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Maître Jean-Baptiste Ngandomane
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grioo.com |
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Note de la rédaction de Grioo.com: M. Ngandomane est un avocat d’affaires au Barreau de Paris, spécialiste en droit du sport qui a été présenté dans la rubrique "Parcours" il y a quelques semaines, qui a participé à la défense de l'équipe nationale camerounaise, à qui vous pourrez faire vos remarques à l'adresse ngandomane@hotmail.com
Le 21 mai dernier à Paris, lors du 54ème congrès de la FIFA, l’instance faîtière du football décidait à l’unanimité de lever la sanction sportive visant l’équipe nationale du Cameroun dans le cadre des éliminatoires de la coupe du monde 2006 : six points de retrait. La FIFA levait partiellement une décision très contestable au plan juridique. Une décision qui avait été rendue publique par un communiqué de la FIFA le 16 avril 2004 : « réunie ce jour au siège…, la Commission de Discipline de la FIFA a décidé d’infliger une amende de CHF 200 000 (80 millions de francs CFA) à la Fédération Camerounaise de Football ainsi qu’une déduction de six points à son équipe nationale dans le cadre de la compétition préliminaire de la Coupe du Monde de la FIFA 2006 … ». Retour chronologique sur cette affaire… |
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I - FAITS ET PROCEDURE : |

A – LES FAITS :
Tout commence bien avant la CAN 2004 en Tunisie. Lorsque l’équipementier des Lions Indomptables, Puma, décide de poursuivre ses innovations avec l’équipe nationale de football du Cameroun.
Selon la déclaration sous serment de Horst Widman, assistant personnel du PDG de PUMA AG, ce dernier présente d’abord le maillot en une pièce à certains joueurs de l’équipe du Cameroun. Par la suite, le 18 août 2003, Horst Widman rend visite à Jérôme Champagne, le secrétaire général adjoint de la FIFA, à Zurich et lui présente le maillot litigieux. Monsieur Champagne ne fait aucune objection au caractère supposé non conforme aux lois du jeu de ce maillot. Au contraire, il suggère à Monsieur Widman de le présenter à la confédération africaine de football (CAF), organisateur du tournoi, où ce maillot sera utilisé pour la première fois.
Le 24 octobre 2003, il fait donc le déplacement au Caire où il présente le maillot au président de la CAF, Issa Hayatou, et à son secrétaire général, Mustafa Fahmy. Les deux autorités l’assurent de la conformité de ce maillot, et poursuivent même que ce maillot fera beaucoup de publicité au tournoi.
Dans ce contexte, l’équipementier lance alors une campagne télévisée à l’échelle mondiale. Jusqu’au 22 janvier 2004, il semble difficile d’imaginer que ce maillot puisse poser des problèmes de conformité, au niveau de la FIFA ou de la CAF. Ce n’est qu’à cette date, après les réserves publiques de Sepp Blatter, le président de la FIFA, que naît une controverse sur la régularité des maillots que l’équipe nationale du Cameroun devait utiliser. Plusieurs correspondances sont échangées entre la FIFA, la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) et la CAF. |

Le 25 janvier 2004, le comité d’organisation de la CAN, par une lettre du responsable du site de Sousse, Monsieur Makaya Tamane, informe le « chef de la délégation camerounaise », qu’à partir des quarts de finale, le Cameroun ne pourrait plus utiliser son maillot en une pièce présentée lors de la réunion technique précédant son premier match l’opposant à l’Algérie.
Cependant, dans une lettre du Secrétaire Général de la CAF en date du 27 janvier 2004 adressée à son homologue de la FECAFOOT, la CAF autorise de manière illimitée le Cameroun à jouer avec le maillot en une pièce, jusqu’à réception des nouveaux maillots. Toutefois, il précise que le FECAFOOT devra assumer toutes les conséquences de ses actes dans un courrier du 5 février 2004. Cependant, la FIFA elle continue de réclamer que l’équipe du Cameroun joue à partir du 7 février 2004 avec des maillots et shorts séparés. Dans une lettre non datée adressée au Secrétaire général de la FIFA et envoyée en copie au comité d’organisation de la CAN 2004, la FECAFOOT indique à la FIFA avoir demandé à son équipementier de prendre toutes les dispositions pour se conformer à ses instructions. Dans cette même lettre le président de la FECAFOOT, Mohamed Iya fait état des difficultés de Puma à garantir cette fourniture. |

