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Ernest Duku |
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Seex Anta Coda l'histoire,115cmx75cm, 2002
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Pouvez-vous vous présenter à nos internautes?
Je suis d'origine Ivoirienne, j'ai eu une formation aux Beaux-Arts d’Abidjan dans les années 1975-1980, cette formation m'a ensuite permis d'intégrer l'école des Beaux-Arts Luminy à Marseille. Toujours dans le cycle de formation je suis rentré ensuite à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs en option "Architecture intérieure, décoration", ce qui m'a permis plus tard de comprendre la notion de création de volume. j’ai aussi suivi une formation en architecture plus une autre en Esthétique- philosophie et Sciences de l'art, pour saisir l'évolution de l'histoire de l'art.
Cette formation en architecture a encore une influence sur votre façon de peindre si je vous ai bien compris, puisque vous imaginez d'abord votre oeuvre, avant que les éléments s'y greffent au fur et à mesure?
Disons que dans ma démarche je pars toujours du titre du tableau avant de réfléchir à la manière dont il va se concevoir. Il y a toujours une sorte de mise en scène , une pratique du projet architectural qui effectivement influence ma manière de peindre aujourd'hui. Il y a un concept de l'objet peint qui est vu globalement avec les éléments de composition qui vont intégrer le tableau, ensuite commence le travail pictural .
Un autre point frappant quand on vous écoute décrire vos oeuvres est qu'elles font référence à la culture Akan, aux Dogon, beaucoup d'Egypte antique. Comment expliquez-vous cette omniprésence de la culture ancestrale africaine dans votre oeuvre?
Au delà de mes préoccupations d’ordre esthétique, cette omniprésence est dû au fait que dès le départ je me suis intéressé à la question de l'écriture. Autour de l'écriture il y a d'abord eu une approche de la lecture des symboles de l'art Akan qu'on retrouve généralement dans les tissus et dans l'architecture. Petit à petit je me suis intéressé à d'autres aires géographiques. Ces aires géographiques m'ont par ricochet emmené vers l'Egypte antique. L'Egypte antique parce qu'on y rencontre l’œuvre de Cheikh Anta Diop. Si l’on veut approfondir la question de cette écriture idéogramme on est amené à faire non pas des comparaisons mais une étude sur les correspondances entre ces différents signes et les différents symboles qui, à la fois véhiculent une forme de messages ; on s'aperçoit qu'il y a des similitudes et des correspondances qui demandent à être approfondies. |
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Et dieu créa la pintade, 165 cm x 98 cm, 2003
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Vous avez eu l'occasion dans d'autres interviews de parler de ce que vous appelez les "non-dits qui encombrent notre mémoire". Pouvez-vous expliquer ce que signifie cette formule que vous avez inventée, et comment votre art en est affecté?
En travaillant sur l'écriture idéogramme j'en suis venu à me pencher sur la symbolique de ces écritures, et des graphèmes même qu'on retrouvent souvent comme je le disais tout à l'heure dans les dessins, dans les pagnes et dans l'architecture… Ces idéogrammes véhiculent en réalité une histoire pouvant paraître proverbial et en même temps des signes-messages. A travers ces signes-messages on voit qu'il y a une idée de ce que j'appelle l'élaboration d'une écriture, écriture faisant l’objet en partie de ce que j'appelle les "non-dits". Les "non-dits" dans la mesure où on à laissé supposer qu'on était en face de civilisations ( ou en face de formes d'expressions picturales où l'écriture n'était pas apparente ). Cette approche par le "non-dits" pour dire qu'au delà des symboles il y a l'émergence d'une écriture, il y a aussi les "non-dits" autour de l'histoire, qui expriment l'idée qu'une oeuvre
d'art est à la fois porteuse d'un message, mais aussi porteuse d'une histoire.
C'est l'histoire de ces "non-dit" qu'à travers ma démarche plastique j'essaie plus ou moins de mettre en évidence.
