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Fatou Biramah présente "Confessions d'un salaud".
01/06/2004 |
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Un "salaud". Un musulman, mais "pas seulement". C'est ainsi que "il" s'auto-décrit. Qui ça "il"? Un salaud auto-proclamé qui semble tout droit sorti d'un clip de gangsta rap. C'est un salaud, il fait des choses dures, mais on se surprend à le trouver sympathique au fil de ses aventures, qui le voient jeune prisonnier en Guinée, sans-papier puis petit délinquant franchissant avec succès toutes les étapes du crime organisé, et pour qui chaque séjour en prison est le moyen de 1) apprendre de nouvelles choses 2) avoir de nouveaux contacts.Le récit semble parfois trop hallucinant pour être vrai, mais l'histoire serait vraie à en croire les deux journalistes qui ont écrit le livre, dont Fatou Birama, journaliste notamment pour le mensuel "The Source", qui a accepté de répondre à nos questions.  |
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Par
Hervé Mbouguen |
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"Confessions d'un salaud"
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Pouvez-vous vous présenter aux internautes?
Je m'appelle Fatou Birama, j'ai 28 ans, et je suis co-auteur avec Audrey Diwan 23 ans, de "confessions d'un salaud". Je suis journaliste à "The Source", et Audrey est rédactrice chez "Glamour".
Qu'est-ce qui vous a donné à toutes les deux l'idée d'écrire sur ce personnage qui s'auto-décrit comme un "salaud"?
Par mesure de sécurité je ne m'étendrai pas sur son sujet, mais on est tombé sur le personnage, et on a estimé Audrey et moi que son parcours montrait du doigt plusieurs facteurs d'un échec social, on s'est donc dit avec Audrey qui est plutôt du type riche héritière venant du 16è arrondissement et moi pauvre héritière venant de la banlieue, on s'est dit qu'à nous deux il y avait de quoi faire un petit truc.
De mon côté parler de quelqu'un à qui toute ma population pourrait s'identifier, en tout cas celle dont on ne parle jamais, celle qu'on camoufle, me paraissait intéressant, et du côté d'Audrey on s'est dit que les gens n'étaient pas forcément au courant, et on voulait leur dire "voilà il y a ça aussi qui se passe à côté de chez vous", et au bout d'un moment on s'est dit que ce n'était pas normal, et qu'on voulait en parler pour faire changer les choses ou en tout cas, éventuellement proposer une base de réflexion sur laquelle on pouvait poser des bases pour discuter.
Vous parlez d'une certaine réalité, une question qu'on se pose justement à la lecture du livre est "est-ce que tout cela est vrai"? N'y-a-t-il pas un peu de bidonnage? Parce que certaines histoires paraissent trop énormes pour être authentiques, surtout à deux pas de chez nous comme vous dites
C'est justement ça le problème, le fait que ça se passe. Mais c'est 200% et même 400% vrai.
En tant que femmes vous donnez toutes les deux la parole à quelqu'un d'assez mysogyne, qui n'hésite pas à exploiter les femmes. Cela ne vous a pas posé de problème de conscience?
Pas du tout. Je suis déjà mysogyne moi-même!(rires) Ca ne nous a posé aucun problème. On ne fait pas l'apologie de ce personnage. |
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Fatou Biramah
©
Steeve Cute (http://www.myspace.com/steevecute) |
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Vous le rendez tout de même sympathique
On ne le rend pas sympathique, il est sympathique. Ce qu'il y a au fond du bouquin n'est pas sympathique du tout, c'est même merdique, mais si le personnage est sympathique, nous n'y pouvons rien. Ce n'est pas parce qu'il fait de la merde qu'il n'est pas sympathique. C'est un être humain avec tout ce qu'il y a avec, des sentiments. La voie qu'il a choisie pour survivre n'est certainement pas la meilleure, mais je le dis et je le répète, nous ne faisons pas l'apologie de ce que ce jeune homme fait! C'est tellement réel, et c'est tellement grave qu'il y a peut-être un moment où il faudrait qu'on se demande ce qu'il faut faire. On arrive à de telles extrémités dans la banlieue, ce n'est pas du banditisme mais du grand banditisme... Ce n'est pas super-grave, mais c'est grave: il y a toujours meilleur, il y a toujours pire dans la vie.
Pour nous ce qu'il a fait est grave, et il faut en parler.
Justement vous en parlez dans votre livre, vous êtes publiées chez un éditeur relativement prestigieux. Quand on lit le livre on croit parfois être dans un clip de "gangsta rap". N'avez-vous pas l'impression d'être utilisée comme noire pour véhiculer cette image un peu négative du noir?