B – PROCEDURE :
Si l’on peut évoquer une contradiction entre la position de la CAF et celle de la FIFA, la FECAFOOT commet une erreur à l’issue de son quatrième match. Cette dernière ne répond pas aux demandes d’explication de la FIFA du 13 février et du 2 mars 2004. Immédiatement, la FIFA sanctionne lourdement le Cameroun le 16 avril 2004. Un véritable coup de semonce qui s’abat sur ce pays où l’on parle plus de 200 langues, où l’on compte d’innombrables tribus et religions, sur ce pays dont le football plus que tout constitue le ciment national. Les voies de recours seront exercées auprès de la FIFA.
Malgré ou à cause d’une pleine page de publicité provocatrice de l’équipementier des Lions dans le quotidien sportif L’Equipe, la commission de recours de la FIFA restera inflexible le 12 mai 2004.
Il restait alors à la FECAFOOT un recours devant le tribunal arbitral du sport (TAS) à Lausanne. Il pouvait alors être envisagé, eu égard à la gravité de la sanction un sursis à exécution avant une décision définitive. Cela aurait donc permis la suspension de la sanction en attendant la fin d’une procédure qui pouvait être longue. |
II – DISCUSSION EN DROIT : |

Avant la levée de la sanction du 21 mai 2004, plusieurs questions se posaient en droit, la FECAFOOT ayant encore la possibilité d’introduire un recours devant le Tribunal Arbitral du Sport. Le constat de sanction avait-il été fait de manière régulière ? La FIFA pouvait-elle sanctionner régulièrement la FECAFOOT sans en faire autant contre la Confédération qui n’aurait pas fait respecter les lois du jeu dans sa compétition majeure ? La loi du jeu n° 4 avait-elle été violée ? La FIFA pouvait-elle étendre le litige au-delà la violation de la loi du jeu n°4 dès lors que litige était fixé en vertu du principe général de l’immutabilité du litige ?
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A – L’absence d’engagement de l’équipe nationale du Cameroun de changer de maillots :
Dans son courrier non daté adressé à la FIFA, la FECAFOOT ne s’engageait pas formellement à ne plus jouer avec ces maillots. Seulement à mettre tout en œuvre pour qu’il en soit ainsi. Par ailleurs, l’on ne peut parler de violations répétées des lois du jeu. En effet, le Cameroun a joué quatre matches : le 25, janvier 2004, le 29 janvier 2004 et le 03 février 2004 pour les matches de poule et le 8 février 2004 pour les quarts de finale.
B – L’autorisation concernant les trois premiers matches de poule :
Les dispenses de la FIFA pour les trois premiers sont incontestables, tandis que l’autorisation de la CAF, organisatrice de la compétition était sans limite. En effet, la dernière position de la CAF est celle contenue dans son courrier du 27 janvier, et qui n’a pas fait l’objet d’un changement qui ne pouvait découler que d’un écrit. Dans le courrier adressée par le secrétaire général de la Caf le 5 février 2004 au président de la FECAFOOT, il est juste précisé que la CAF prend acte de la réponse non datée du Cameroun à la lettre de la FIFA du 25 janvier 2004. Le litige ne pouvait porter que sur le quatrième match et l’interprétation des textes répressifs se faisant de manière stricte tout doute aurait dû bénéficier au Cameroun.
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C – En tout état de cause, la CAN ne fait pas partie des tournois dont les textes de la FIFA soumettent les équipements à son contrôle préalable :
Il n’est pas certain que la loi du jeu n° 4 ait été violée car l’on ne peut raisonnablement déduire de l’énoncé de ce texte qu’un équipement en une pièce en constitue une violation. Cette loi interdit aux joueurs d’utiliser un équipement dangereux pour lui-même et pour les autres joueurs.
L’équipement de base prévu par ce texte ne précise que ce en quoi il doit nécessairement consister, sans dire si le maillot et le short doivent être séparés. Par ailleurs, l’esprit des textes était respecté puisque les joueurs doivent constamment enfiler leur maillot. Or, lorsqu’on voit, par exemple, la photo d’Eto’o dans le journal du centenaire de la FIFA son short se distingue plus nettement que celui des joueurs du Real de Madrid quand ces derniers sont en blanc. Le respect de la loi 4 « voudrait juste que cet équipement de base existe » comme le notait le bâtonnier Akere Muna.
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R.A.S. (rien à signaler) ont marqué les officiels lors de Cameroun-Nigéria |
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Jean-Baptiste Ngandomane |
D’ailleurs, cette orthodoxie textuelle qu’on appliquait au Cameroun était surprenante quand on sait que les gardiens portent souvent des casquettes sans déclencher l’ire systématique des autorités de la FIFA. Tout comme il n’est pas rare de voir, en raison du climat, des joueurs porter des gants…
Toujours dans l’esprit des textes, il y a lieu de noter que ce maillot ne permettait pas célébrer de but en enlevant le maillot comme la FIFA l’interdit désormais, ou de changer de maillot sur le terrain, ce qu’elle décourage aussi. Par ailleurs, la violation des lois du jeu ne pouvait se constater que sur le terrain par celui qui dirige match et pendant le temps de jeu ; encore qu’un constat postérieur ne peut l’être que dans un délai assez proche et par une commission mise en place par l’organisateur du tournoi. Or, ni la commission d’avant match, ni les rapports de l’arbitre ou du commissaire du match ne font mention d’un quelconque incident : R.A.S. (rien à signaler) se sont contentés de marquer les deux officiels lors du match litigieux Cameroun/Nigeria.
D - L’absence de violation de l’article 2 des statuts de la FIFA :
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La décision de la FIFA plaçait cette institution en situation d’excès de pouvoir |
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Jean-Baptiste Ngandomane |
La décision de la FIFA, en évoquant une violation des articles 2 et 13 de ses statuts, plaçait cette institution en situation d’excès de pouvoir. En effet, l’article 2 ne fait qu’énoncer les buts de la FIFA, tandis que l’article 13 est une disposition générale sur laquelle les sanctions prévues dans le Code disciplinaire de la FIFA se fondent. Par conséquent, ces articles ne peuvent faire per se l’objet de violation, seuls les textes pris en application de ces objectifs peuvent être violés. |

