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Tony Delsham présente "M'Man Lèlène" son dernier roman
12/09/2004
 

L'auteur le plus lu de la Martinique répond à nos questions sur le premier volet d'une saga en quatre tomes
 
Par Hervé Mbouguen
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Tony Delsham, journaliste écrivain, rédacteur en chef de l’hebdomadaire ANTILLA est l’auteur le plus lu de la Martinique et sans doute de la communauté Antillaise de France. « M’man Lélène », son vingt quatrième roman est le premier tome d’une saga qui en compte quatre. L’histoire se passe aux Antilles après la guerre et rappelle le contexte d’une société très hiérarchisée avec les békés (blancs), les mulâtres, les noirs, et au bas de l’échelle, les femmes, victimes des hommes, blancs comme noirs.
L’Africain appréciera la présence permanente d’une Afrique lointaine dans l’espace mais proche dans le cœur des Martiniquais, notamment grâce à « Maa Coumba » la déesse du grand fleuve du Sénégal qui, dit la légende, a suivi les déportés d’Afrique jusqu’en terre Antillaise afin de les protéger contre les esclavagistes en leur enseignant les pouvoirs du visible et de l’invisible. Le quatrième tome de la saga est d’ailleurs consacré à la dramatique traversée du fils d’un roi.
Pour l’heure Tony Delsham nous parle de M’man Lélène premier tome de la saga Filiation.


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Tony Delsham  
Tony Delsham
© grioo.com
 

Pouvez-vous nous présenter Man Lélène ?

Elaine est âgée de quinze ans lorsqu’elle est séduite puis abandonnée par une personnalité d’une commune du nord de la Martinique. Un enfant naît, elle laisse l’enfant au père, s’enfuit et disparaît. Le petit Félix est recueilli par la sœur du géniteur, reçoit l’éducation de la bourgeoisie martiniquaise. A 15 ans, il apprend que contrairement à ce qu’on lui a toujours dit, sa mère n’est pas morte, il part à sa recherche et la découvre dans un bidonville de la capitale. Il décide de vivre avec cette dernière, alors Il veut rester avec sa mère, alors s’établissent des rapports amour- haine entre le fils et la mère car le jeune Félix ressemble physiquement au séducteur indélicat. Vous l’avez compris c’est un prétexte pour balayer large, et surtout, avec un regard interne sur notre propre histoire, notre propre vécu. Ce qui n’ pas toujours été le cas. Le contexte historique est vrai, les personnages sont imaginés.

M'man Lèlène  
M'man Lèlène
 

Votre livre est-il aussi une forme d’hommage à ces femmes antillaises qui n’ont pas eu la vie facile à cause des hommes?

Si les femmes méritent un hommage, il en est de même pour les hommes. Il n’y a pas de coupable à la Martinique, il y a deux victimes, l’Homme et la Femme. Le calvaire épouvantable vécu par les femmes est la conséquence directe de la sauvagerie de l’Europe, de la sauvagerie de l’homme Blanc qui avait enlevé à nos arrières grands parents ce qu’on n’enlève pas au dernier des animaux, c’est-à-dire le droit d’être Papa, le droit d’être Maman. Il n’y avait ni parents ni enfants, mais des mâles et des femelles sur l’habitation de l’esclavagiste. Ce dernier a détruit tout sentiment humain chez l’esclave. La bible d’une main, le fouet de l’autre il a incrusté dans la cervelle de mon arrière-grand-père, les gestes nécessaires à l’adorer lui, le maître. A le servir lui, le maître. Et aujourd’hui l’Europe prétend nous donner des leçons alors que le comportement de beaucoup d’hommes et de femmes est la conséquence directe de cette déshumanisation ! Qu’ils aillent se faire cuire un œuf, un oeuf d’autruche de préférence, c’est plus gros !

Tony Delsham à la FNAC Parinor  
Tony Delsham à la FNAC Parinor
© grioo.com
 

Nous sommes aujourd’hui en 2004, pourtant constatez les affaires de pédophilie, d’inceste, de viol qui éclatent dans une société aussi réglementée que celle de la France, imaginez le comportement d’hommes blancs complètement libres de faire ce qu’ils voulaient de l’esclave, vous croyez qu’ils s’en sont privés ? Leurs fantasmes les plus dégradants ont été appliqués à nos arrières grands parents.