Vous n'êtes donc pas de ceux qui estiment que l'Afrique n'a pas d'histoire sous prétexte qu'elle n'a pas laissé d'écrits au sens européen du terme et vous voulez donc un "prolongateur" de ceux qui ont laissé des messages à la postérité à travers les pagnes ou autres dont vous avez parlé?
L'idée même qui sous-tend mon travail est que ces non-dits sont quelque part révélateurs de l'idée que cette histoire se racontait aussi à travers l'art africain en général. L'art est porteur d'une histoire à travers l'écriture et les graphèmes qu'on retrouvent dans la statuaire. Une comparaison avec certains symboles et des hiéroglyphes laisse supposer que nous sommes là dans ce que j'appelle les "lieux de correspondance" qui laisse supposer que cette histoire fait partie d'une sorte de lieu de silence : Les "non-dits".
Ces lieux de "non-dits" je suppose qu'aujourd'hui encore ils sont en pratique, puisque la symbolique, sous sa forme imagée, est encore très présente dans l’actuel art africain. Et c'est cette façon de procéder que j'essaie de mettre en valeur. |
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Ernest Duku dans en plein travail créatif
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En parlant de symbolique, il y a quelques symboles que l'on retrouve souvent chez vous, comme un croissant de lune, des cordes, ou le concept de gémellité ou de jumeaux. Pour vous, ou pour les ancêtres dont vous vous voulez le dépositaire, que recoupent ces symboles?
Le travail sur l'écriture m'amène à m'intéresser à l'Histoire. En m'intéressant à l’histoire je m'intéresse à celle des peuples. L'histoire des peuples recoupe des mythes qui sont fondateurs de civilisations. Pour moi, évoquer les "non-dits" était une manière de révéler sous forme picturale des histoires, des évidences pour dire dans le même temps nous sommes dans une continuité historique, ce qui a été à un moment donné n'est qu'une part d'une histoire en continuité.
J'utilise la gémellité pour dire qu'à l'aube des temps il y avait ce lieu commun à toute les grandes civilisation. En m'intéressant à l'écriture je réalise très bien qu'il y a en filigrane les questions spirituelles touchant l'Afrique. C'est pour cela par exemple que dans mes tableaux, lorsque j'utilise la représentation de la lune, c'est en partie l'idée du hiéroglyphe rentrant un peu dans la représentation de celle qu'on appelle la dame du sud, c'est Isis en filigrane. Ce symbole devient quelque chose de très présent dans ma démarche plastique, croissant de lune pour évoquer les anciennes initiations, mais aussi l'Islam d'aujourd'hui, j’interroge, je fais cohabiter ce symbole avec la croix ANKH Egyptienne, et la croix catholique.
M'interroger sur ces questions spirituelles me permet de poser le problème de la spiritualité africaine, et la manière dont celle-ci se définit aujourd'hui. |
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Amatafrika " Will be Back " , 152 cm x 80 cm 2003.
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Une question qu'on peut se poser en regardant vos oeuvres est de savoir si vous êtes un profane s'intéressant à la spiritualité de nos ancêtres, ou si vous êtes un initié essayant de vulgariser ce qu'il a appris?
Je porte mon regard sur ce qu'on appelle la connaissance des anciens. Cette connaissance des anciens est en phase de sortir des lieux de "non-dits", en partie. Et ces lieux de "non-dits" sont là pour révéler que quelque part il y a une sorte d'origine des choses qu'il faut savoir perpétuer en la mettant en évidence dans une société d'aujourd'hui, surtout pour le continent africain où l’on a laissé supposer qu'il n'y avait ni continuité historique ni histoire pouvant se dire. Au delà des virtualités que la spiritualité africaine présente aujourd'hui, il y a un lieu commun autour de qu'on appelle l'animisme. Même si cette question reste tabou, c'est une question qui engendre pour moi la naissance d'un tableau qui a pour titre "Et Dieu créa la pintade", pour évoquer l'idée qu'au delà de toute cette virtualité spirituelle, avec toutes les confessions qu'on peut avoir, il y a l'idée que l'offrande de la pintade reste quelque chose d'essentiel dans la spiritualité africaine.
