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Pouvez vous vous présenter aux grioonautes?
Lilian Thuram, âge 32 ans, né en Guadeloupe, joueur de football, depuis 8 ans je suis en Italie et j’évolue actuellement à la Juventus de turin.
Vous venez de sortir un livre « 8 juillet 1998 » : qu’est-ce qui a 32 ans vous a pousse a ecrire ce livre ?
J’ai été contacté (fin 2000) par une éditrice Madame Carrère qui souhaitait me rencontrer afin de me proposer d’écrire un livre. De prime abord je me suis dit que surfant sur la vague du moment Mondial 98- Euro 2000 elle souhaitait, elle aussi, écrire quelque chose sur notre exploit. Toutefois, par politesse, j’ai quand même accepté de la rencontrer pour savoir ce qu’elle souhaitait me proposer.
Je n’ai plus eu de nouvelles d’elle, jusqu’à ce qu’une personne, malgré la débâcle de 2002 m’annonce qu’elle était toujours intéressée par le projet de livre.
J’ai été la rencontrer et elle m’a dit que ça ne l’intéressait pas trop tous ces problèmes de foot. Pour elle, le livre devait se baser sur mon histoire car elle trouvait que j’étais une personne intéressante.
Pris par mes remords j’ai accepté de faire ce livre et je dois avouer que je suis très heureux de l’avoir fait.
Dans votre préface vous citez Cherif Mbaw «le savoir ne vient jamais trop tard. Pour apprendre il est toujours temps. Si tu le possedes, restes sage et modeste, transmets-le. S’il te manque, cherches-le » : qu’est ce qui vous a pousse a prendre cette citation ?
C’est très important, je pense qu’on peut toujours évoluer en tant que personne, toujours apprendre d’autres à n’importe quel âge et ce dans tous les domaines. C’est aussi une phrase qui peut être très importante pour les gens de la communauté noire, je pense que notre histoire est mal connue, et à partir du moment où vous ne connaissez pas votre histoire je pense qu’il y a une lacune, car on arrive pas à se situer exactement et je pense que c’est important pour les noirs, pour les jeunes surtout, de connaître leur histoire et pas l’histoire racontée par n’importe qui !
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Un joueur de football très engagé
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alapresse.com |
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4/ L’Histoire a une part très importante dans votre livre, quel est votre rapport avec cette histoire?
L’histoire est quelque chose de fondamental. L’histoire de la population noire est très mal connue, et celle qu’on connaît ne reflète que des bribes portées par la communauté blanche qui peut prêter à des interprétations erronées.
Pour une personne et afin qu’elle soit équilibrée, il est toujours important de connaître son histoire. Ainsi, la communauté noire doit avoir une vision juste de ce qu’elle est.
L’histoire contée par la communauté blanche a dénié sa qualité humaine à la race noire. Par conséquent cette dernière a voulu se construire à travers le modèle blanc qui à ses yeux représente la perfection.
Or, si on y réfléchit bien ce n’est pas parce que des personnes s’imposent comme des références qu’elles le sont.
On a l’impression, que le noir n’est entré dans l’humanité qu’après l’abolition de l’esclavage.
Il faut savoir que l’histoire noire est une histoire riche et belle, et que nous avons toujours fait partie de l’humanité.
Vous vous êtes actuellement engagé au cote d’amnesty international. Pourriez vous nous en dire plus ?
Amnesty international dénoncent des failles dans le système mondial qui ne sont pas médiatisées. Faire partie d’Amnesty international me permet de m’éduquer sur ce qu’est l’état du monde, ainsi que de prêter mon image afin de pouvoir sensibiliser les personnes sur des sujets comme par exemple les armes légères.
En effet, dans cette campagne on a voulu démontrer comment les armes légères crééent de la violence dans le monde particulièrement dans les pays dits pauvres alors que ces armes sont fabriquées par des pays dits démocratiques.
Comment vous informez-vous pour mieux partager vos expériences aux jeunes ?
Evoluant à l’étranger, il est très difficile pour moi de savoir ce qui se passe en France, tout comme je ne sais pas exactement ce qu’il se passe dans le monde. Disons qu’on a des bribes par les informations, mais les informations sont très souvent manipulées, c’est pour cela qu’il faut avoir du recul pour avoir une interprétation plus juste.
En ce moment, on parle beaucoup en France des problèmes d’intégration, faisant partie du Haut Conseil à l’Intégration, je pense que ce n’est pas un hasard si aujourd’hui se pose ce problème d’accepter certaines communautés comme faisant partie de la France. L’histoire a été tragique pour toutes ces populations, et là nous sommes dans une phase ou les choses avancent car on commence à se poser des questions, et ça peut vouloir dire que dans les années à venir ça va s’améliorer.