Déjà on est deux. Moi je suis noire, mais l'autre ne l'est pas! (rires) Donc déjà ta théorie ne marche pas. On ne se sert pas de nous, mais nous nous servons par contre de lui: nuance. Il fallait une base, il fallait quelqu'un, on l'a pris, on s'est servis de lui, et on dénonce: à travers lui nous dénonçons un système. Tout le système carcéral, tout le système scolaire, on ghettoïse tous les étrangers, les noirs, les arabes, les chinois, dans des endroits où on leur demande de rester entre eux, dans des endroits sans vision d'espoir, on leur construit des écoles, des associations, des églises, des boucheries, mais tout cela dans le ghetto, afin qu'ils n'en sortent pas, ne voient pas ce qui se passe ailleurs et restent dans leur merde.
C'est ce que nous dénonçons avec Audrey. |
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Fatou Biramah
©
Steeve Cute (http://www.myspace.com/steevecute) |
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Parmi les choses que vous dénoncez il y a implicitement le système carcéral, puisque "le salaud", est d'abord vu dans des centres pour jeunes très peu contraignants, puis dans des prisons qui à chaque séjour lui permettent d'apprendre de nouvelles choses, et de découvrir de nouvelles personnes. C'est aussi un regard un peu difficile sur les prisons françaises?
Quand je dis qu'on dénonce un système on dénonce aussi le système carcéral. On ne dit pas que les prisons ne devraient pas exister, mais on dénonce un abus de pouvoir. Quand les gens vont en prison, tout le banditisme est regroupé, et les gens apprennent entre eux et s'échangent de bons tuyaux. Chaque fois que "le salaud" est allé en prison, il a étoffé son répertoire.
Le système carcéral c'est aussi les abus de pouvoir, les abus des "matons" (NDLR: gardiens de prisons), de la police. Tous ces matons qui font passer la drogue, les téléphones, l'argent, toute la merde, on dénonce tout cela aussi.
Au delà de votre livre, les causes que vous dénoncez ne produisent fort heureusement pas toutes les mêmes effets, c'est-à-dire que tous les jeunes qui ont des problèmes d'environnement hostile ou de "papiers" comme votre "salaud" en a au départ, n'adoptent pas exactement les mêmes solutions?
Déjà nous avons raconté l'histoire d'UN mec. Ensuite ça ne se passe pas en banlieue mais en cité.
Ce ne sont pas tous les gens de cité ou de banlieue qui sont comme ça, c'est l'histoire d'UN mec.
Ce n'est donc pas parce qu'il a fait ses choix que tous les banlieusards font les mêmes: on ne veut pas mettre tout le monde dans le même sac. C'est juste qu'à travers son parcours il était représentatif d'un certain mal-être que nous avons voulu dénoncer. |

Dans votre livre les policiers ont des Renault 19 grises, qu'ils n'utilisent plus depuis au moins cinq ans, l'histoire est donc un peu ancienne, et on reste un peu sur sa faim au sens où il n'est pas évident de comprendre ce qu'il devient. Qu'est-il devenu?
(rires). Oui on ne sait pas. C'est vrai qu'à l'époque c'étaient des R19 et que maintenant les keufs ont des Mégane.
Qu'est-il devenu? Je ne sais pas. On a fait exprès de faire en sorte que vous restiez sur votre faim. Le livre était en fait un tremplin pour faire un film, dans le livre il n'y a aucun remords, c'est juste une mise en garde. Il ne voulait pas faire de remords, nous ne les avons pas inventés.
Parce que lui a mal et n'a pas envie de s'excuser, le fait d'écrire un livre était cependant une façon de dire "petits frères voilà comment j'ai fait, mais ne faites pas comme moi".
Maintenant si on pouvait aller plus loin avec ce livre, ce serait pas mal...
Nous avons juste posé une base avec ce livre, après chacun fait ce qu'il veut du livre.
Je n'aime pas qu'on me dise ce que j'ai à faire et je ne me permettrai pas de le faire aux autres, nous avons juste proposé une base de réflexion, et après, chacun se démerde avec comme un grand.
Nous voulions aussi proposer ça aux hommes politiques, pour leur dire que leurs propositions ne fonctionnent pas, et qu'ils s'asseyent autour d'une table pour éventuellement proposer quelque chose d'autre.
Pour finir, qu'aimeriez-vous que les gens retiennent de votre livre?
Nous voulions parler des gens qui sont dans l'ombre et dont on ne parle pas, mais qui existent. Je voulais juste humaniser ce personnage parce que c'est un être humain.
Nous voulons, parce que nous l'avons écrit à deux, dire aux gens que ça se passe, que nous n'en faisons pas l'apologie, que c'est grave, qu'il y a la guerre en bas de chez nous, mais que faut-il faire? |
Pour en savoir plus sur Fatou Biramah |

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