturelles. Le travail qui nous était confié, consistait à aller à l’intérieur du Sénégal pour y faire des reportages sur la littérature et la Tradition orale. C’est là que mon amour pour la tradition orale, déjà très grand, a été renforcé, parce que je m’étais aperçu que le conte était un bon moyen pour transmettre des messages universels .

Le conteur qui raconte une histoire ne la schématise pas, il la raconte avec tous les détails, comme on le fait dans un film, d’une manière imagée.
C'est le problème de l’adaptation au cinéma se pose. C’est une démarche à part entière, il faut choisir une méthode. En ce qui me concerne, j’ai choisi d’utiliser une voix off, c’est à dire une voix qui accompagne l’image et qui s’inscrit sur la bande sonore. Pour moi elle devient alors un acteur à part entière et est donc aussi importante que le choix des acteurs que l’on voit jouer. Il faut choisir quel type précis de voix convient pour raconter une histoire donnée.

En quoi estimez-vous que ce dernier film a une portée universelle ?

Pour Le prix du pardon précisément, il s’agit d’un roman de Mbissane Ngom, écrivain sénégalais. Ce roman parle d’une histoire d’amour, une histoire de haine, de vengeance. C’est en même temps, une histoire fantastique. Elle parle de la mythologie chez les Lebou.
Je me suis donc interrogé sur la façon dont je pourrais porter ce roman à l’écran pour parvenir à lui donner une dimension universelle. J’ai alors fait le choix d’introduire deux personnages qui n’existent pas dans l’histoire initiale ; à savoir le griot et son fils.

La meilleur manière pour moi d’amener la mythologie à l’écran était de raconter cette histoire comme une légende, parce que si je l’avais raconté d’une manière réaliste, cela aurait été sans doute moins intéressant. J’ai donc effectué une véritable adaptation

Le second travail auquel je me suis attaqué après l’adaptation était celui que j’avais décidé de faire sur les couleurs .
En effet pour que ce conte puisse prendre une dimension universelle , j’ai décidé de faire appel à la symbolique des couleurs. Le blanc, le noir, le rouge, sont des couleurs que l’on retrouve dans le monde entier. Je me suis donc appuyé sur elles.


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"Le prix du pardon"  
"Le prix du pardon"
 

En quoi le choix des couleurs a-t-il pris une valeur symbolique dans ce film ?

Ce long métrage est le récit d’une histoire d’amour qui naît dans le brouillard. Deux amis, Mbanik et Yatma sont amoureux de la même femme. Yatma tue Mbanik et jette son corps dans l’océan. L’ami mort se réincarne en requin.
Pour réaliser les scènes qui ont lieu dans le brouillard, j’ai choisi des costumes dans les tons noirs, gris et camaïeus. Je souhaitais créer une atmosphère dominée par l’angoisse, la nuit, les ténèbres.
Une fois que le brouillard disparaît, je change de couleurs et j’amène des couleurs beaucoup plus vives, dans les tons jaune, orange, bleu. Quand la lumière revient, la vie reprend, les couleurs changent.
Pour faire parler davantage encore les couleurs, je n’ai utilisé le blanc que pour un seul personnage. Je lui ai réservé un environnement de la même couleur, et je me suis dit au moment du casting que je voulais un personnage avec une barbe blanche.
J’ai songé alors à un personnage qui existe aujourd’hui au Sénégal, qui est un personnage religieux important. Tout le monde l’aime, apprécie son humilité et reconnaît son savoir. Il m’a inspiré parce que Yatma qui a tué son ami recherche ensuite la paix. C’est pourquoi il va retrouver ce personnage dans un environnement blanc, qui symbolise cette paix à laquelle il aspire. Lui je l’ai habillé en noir parce qu’ il traîne toujours la mort avec lui.

En ce qui concerne le griot et son fils, l’histoire étant faite de plusieurs couleurs, le griot étant le gardien de la mémoire, j’ai habillé ces deux personnages en patchwork.
J’ai également beaucoup utilisé la couleur rouge parce que dans la mythologie lebou, cette couleur est utilisée pour les travaux occultes. J’ai aussi utilisé cette couleur pour exprimer la sensualité. Yatma attend depuis un moment de faire l’amour à sa femme. Quand ce jour arrive la couleur rouge est omniprésente. Cette couleur, d’autres réalisateurs aussi, qu’ils soient chinois ou japonais, l’utilisent pour exprimer l’amour ardent, la sensualité…etc.


Quelle importance donnez-vous à la tradition dans votre vie quotidienne ?

En tant que Sénégalais, j’ai reçu une éducation m’imposant un certain type de relations avec ma famille, avec la Nature, avec les personnes en général. Et mon père m’a appris la tolérance envers les autres.
Dans ce film, il est beaucoup question de transmission du Savoir à travers des relations. Il y a la relation entre Yatma et son père, il y a la relation entre Mbanik et son père, il y a la relation entre le fils du griot et son père. Ces relations expriment le respect de l’autre, comme dans l’éducation traditionnelle que j’ai reçu.