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"le concept black blanc beur a été un leurre"
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UEFA.COM |
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Que pensez-vous du concept de la france black blanc beur ?
Je pense que ça a été un leurre, parce que dire que la France est black, blanc beur, ça voudrait dire qu’on n’a pas ouvert les yeux, parce que la France est comme ça depuis longtemps, mais qu’elle ne s’accepte pas comme elle est. Et prendre cette phrase après la coupe du monde c’est trop facile parce qu’en fait on gagne la coupe du monde, tout le monde est dans une joie… et donc il faudrait gagner la coupe du monde tous les ans pour accepter la France t’elle qu’elle est.
Ce qui est encore plus grave, c’est que cette France black, blanc beur est seulement acceptée dans certains milieux comme dans le sport…
Comment vivez-vous sur les rapports afrique/ antilles ?
Je vis cela en tant que personne, je trouve ça assez ridicule que parfois les Antillais refusent leur lien avec l’afrique. Je pense à des personnes de la génération de ma mère, qui refusaient cette assimilation. Il faut se demander pourquoi et se dire que la réponse est soit l’ignorance soit l’assimilation de l’idée que le noir se trouve tout en bas de l’échelle ou encore qu’il existe une fracture qui n’a pas été suivie d’une recherche des origines.
Je me considère comme africain et j’apprends à mes enfants que tout noir vient d’afrique.
Vous êtes actuellement le seul footballeur de cette équipe à avoir une épouse noire, qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas le seul à avoir une femme noire, il y a notamment Patrick Vieira, Steve Marlet, …beaucoup de joueurs ont des épouses noires en équipe de France.
Il n’est pas choquant de voir des joueurs avec des femmes qui ne sont pas de la même couleur qu’eux. La chose la plus choquante serait de voir qu’une personne est avec un compagnon blanc parce qu’elle pense qu’elle est beaucoup mieux ainsi du fait des préjugés négatifs qu’elle a envers sa communauté.
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Le champion du monde 1998 et champion d'europe 2000
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gtowa/grioo.com |
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Le chapitre 7 de votre livre s’appelle le voisin et traite directement du racisme. A cette occasion vous racontez l’anecdote de votre fils qui ne voulait plus manger de banane, comment combattez-vous le racisme et comment préparez vous vos enfants à cela ?
On en revient à l’histoire, c’est un travail de tous les jours, car je pense qu’il y a des choses inconscientes, des messages qui sont véhiculés et qui ne donnent pas forcément une image positive du noir. Il ne faut pas se leurrer, c’est vrai qu’on enferme, qu’on le veuille ou non les gens dans des carcans bien définis par exemple les sportifs, les chanteurs …
Plus jeunes quand je soulevais ces problèmes de l’esclavage, de la place du noir devant mes copains blancs, ils me disaient « mais attends, toi t’es raciste » alors que j’étais tout simplement conscient.
Je crois qu’il faut casser ce mythe de la supériorité blanche, car lorqu’on regarde les problématiques du monde actuel, et l’attitude des donneurs de leçons, on constate la persistance de ce mythe.
Il faut :
 apprendre aux personnes noires que pour réussir il ne faut pas singer le modèle blanc,
casser le mythe qui veut que le noir se situe en bas de l’échelle de qualification et que le moyen de sauver la peau passe par le métissage
Vous avez intitulé votre livre « 8 juillet 1998 » ça ne vous ennuie pas d’etre defini par rapport a cette date ?
Non, parce que je sais que je ne suis pas simplement une date. Que les gens pensent à cette date là est tout à fait normal puisqu’elle représente pour la France dans ce mondial 98 une date où j’ai fait quelque chose qui ne me ressemble pas.
J’ai choisi ce titre car il y avait cette ambiguïté, alors qu’on perdait 1-0, à la fin on gagne 2-1. Si on avait perdu 1-0 peut être je n’aurais pas été là à faire cette interview alors que là, je deviens celui qui a qualifié la France pour cette finale…
Votre sentiment après la nomination de l’Afrique du Sud pour acceuillir la coupe du monde 2010 ?
C’est une très bonne chose que la coupe du monde se retrouve sur le continent africain. L’Afrique du Sud est un pays chargé d’histoire, Mandela, les luttes…C’est aussi un pays qui donne une idée de la réalité de la colonisation du continent où une minorité blanche profite de toutes les richesses du pays alors qu’au départ ce n’est pas leur pays.
Un message pour les grioonautes ?
« Un peuple sans culture est un arbre sans racine » Marcus Garvey
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