L'idée de l'offrande, qu'on soit de confession musulmane, chrétienne ou animiste, est fondamentale dans la spiritualité africaine.
Ce sont un peu des interrogations, et en même temps ce "non-dit", autour de l’animisme comme l’expression d'une manière de se projeter dans le futur, la révélation d'un rêve possible.
Au niveau des couleurs et des matières, qu'utilisez-vous d'une part? D'autre part, certains de vos tableaux ont énormément de matière, et nous font vous demander si quelque part vous n'êtes pas un petit peu sculpteur?
Cette démarche est venue de l'idée qu'au départ, n'ayant pas eu une formation de peintre, je me suis posé la question de la représentation de l'oeuvre d'art picturale. Au delà de la composition du tableau, j'ai cherché à faire un travail plastique que j'appelle de la "peinture sculptée", c'est-à-dire une peinture où si la dimension picturale reste très présente, la forme elle-même se joue de l'espace, de telle manière qu'on est à la frontière de la sculpture avec un jeu de matières qui se fait par superposition . j'emploie à la fois de la ficelle, du papier, de l'acrylique pour la peinture, différentes matières qui rejoignent quelque part des manières de procéder artisanales. Tout d'un coup je transpose en peinture pour donner cette dimension où la peinture, l'oeuvre d'art devient quelque chose où c'est l'espace qui est pris en compte. Ce n'est plus tout simplement l'espace à deux dimensions, c'est l'espace de la "ronde-bosse", situé dans le plan pour une autre perception du tableau.
D'où le fait que vos tableaux soient rarement rectangulaires ?
En effet, le tableau n'a plus ce plan où on pourrait percevoir une forme bien définie qui pourrait être un carré ou un rectangle. On voit là l'approche d'une travail où l'espace est pris en compte avec différents découpages. |
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Oiseau CHAM ( Kréyol Attitude ), 94 cm x 54 cm 2003.
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Pouvez-vous décrire pour les grioonautes un de vos tableaux?
Je pourrai parler du tableau qui a pour titre "L'oiseau Cham". Pourquoi l'oiseau Cham? C'est un anagramme autour du nom de Patrice Chamoiseau. J'évoque l'idée que quelque part autour de la question de la spiritualité, la diaspora est dans la continuité d'une histoire qui s'inscrit aussi dans celle de l'Afrique . Au regard même de la composition du tableau où on voit un personnage en rouge qui symboliquement traduit l'idée de l'élévation.
En bas de ce personnage est traduit le texte d'une chanson de Jacob Desvarieux où il est dit qu'en fait au pays des noirs l'amour est dans tous les coeurs, et ceux qui ont pardonné pourront rester. En gauche en bas du tableau, on voit un symbole Akan signifiant "l'union fait la force" pour traduire cette idée. Dans la partie droite du tableau on voit aussi la composition d'un personnage féminin qui porte la cloche vaudou , la question de la spiritualité, le passage d'une religion qui prend ses sources en Afrique, traverse le monde d'une certaine manière à travers l'esclavage, arrive sur le continent américain, devient là-bas une religion qui se révèle.
J'évoque cette religion à travers l'idée de la navette pour la parole, cette navette qui sert aux tisserands à dire la parole, et la barque égyptienne qui traduit le passage ,le lien entre deux mondes. Il y a aussi l'image de l'oiseau, pour traduire l'idée de la pintade à l'origine des initiations vaudou , le passage dans des stades d'évolution et de connaissances.
Où les amateurs pourront-ils voir vos oeuvres cette année?
Cette année j'ai une exposition en cours à Toulouse, "Afrique sur Toile", qui a pour thème les déchirures. Déchirures dans le sens, des déchirures de l'histoire et en même temps des non-dits de la violence que traverse le continent. C'est une exposition qui dure près d'un mois, sur Toulouse.
On peut me contacter par mail à l'adresse eduku@worldonline.fr
Je vous remercie pour les internautes de grioo.com
Je vous remercie, et merci aux grioonautes, j'espère que ces tableaux pourront vous amener à appréhender cet l'univers qui tente de dire un peu l'histoire à travers l'écriture. |
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