J’ai été aussi imprégné d’une éducation occidentale, dans la mesure où je suis allé à l’école et ou je parle français.
Je revendique ces réalités comme faisant partie inhérente de ma propre culture. Ce qui m’enrichit aujourd’hui, c’est d’avoir un pied dans l’une et l’autre Culture, ce qui n’empêche pas que je resterai toujours sénégalais.


Quel enrichissement tirez-vous de cette appartenance que vous revendiquez à deux cultures si différentes ?

Cette double Culture, je la vie aussi à travers le métier que je fais. C’est un métier qui n’a pas été inventé en Afrique, c’est une industrie. Mais j’ai quelque chose à y prendre, et elle a quelque chose à m’apporter. C’est pourquoi j’ai fais le choix de vivre entre la France et le Sénégal. Cela me permet d’être à la fois à l’aise dans l’industrie et d’aller puiser ma créativité, mon inspiration, là où j’ai grandi, c’est à dire au Sénégal et j’essaye d’harmoniser tout cela dans ma façon de vivre en général.


Quel rôle joue le conte dans votre vie de tous les jours ?

Les premières images qui peuplent mon imaginaire sont celles des contes que j’entendais lorsque j’étai petit.
Dans Le prix du pardon, j’ai essayé d’amener un regard d’enfant à l’écran.
Ce film, je le raconte avec le regard d’un enfant, c’est pourquoi j’y mets ces images d’ombres chinoises. Tout ce que j’ai vu ou entendu lorsque j’étais enfant, j’ai essayé de le transmettre à travers des ombres chinoises.
Ce qui est fantastique, c’est que moi quand j’étais enfant, on ne me disait pas : « Ne fais pas ci ou ne fais pas ça ». On me disait : « On va te raconter une histoire ». A travers cette histoire qu’on me racontait, on me transmettait une éducation. Quelquefois, je prenais réellement peur, en écoutant les histoires. Aujourd’hui, je pense que cette forme d’éducation est une richesse énorme.

Voulez-vous transposer certaines formes de la tradition africaine au cinéma ?

Je crois que le cinéma peut aider à la conservation de cette Tradition orale.
Amadou Hampatê Ba disait : « Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Aujourd’hui le travail que nous faisons peut aider à la conservation de ce patrimoine, et j’en suis conscient parce que je reste profondément ancré dans ma Culture et n'en connais la valeur.

Quand Léopold Sedar Senghor parlait à une certaine époque ; « d’enracinement et d’ouverture », les gens ne comprenaient pas ce qu’il voulait nous dire avec ces mots. même moi je me demandais ce que ça voulait dire. Mais aujourd’hui je comprends qu’il faut rester enraciné dans sa Culture tout en étant ouvert aux autres et c’est cela qui constitue la richesse.

C’est aussi pour cela, je pense, qu’il faut traiter de sujets universels ; comme on peut le faire avec les contes. Quelle que soit la Culture traditionnelle à laquelle ils appartiennent, ils peuvent avoir une portée universelle.


Le court-métrage que j’ai fait, « Picc mi » raconte l’histoire d’un oiseau qui recherche sa mère. Il rencontre un caïman, qui essaye de le détourner de sa route. J’ai également pensé cette histoire par rapport aux relation que la Banque Mondiale et le FMI peuvent avoir avec les pays sous-développés ou en voie de développement, comme ils disent. J’ai aussi transposé cette histoire à partir de celle des gens qui détournent l’aide alimentaire.


"Picc Mi"  
"Picc Mi"
 

Il en est de même pour l’histoire de Fary l’ânesse, celle d’un homme qui veut avoir une femme superbement belle et parfaite. A la fin du conte, un interrogation est posée sur le regard que les hommes peuvent porter sur les femmes.
Les temps ont-ils véritablement changé ? L’homme n’oublie-t-il pas trop souvent qu’on peut attendre autre chose d’une femme. Cette morale est un message qui peut avoir une dimension universelle.

Pensez-vous qu’il soit possible de puiser de l’inspiration dans des cultures différentes en même temps ?