Déstructurés mentalement, dès 1635 les hommes et les femmes des Antilles ont dû attendre le 22 Mai 1848, avant de retrouver leur liberté et leur dignité .Hélas c’était une fausse liberté. Certes, le fouet avait disparu mais en réalité l’ancien esclave n’avait gagné que la liberté de travailler, dans des conditions épouvantables, pour l’ancien maître ou … de mourir de faim. Il faut attendre plus d’un siècle encore soit en 1946, date de la départementalisation, pour que des conditions, à peu près décentes lui soient laissées, afin de lui permettre de se restructurer mentalement. Bien évidemment, cette restructuration n’admettait que les affirmations idéologiques, à tous les niveaux, de la puissance colonisatrice. Petit à petit, les descendants des esclaves ont accepté les propositions parisiennes, tout en continuant à résister face aux descendants des esclavagistes, encore très présents dans la vie économique.
Je viens de vous faire une photographie rapide du passé. Maintenant, avec le recul, il ne s’agit non pas d’oublier mais, au nom du futur, il nous appartient de maîtriser la colère. Nous avons déjà donné au ressentiment, à la haine. Regardons volontairement vers le futur en faisant le ménage au présent et non plus au nom du passé. Ce passé ne doit plus être frein, mais bien socle pour demain.

 
 

Aujourd’hui cette « culture » qui conduit plusieurs femmes à avoir elle aussi plusieurs enfants de pères différents semble continuer dans la société antillaise ?

Non. La femme antillaise, est depuis 1946 dans un système économico- social qui lui donne les mêmes droits et avantages que la femme française. Elle est française et son statut a évolué au rythme de la société française qui hélas, dès 1635 l’avait, elle et son compagnon réduit à l’état d’esclave. Le système esclavagiste terminé, le système colonial terminé, le droit français s’est étendu aux Antilles. Au moment où nous parlons la femme, comme en France, ne subit plus le diktat économique de l’homme. Si elle a des enfants de pères différents, comme sa mère au temps du colonialisme, ce n’est pas pour les mêmes raisons. Elle maîtrise parfaitement sa sexualité. Contrairement a sa mère elle a le choix. Si ses enfants sont nés de pères différents cela relève d’une gestion amoureuse qui ne regarde qu’elle. Il faut se méfier de l’attitude revancharde de certaines femmes pour qui la souffrance de leur mère est rente de situation bien commode. S’en prendre et dénoncer l’homme dans des sociétés aussi microscopiques que le sont la Martinique et la Guadeloupe sont tremplins à des carrières syndicales, politique. Aux Antilles, il est temps que homme et femmes regardent enfin dans la même direction. Nous avons été pénalisés par l’esclavage, pénalisés par le colonialisme, il ne faut pas que nous soyons pénalisés par notre incapacité à retrouver notre femme, à retrouver notre homme.
Je crois que c’est ensemble qu’on fera la Martinique, c’est ensemble qu’on fera les Antilles.

 
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/  

Autre aspect dans votre livre, les guerres coloniales dans laquelle les soldats français des Antilles, tuant des colonisés en lutte contre la France, se rendent brutalement compte qu’eux-mêmes sont des colonisés.

Absolument. D’ailleurs, je me suis inspiré de faits réels, notamment de faits d’armes des hommes et des femmes de ma propre famille. Un de mes grands oncles, qui est mort depuis, m’a révélé qu’il a pris conscience du fait qu’il était colonisé quand il s’apprêtait à tuer un laotien qui lui a dit « pourquoi nous fais-tu la guerre alors que tu es colonisé comme nous ? C’est là qu’il s’est brusquement réveillé. Nous savons que pendant la guerre d’Algérie des Antillais ont refusé de faire la guerre aux Algériens.

Ces faits sont racontés dans le livre bien que vous avertissiez le lecteur dès le début « toute coïncidence avec des faits réels ne serait que pure coïncidence »…

Nous sommes dans un petit pays, je ne veux pas que des gens pour X raison, me disent « vous avez parlé de moi, » et prétendraient m’imposer leur vérité. J’ai écrit il y a quelques années « Les larmes des autres », œuvre d’imagination pure, et j’écris qu’à Rivière Salée, une commune de la Martinique, qu’un cadavre avait été découvert dans tel quartier. Mon téléphone sonne et une voix m’agresse : (NDLR : mimant une voix de femme) « j’habite à Rivière- Salée et il n’y a jamais eu de cadavre »
J’évite ce genre de gymnastique stérile.


 
 

Revenons sur l’atmosphère entre les soldats noirs et blancs

Mon père était un militaire de carrière. C’est donc une ambiance que je connais bien. Beaucoup de soldats blancs étaient de parfaits racistes qui regardaient les soldats noirs et Arabes de haut, alors qu’ils combattaient ensemble. Moi je n’ai pas connu ces périodes de guerre, par contre j’ai fréquenté des familles de militaires. Je suis fils de militaire, j’ai donc vécu une atmosphère étrange composée de racisme de la part des uns et d’une formidable amitié née aux combats entre blancs et noirs, de la part des autres. Ma conclusion, est que la connerie n’a pas de frontière, n’a pas de race ou de religion. Il y a d’un côté des gens bien, de l’autre côté des gens pas bien, quelle que soit la couleur de la peau.