E – Le caractère illégal et abusif de la sanction :
En se réservant sur la validité de la sanction de la FIFA, la hiérarchie des sanctions découlant de l’article 55 des statuts de la FIFA amenait aussi à douter de la légitimité de cette sanction contre la FECAFOOT. La déduction des points y apparaît comme la sanction la plus grave. Or, les articles 51 et 52 du Code disciplinaire de la FIFA qui distinguent les fautes en graves et mineures, classent la violation des lois du jeu parmi les fautes mineures. Logiquement, en matière répressive, l’on ne peut prendre une sanction grave pour une faute mineure. Et, ce d’autant que l’article 57 du Code disciplinaire de la FIFA demande d’appliquer strictement ce Code.
Par ailleurs, la déduction des points n’est en réalité prévue que par l’article 30 du Code disciplinaire de la FIFA : « un club peut se voir retirer des points sur ceux déjà obtenus dans un championnat en cours ». Cet article 30 étant une disposition particulière déroge au principe général énoncé à l’article 13 des statuts de la FIFA. Ainsi, en supposant que le mot « club » puisse être imputé à une fédération, il était clair que le Cameroun n’avait pas encore débuté le tournoi visé, ni obtenu le moindre point. Une situation qui ne souffrait pas d’ambiguïté. Toutefois, si le texte en anglais et en allemand du Code disciplinaire de la FIFA ne fait pas mention des points déjà obtenus, l’article 157 du Code règle se problème puisqu’il indique qu’en cas de doute, le texte en français fait foi. |
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Les Lions dans une tenue plus conventionnelle
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cameroon.fifa.com |
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Par ailleurs, il est de coutume que les sanctions de la FIFA subies dans un tournoi n’affectent pas un autre même s’ils se déroulent parallèlement. Pour toutes ces raisons, la déduction des points à l’équipe du Cameroun était juridiquement infondée.
Et, la seule sanction d’une faute mineure ne peut consister qu’en une amende selon l’article 74 du même code, que l’article 53 de ce code limite à 15.000 francs suisses. C’est pour des raisons d’opportunité que la FECAFOOT a fait amende honorable en payant cette amende maintenue elle. Cette amende aussi était illégale. La FIFA ne pouvait pas de son propre chef appliquer les sanctions les plus graves à une faute mineure.
F – Immutabilité du litige :
Par ailleurs, la FIFA ne pouvait subitement se rattacher à un éventuel manque de respect de la FECAFOOT, dès que le litige était noué, elle ne pouvait en changer la nature. En effet, dans la lettre d’ouverture d’enquête du 13 février 2004, la FIFA ne vise que la violation de la loi du jeu n° 4. Or, le principe de l’immutabilité du litige lui interdisait de pouvoir l’étendre par la suite de son propre chef. |

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