Je parlais d’une double culture que je porte, je parle français, je vis en France. En tant qu’habitant de ce pays, j’ai une culture et je suis sûr que je peux apporter à l’Autre si différent de moi. Je pense aussi que l’on peut puiser énormément de choses dans la culture africaine car elle a une portée universelle. Par ailleurs je suis aussi séduit par d'autres cultures.
Ce qui me séduit chez les Japonais, c’est le fait qu’ils constituent une grande puissance industrielle, mais quand ils arrivent chez eux, ils enlèvent leurs chaussures et ils vivent par terre, ils mangent par terre…etc. Et le cinéma japonais a su allier ce respect de la Tradition avec la technique en mettant la caméra par terre pour filmer un certain nombre de choses par exemple .
Moi je vis comme un japonais. Mon directeur de la photo est français, on n'a pas le même mode de vie, mais il m’aide à exprimer un certain nombre de choses. Cependant pour lui c’était plus difficile que pour moi de mettre la caméra par terre, parce que la technique qu’il a apprise ne prévoit pas ça. Il fallait qu’il fasse un effort pour venir vers moi, de la même façon que je devais aussi faire les efforts nécessaires pour aller vers lui comme je dois également en faire pour aller vers l’autr, quel qu'il soit, à chaque moment .


Quel regard portez-vous sur ce qui se passe en ce moment dans le Monde, vous qui insistez autant sur l’importance d’aller vers l’Autre ?

Comme tout être humain, cela me préoccupe. Ce sont les mêmes choses qui se passent aux Etats-Unis, en Côte d’Ivoire. Au niveau des catastrophes naturelles, c’est la même chose au Sénégal ou ailleurs. En ce qui concerne les coups d’état, c’est la même chose au Rwanda et ailleurs.

D’un point de vue politique, il y a énormément de choses qui se passent en Afrique qui s’expliquent par des raisons qui n’ont rien à voir avec les Africains.
Malheureusement sur le continent africain, les gens ont soif de pouvoir et les intérêts extérieurs divisent les peuples.
On se demande comment les armes sont entrées au Rwanda ? Pourquoi ces guerres au Libéria et en Sierra Leone ? Et tout le monde sait qu’au Libéria, il y a du diamant. C’est encore un problème d’intérêts.
Comme cette histoire de Tutsis et de Hutus au Rwanda, organisée depuis le départ. Mais par qui ?

Aujourd’hui, il y a des pays comme la Belgique qui s’excusent publiquement. Il a été mis en place une commission d’enquête de la France pour connaître son degré d’implication dans le génocide. Mais cette enquête n’a jamais été rendue publique.

Toutes ces histoires me touchent énormément, c’est pourquoi j’ai décidé de faire un film, une fiction qui sera mon regard personnel sur ce type de réalités.
De toute façon je suis convaincu du fait que pour que tout cela cesse, c’est l’être humain qui doit changer.

Ce film parlera d’un certain nombre de choses qui se passent dans le Monde.
En Algérie par exemple, tous les jours il y a des gens qui sont tués. Pourquoi on n'en parle pas. Quand il y a eu le problème du 11 septembre, tous les médias en ont parlé. On a pu constaté le déséquilibre qu’il y a dans le traitement de l’Information. Il y a eu 100 000 morts en Algérie, ils sont également tués par des terroristes. On parle de 4000 morts à New-York, mais en Algérie, il y en a eu 100 000. Il faudrait également en parler.

Cependant moi je ne fais pas de la politique, je regarde ce qui se passe autour de moi, comme tout le monde et je fais des images, donc je vais essayer de faire un film qui sera mon point de vue personnel sur tout cela.


Quelle place occupent les femmes dans votre cinéma ?

Je respecte énormément les femmes car la femme contribue à un équilibre. Quand on se permet de dire que la femme n’a pas de Pouvoir en Afrique , c’est faux parce que la femme a toujours eu énormément de Pouvoir sur notre continent .
Je me souviens des relations que j’avais avec ma grand-mère, cette femme qui était absolument géniale. Quand elle parlait avec des hommes, je me rappelle de l’autorité qu’elle avait. Et aujourd’hui avec ma mère, je constate la même chose.
Dans la mesure où j’ai eu un respect énorme pour ma grand-mère, je continue à l’avoir pour ma mère. J’accepte sans mot dire les conseils qu’elle me donne parce que je suis toujours sûr que ce sont les bons.
Chez moi, je suis entouré de femmes, j’ai beaucoup de sœurs. En ce qui concerne certaines d’entre elles, j’ai participé à leur éducation. Aujourd’hui, elles sont adultes et continuent à me vouer un respect et une admiration. Je ne veux pas les décevoir en donnant une image négative de la femme. Et je refuse de montrer dans mon cinéma un certain nombre de choses, car j’aimerais que ma mère puisse voir mon travail sans être dérangée ou choquée.

Une femme peut m’apporter un équilibre. D’un simple mot, d’une manière délicate qu’elle peut avoir de m’effleurer , en quelques petites secondes elle peut m’apporter quelque chose. Je la respecte aussi pour le plaisir qu’elle m’offre quotidiennement de la regarder, parce que rien qu’en regardant une femme, un homme peut éprouver un très grand bonheur. Ne serait-ce que pour cela, elle mérite le respect.