La lutte contre l’esclavage à la Martinique a pris des voies étranges. Certains se battaient pour briser leurs chaînes, d’autres pour leur promotion sociale. Cela avec des armes inattendues ...

Oui, à la Martinique il ne suffisait pas d’être noir ou métis pou être esclave. Les noirs esclaves se battaient pour briser leurs chaînes, les noirs libres et les mulâtres se battaient pour leur promotion sociale. Nos aînés ont employé toutes les armes qui étaient à leur disposition : le coutelas, le fusil, mais également le poison ! Notre histoire est riche de ce genre de détails. On empoisonnait le bétail, on empoisonnait le maître.

 
 

Vous nous racontez également une très belle légende, celle de l’esclave Biron ...

Oui, Biron est un esclave tué et enterré par son maître dans la fosse où ce dernier avait amassé toute sa fortune. Il avait confié à Biron la mission d’éloigner toute personne qui s’approcherait. Biron obéi de magistrale façon. Il chassa tout eux qui s’approchait, même le maître. L’esclave Biron, légende racontée par ma grand-mère est sans doute notre conscience. Mais y-a-t-il une conscience martiniquaise ou est-ce le souvenir de l’Afrique que l’esclave Biron veut raviver en terre de Martinique. ? Que signifie « avoir le cœur pur » condition indispensable pour faire partie des élus qui ont chance de l’entendre ? On sait que Maam Coumba (NDLR : déesse africaine qui aurait suivi ses protégés d’Afrique aux Antilles) protégeait ceux qui voulaient conserver la culture, la race noire, et qu’elle allait jusqu’à tuer ceux qui ne respectaient la promesse faite.
Que veut dire l’esclave Biron quand il parle de « ceux qui ont le cœur pur » ? Je vous avoue que jusqu’à la dernière seconde je l’ignorais en écrivant la saga et je l’ignore encore.

Tony Delsham et notre journaliste  
Tony Delsham et notre journaliste
 

Un point frappant pour qui ne connaît pas les Antilles, on constate à la lecture de votre livre que la Martinique est constituées d’une juxtaposition d’un grand nombre de communautés, des békés, des noirs, des mulâtres, des indiens. Est-ce une force ou une faiblesse pour vous, au moment où certains écrivains ne partagent peut-être pas votre définition de ce qu’est un créole aujourd’hui ?

C’est leur problème ! Mais peut-on vraiment parler de communauté ? Certes chacun affirme très fortement ses origines culturelles, mais la créolisation a fait son œuvre. Et chacun vit à la Martiniquaise sous l’autorité acceptée, pour le moment, du drapeau français. Je suis né dans un pays tellement petit que lorsque je marche trop vite je tombe dans l’eau, mais dans ce petit pays, toutes les races de la terre, tous les continents se sont donnés rendez-vous, et je suis effectivement fort de tout cela. Lorsque l’on me parle du devoir de mémoire, ma question est immédiate : de quelle mémoire ? Mémoire africaine ? Mémoire européenne ? Mémoire indienne ? Mémoire Asiatique ? Je suis tout cela. Et je refuse d’être amputé de l’une de ces composantes qui forgent ma personnalité. Mon défi, est de ne pas oublier mes origines africaines, européennes, asiatiques, indiennes, tout en m’assumant en tant que martiniquais. Cela fait longtemps que j’ai quitté l’Afrique, l’Europe, l’Inde. C’est peut-être l’Inde, l’Afrique, l’Europe qui ne veulent plus de moi parce que je suis devenu quelque chose de différent au contact de l’autre. Je suis un nouveau pays, parce que j’ai un pays. Un pays conquis avec la sueur de mon arrière-grand-père noir qui travaillait dans les champs de canne des békés, mais également par mon arrière-grand-père blanc. En 2004, force est de constater que je suis à la fois le descendant du bourreau et de la victime, de constater que je suis à la fois l’un et l’autre. Alors qu’on me laisse gérer tout cela paisiblement, j’ai un pays à faire.

Pour les internautes de grioo.com nous vous remercions.

Mais c’est moi qui vous remercie.

Note: les livres coûtant le même prix en France, quelques librairies où vous pouvez trouver des livres afro-antillais:
Hibiscus Records
6 boulevard de Strasbourg 75010 Paris
Téléphone:01 42 49 75 75
La librairie Anibwe
52, rue Greneta à Paris
tél / fax : 01 45 08 48 33
Librairie Be Zouk
36 bis rue de Montreuil 75011 Paris
Téléphone: 01 43 67 67 17

       
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