
Une fusillade a éclaté mardi autour du grand Hôtel Ivoire d'Abidjan, tenu par les forces françaises, dans le quartier chic de Cocody, faisant au moins trois morts et plusieurs blessés, selon un correspondant de Reuters arrivé sur place peu après.
De nombreux manifestants favorables au président Gbagbo étaient massés autour du complexe hôtelier et, selon eux, les soldats français ont ouvert le feu pour les disperser. Ils se sont sous précipités ensuite vers la résidence présidentielle.
La veille déjà, les troupes françaises avaient ouvert le feu en l'air pour disperser les manifestants dans le même secteur, situé à moins d'un kilomètre de la résidence de Laurent Gbagbo.
La fusillade de mardi est intervenu peu après la sortie de celle-ci du président sud-africain Thabo Mbeki, qui s'est dit satisfait d'avoir trouvé le chef de l'Etat ivoirien "attaché" au processus de paix avec les rebelles.
Le successeur de Nelson Mandela était arrivé dans la matinée pour entreprendre une médiation en vue d'apaiser les tensions actuelles et de relancer le processus de paix mis au point à Marcoussis et Accra. La veille les Forces nouvelles (rebelles) avaient estimé que Gbagbo devait être écarté du processus.
Dans la matinée de mardi, au lendemain des rencontres entre militaires français et ivoiriens et leur appel au calme, celui semblait être revenue à Abidjan et, dans le nord du pays, une accalmie était également signalée par l'Onu.
Les principaux ponts d'Abidjan avaient été rouverts à la circulation par les troupes françaises qui les contrôlaient et la population commençait à s'aventurer au-dehors pour voir si l'accalmie constatée se confirmait.
"La situation dans le Nord est calme mais tendue (...). Les forces de l'Onu ont la plupart du temps été en mesure d'empêcher le passage de militaires ivoiriens à travers la zone (de cessez-le-feu)", a déclaré à New York le porte-parole de l'Onu, Fred Eckhard.
En revanche, les autorités ont imposé mardi un couvre-feu à Gagnoa, dans la principale région ivoirienne de production de cacao, après une deuxième journée d'affrontements entre habitants de cette région du Centre et agriculteurs venus du nord du pays.
Le propriétaire d'une importante exploitation de cacao de la ville a expliqué que des membres de l'ethnie locale Bété avaient attaqué et pillé lundi des magasins appartenant à des personnes originaires du nord de la Côte d'Ivoire. Ceux-ci ont cherché à se venger mardi.
Ces combats interviennent dans le cadre d'un cycle de violences plus large à propos des droits fonciers et des plantations de cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial.
Le président ivoirien Laurent Gbagbo est membre de l'ethnie Bété et originaire du centre du pays. Les rebelles qui tiennent le nord du pays appartiennent de leur côté au même groupe ethnique que celui de nombreux exploitants de cacao.
A Paris, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a estimé devant l'Assemblée nationale que la situation en Côte d'Ivoire restait "précaire" et a émis la crainte qu'elle se tende de nouveau. "Notre vigilance doit donc être totale."
Le ministre ivoirien de la Réconciliation nationale a accusé l'armée française d'avoir tué une cinquantaine de personnes à Abidjan et ailleurs lors des affrontements qui ont suivi, ce week-end ,un bombardement de l'aviation ivoirienne sur un cantonnement des casques bleus français de la force Licorne.
Celui-ci ayant coûté la vie à neuf soldats français, le président Jacques Chirac a ordonné la destruction des deux chasseurs-bombardiers Sukhoï et des cinq hélicoptères d'attaque Mi24 de la Côte d'Ivoire.
La réaction française, qui a déclenché une vague d'émeutes anti-françaises lors desquelles quelque 700 personnes ont été blessées, a reçu l'appui unanime du Conseil de sécurité de l'Onu.
"La crise qui secoue aujourd'hui la Côte d'Ivoire n'est en aucune façon un tête-à-tête entre la France et la Côte d'Ivoire", a assuré Jean-Pierre Raffarin. "Notre action s'inscrit dans le cadre de celle de la communauté internationale unie dans les enceintes africaines comme dans les enceintes de l'organisation des Nations unies."
"Il ne s'agit pas pour nous de choisir un camp mais de défendre une solution, d'éviter la guerre civile (...) et appeler tous les acteurs au sens des responsabilités. La France continuera à assumer les siennes", a-t-il ajouté.
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