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Quand la France manque des rendez-vous avec ses "minorités visibles"
05/12/2004
 

Grioo revient encore sur l'épineux problème des relations de l'hexagone avec les minorités présentes sur son sol
 
Par Arlette Belabout
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Le président français  
Le président français
 

En l’espace de six années, la France a manqué à deux reprises l’occasion de tendre la main à ses minorités visibles. Aveugle face aux évidences que l’Histoire s’obstinait à coller devant son nez, elle a préféré, à son habitude, énoncer de grands discours plutôt que de mener une action véritable. Son prétexte pour ne pas agir : La république est une et indivisible, s’obstine t-on à nous répéter ; et ; pour bien enfoncer dans nos crânes la vacuité de toute opération positive à destination des immigrés, on dresse devant nous l’exemple américain. Oui, nul ne peut contester les nombreuses failles outre atlantique et la réélection de Bush n’est sûrement pas le gage d’une meilleure gestion sociale. Mais il ne suffit pas d’indexer les défaillances des autres pour conforter ses propres décisions, au contraire, le modèle américain doit servir de base à une action progressive. Pour l’instant, devant l’inertie de la classe ambiante, on ne peut que repasser en boucle le film de ces six dernières années.

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Premier rendez-vous manqué…
 
 

Juillet 1998, devant des milliards de fanatiques du ballon rond, une France multicolore célébrait sa victoire face au Brésil et dans la foulée Jules le coq et Footix, symboles bien franchouillards, étaient renvoyés dans leur basse-cour. On leur préférait une autre idole : l’équipe de France, un autre drapeau : black blanc beur. Il s’en fallut de très peu pour que le basané Zidane ne renverse Marianne de son piédestal. En l’espace d’une nuit, le monde semblait avoir soudain changé : l’immigré n’était plus le demandeur d’allocations mais un individu capable de contribuer au succès de sa nouvelle patrie. Dans l’euphorie ambiante, nous avons plongé tête baissée dans quatre années de rêve, encouragés il est vrai par un retour de la croissance et une baisse du chômage. On riait aux pitreries de Jamel, d’Eric, de Ramzy et de tant d’autres…Esse Lawson foudroyait les écrans de son regard de Squale, tandis que plus de 8 millions de téléspectateurs se lamentaient devant les malheurs d’une jeune malienne. Miss France était une superbe métisse, Rachid Arhab présentait le journal, et l’équipe de France continuait à marquer. Jamais auparavant, on n’avait autant célébré la mixité. Jamais auparavant, on avait vu autant de fils et filles de l’immigration se succéder devant les médias. Devant les médias seulement, car dans la rue il s’agissait d’une autre histoire. Mais grisé par une telle débauche d’images, presque tout le monde avait oublié que le foot n’était qu’un sport et la télévision un résumé de la réalité.

Ousama Ben Laden  
Ousama Ben Laden
© http://members.tripod.com/phillygroove2001
 

Il y eut bien sûr, dès le début du troisième millénaire, quelques notes discordantes dans ce concert d’autocongratulations. Un premier sondage révélait que plus de 60% des français se considéraient comme racistes, mais la question fut bien vite évacuée à coups de débats en tout genres où des spécialistes ès gymnastique linguistiques, nous expliquaient que les sondeurs n’étaient que des manipulateurs, des trafiquants de chiffres abusant de la naïveté des braves gens. Et tant pis si du fond de sa grotte un milliardaire ne trouva soudain rien de mieux à faire que d’envoyer quelques avions fracasser une tour. Après tout, la victime n’était que le Grand Satan, grand pourfendeur des résolutions de l’ONU devant l’éternel. Comment imaginer que dans une France, si ouverte, si respectueuse des droits l’Homme, le citoyen lambda puisse assimiler du jour au lendemain son ami d’hier à une menace. Fin de l’histoire.

Second rendez-vous manqué.
Chirac/Le Pen, l'affrontement du second tour des présidentielles 2002  
Chirac/Le Pen, l'affrontement du second tour des présidentielles 2002
© http://www.rtsi.ch
 

2002. Euphorie, excitation, la France attendait avec jubilation un évènement dont on n’arrêtait pas de lui rabattre les oreilles. L’ambiance était à l’optimisme, à la fête et à l’exaltation. On regardait mollement les politiciens répondre avec nonchalance à des journalistes peu pressés de poser des questions embarrassantes. Il n’y avait aucun doute, Jospin et Chirac allaient s’affronter au premier tour, puis l’un des deux allait triompher et on pourrait enfin passer à des choses sérieuses, comme la Coupe du Monde par exemple. Erreur, fatale erreur. A ceux qui ont cru qu’il suffisait à Zidane de marquer des buts pour résoudre tous les problèmes, 18% des électeurs ont répondu par un non, clair et net. La réalité venait de s’inviter brusquement à la fête. Comme en Juillet 1998, les gens ont crié, défilé dans les rues mais cette fois il ne s’agissait plus d’ériger de nouvelles idoles mais de sauver celles qui restaient encore en place. La république a survécu, Dieu merci, mais l’équipe de France a lamentablement échoué, comme si elle ne croyait plus en cette belle cohésion sociale tant vantée. Il n’y avait plus d’entraîneur au sein de l’équipe, plus de capitaine pour motiver les troupes, juste un goût amer au fond des gorges.

 
© Alapage.com  

Depuis cette année fatidique, rien n’a vraiment changé, et tout est pourtant différent. Discrimination positive, loi sur le voile et la laïcité, l’affaire Dieudonné, le livre de Gaston Kelmann…Les minorités s’emparent encore des médias, mais cette fois pour exprimer leur malaise. Comme en 1998, les politiques ont cru qu’il suffisait de dresser quelques symboles pour satisfaire les esprits : une française d’origine maghrébine au gouvernement (à un poste cependant minime), un préfet d’origine musulmane et une journaliste de couleur (mas pas au 20 heures). Mais cette fois, les gens ne sont plus dupes, il suffit de jeter un regard rapide à Grioo et à d’autres sites pour enregistrer la multiplication de textes communautaires. Ils ne veulent plus que leur intégration repose sur les épaules de quelques célébrités, mais sur des actes concrets. 2004 s’achève progressivement, et ne marquera sans doute pas l’Histoire de son empreinte. Pourtant, c’est une année de transition, qui clôt deux années de réflexions et d’interrogations. A nous de savoir en tirer profit.

       
Mots-clés
france   
 
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