 
 

Quand vous parlez des femmes, c’est presque magique… Vous impressionnent-elles vraiment ?

Aucun homme ne pourra jamais prétendre connaître une femme, même en ayant vécu avec elle pendant 30 ans.
Avec une femme, on a toujours des surprises. On ne vivra jamais assez avec une femme pour la connaître.
Ne serait-ce que pour cela, pour tout ce mystère qui les enveloppe, je les aime.
La Femme c’est un mystère. C’est terrible une femme… Je pourrais filmer pendant des heures une femme qui mange par exemple, parce que ça peut traduire toute sorte de choses en elle. Je pense qu’il faut continuer à lui donner cette image qui est celle de la mère, qui est celle de la sœur, de l’amie, et qui peut aussi être celle du danger. Mais je préfère garder le mystère, sans trop chercher à comprendre…


C’est pour ces raisons qu’il n’y a jamais de scènes de sexualité provocantes dans vos films ?

Je n’aime pas amener cela à l’écran. Nous, Sénégalais, nous ne sommes pas éduqués pour montrer certaines images de la femme. On ne peut montrer au cinéma des actes sexuels de manière concrète. S’il y a aujourd’hui des cinéastes africains qui le font, c’est pour plaire à l’Occident. En ce qui me concerne, je pense à mon public d’abord.

Vouloir montrer une image de la femme que nous n’avons pas reçu dans notre éducation, c’est oublier cette éducation. On peut montrer une femme hyper-sensuelle sans la montrer nue. Je peux montrer des détails, suggérer des émotions forte mais je n'ai pas besoin de la dénuder pour cela.

Il faut que ma mère puisse voir mes images. C’est une femme qui n’est jamais allée à l’école, et pourtant quand j’ai fait le choix de faire du cinéma, même si elle ne savait pas ce que c’était, elle n’a jamais cherché à m’empêcher de le faire. Elle m’a toujours soutenu. Donc, je ne peux pas montrer des images qui puissent la choquer.


Comment exprimez-vous votre attachement à la Tradition et au respect des anciens dans la vie de tous les jours?

Je vais vous raconter une histoire. Je suis allé tourner Le prix du pardon dans un village qui s’appelle Djifer, qui se trouve à 150 kms de Dakar, très difficile d’accès. Je suis arrivé, j’avais demandé toutes les autorisations nécessaires auprès du ministère de la Culture, au ministère de l’Intérieur, j’avais tous mes papiers.
Je pouvais donc envisager de tourner librement. Mais je suis quand même allé voir le chef du village. Je lui expliqué que je voulais faire un film dans son village et que j’avais besoin de son autorisation. Le vieux m’a dit que j’avais bien fait de venir, et il a réuni tous les anciens. Ils ont alors décidé de faire une cérémonie pour les ancêtres. J’ai accepté et j’ai donné l’argent pour faire la cérémonie. C’est comme cela que je conçois le respect de l’Autre.

Je leur ai promis de revenir les voir après, avec le film, et je l’ai fait. Je suis retourné là-bas avec un ciné-bus, et ils ont encore organisé une nouvelle cérémonie pour moi. J’ai réalisé un documentaire à ce sujet que j’ai intitulé Retour d’images. C’était important pour moi de les rassurer sur l’exploitation qui serait faite de ces images, parce que, chez nous, beaucoup de gens se demandent encore comment seront utilisées ces images. Ils en ont peur.

Amadou Hampatê Ba racontait souvent que pendant la colonisation, des séances de cinéma en plein air, étaient organisées par les Blancs. Il explique qu’un jour, ils avaient annoncé qu’une séance aurait lieu la nuit dans un village. Les gens du village ont considéré que quelque chose qu’on leur montrait la nuit était forcément quelque chose qui n’était pas clair, qui pouvait avoir un rapport avec des forces cachées, et pour eux c’était très inquiétant. Ils ignoraient tout de la technique du cinéma. Alors quand les Blancs ont diffusé le film sur l’écran, tous les habitants du village ont tourné le dos, il ont refusé de regarder.
Aujourd’hui encore, dans certains endroits en Afrique, il y a des gens qui refusent d’être filmés ou d’être photographiés.


Qu’ont-ils pensé de votre film, les gens du village dans lequel vous avez tourné?

Quand je suis revenu, les gens étaient contents parce que j’avais tenu ma promesse. Beaucoup d’entre eux en découvrant le contenu du film ont regretté de ne pas avoir participé à l’aventure.

C’était important pour moi de respecter cette tradition, et de rassurer les gens. Il est important pour moi de rester fidèle à ce que je suis.


Il y a en Afrique un proverbe qui dit qu’un bout de bois aura beau rester dans l'eau , il ne deviendra jamais caïman. Alors moi, je reste ce que je suis, et j’essaye d’avancer avec ce que je suis.

D'après RFO

       
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