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Les femmes en esclavage: Partie II dans le monde des esclaves
26/12/2004
 

Le premier volet de cette série vous avait montré le traitement réservé aux femmes esclaves par les maîtres, ce second vous montre leur condition dans le monde des esclaves
 
Par Belinda Tshibwabwa Mwa Bay
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Esclave africaine dite de nation " Mina ". Origine supposée le Ghana ou le Bénin. Rio de Janeiro. 1864 - 1866  
Esclave africaine dite de nation " Mina ". Origine supposée le Ghana ou le Bénin. Rio de Janeiro. 1864 - 1866
 

L’esclave prostituée et la prostituée esclave. Selon la logique patriarcale qui régissait l’ensemble des sociétés esclavagistes d’Amérique, être une femme revenait à être doublement esclave. Esclave par le genre et esclave par la condition. L’exploitation sexuelle à laquelle étaient soumises les femmes esclaves en est la meilleure illustration. Bien que certains documents d’archives récemment mis à jour, notamment au Brésil, attestent d’abus sexuels perpétrés par des maîtres blancs sur des petits garçons et des jeunes esclaves de sexe masculin, la violence sexuelle reste une spécificité de l’esclavage féminin. Une spécificité institutionnalisée et banalisée au point d’être transparente. Il n’y a guère que les récits des abolitionnistes et des voyageurs étrangers, décrivant le spectacle de petites filles dévêtues, outrageusement maquillées et couvertes de bijoux, " placées à la fenêtre pour attirer les clients", il n’y a guère que leurs textes pour témoigner des viols domestiques et de la prostitution imposés aux femmes esclaves.

La prostitution des esclaves par leurs maîtres et maîtresses était une autre pratique très répandue, tout particulièrement en milieu urbain où la concentration de la population masculine était la plus importante. A Rio de Janeiro durant le 19ième siècle, de nombreux procès-verbaux d’incarcération concernaient des femmes esclaves arrêtées pour "vagabondage" ou pour s’être promenées " en dehors des heures autorisées ". Ce qui signifiait en réalité qu’elles avaient été prises en flagrant délit de prostitution. Pour contourner la loi, leurs maîtres leur donnaient une autorisation écrite prétendant qu’elle allait chercher un médecin ou faire une course. Après avoir travailler toute la journée, elles devaient se prostituer toute la nuit afin de rapporter des revenus complémentaires à leurs maîtres ou dans le but d’acheter leur carte de liberté.

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Esclave africaine dite de nation " Mina ". Origine supposée le Ghana ou le Bénin. Rio de Janeiro. 1864 - 1866  
Esclave africaine dite de nation " Mina ". Origine supposée le Ghana ou le Bénin. Rio de Janeiro. 1864 - 1866
 

La perversité du système esclavagiste était telle, qu’elle poussait très souvent les femmes esclaves à accepter cette violence, soit comme un phénomène qu’elles même avaient provoqué, soit comme un moyen de marchander et d’acheter toutes sortes de petites libertés, voir " la" liberté. Le premier discours consistait à dédouaner la gente masculine blanche et chrétienne, en accusant la femme noire d’une trop grande " sensualité ", qui " provoquait" le désir de son maître. Elle était donc accusée d’engendrer la violence dont elle était la victime. Ce témoignage du voyageur allemand C. SCHLICHTHORST, résume la perception générale selon laquelle la femme noire était une " tentatrice", une "victime – coupable" :

« 12 ans est la fleur de l’âge des Africaines, vers elles il y a de temps en temps, une attirance si grande que l’on en oublie la couleur (…) les lèvres rouges sombres et les dents blanches invitent au baiser. Des yeux se dégage un feu si particulier et le sein provoque un désir si anxieux qu’il est difficile de résister à de telles séductions »

La deuxième pratique consistait à pousser la femme esclave à monnayer ses faveurs contre un peu plus de confort, un peu plus de nourriture, mais surtout contre une promesse d’affranchissement pour elle-même ou son enfant. Dans de telles conditions de nombreuses esclaves ont instrumentalisé la violence sexuelle afin d’en tirer bénéfice. Ce phénomène a été décrit par le sociologue Gilberto Freyre comme de la " prostitution domestique", et beaucoup de femmes esclaves y on eu recours, parfois de manière occasionnelle, pour obtenir leur liberté, celle de leur enfant ou celle d’un proche.

Esclave africaine dite de nation " Monjola ". Origine supposée, le Cameroun. Rio de Janeiro. 1835  
Esclave africaine dite de nation " Monjola ". Origine supposée, le Cameroun. Rio de Janeiro. 1835
 

Mais l’histoire des femmes en esclavage nous montre que bien qu’elles aient occupé la dernière place de l’échelle humaine, derrière leurs compagnons de servitude, elles ont mis en place davantage de stratégies de d’adaptation et de survie. Elles ont su, dans la plupart des cas, se montrer pragmatiques face au système esclavagiste et ont appris à le contourner, voir à s’en affranchir avec ingéniosité, sans user de la violence ni avoir recours à la prostitution. La femme était une esclave sociale dans le monde des maîtres mais également dans celui des esclaves.

"Négocier" sa liberté. C’est dans le milieu urbain que les femmes esclaves ont trouvé de véritables opportunités d’affranchissement, d’initiatives individuelles ou communautaires. Dans les plantations, soumises à des cycles de production immuables, leurs fonctions et leurs tâches, entièrement tournées vers le travail des champs, étaient rigides. Elles disposaient de peu d’exutoires et de lieux d’expression. En milieu urbain en revanche, la rue était l’opium des esclaves, un espace de travail qui tenait également lieu d’espace de rencontres, d’échanges et de "commerce" dans tous les sens du terme. L’omniprésence des femmes esclaves dans les rues, sur les places publiques, les quais, les plages, les marais, les rivières et les cours d’eau, où était lavé, blanchi et séché tout le linge de la ville, est attestée et illustrée par tous les voyageurs ayant visité Rio de Janeiro durant le 19ième siècle. Les esclaves de sexe féminin occupaient autant l’espace intérieur que l’espace extérieur de la société. Leur rôle social ne s’arrêtait pas à la porte des foyers, mais s’exerçait également dans l’espace public. Vendeuses de rue, commerçantes ambulantes, elles étaient chargées de "nourrir" toute cette frange de la société composée d’esclaves, de marins, de soldats, de petits commerçants, de coursiers, de clercs, de petits employés et de familles pauvres. Elles tenaient donc toutes sortes de petits commerces : fruits, légumes, sucreries, boissons et plats confectionnés par leurs soins.

Esclaves commerçantes sur un marché de Rio de Janeiro, Brazil, 1819-1820  
Esclaves commerçantes sur un marché de Rio de Janeiro, Brazil, 1819-1820
 

Elles reversaient généralement leurs gains à leurs maîtres, mais en gardaient une partie pour racheter leur liberté. Le montant de la carte de liberté était préalablement négocié avec le maître, et ces femmes multipliaient les activités et pouvaient travailler plusieurs années avant de réunir la somme nécessaire. Mais quelques fois elles pouvaient racheter leur liberté très rapidement, grâce à un système d’entraide dont la description fait penser sans la moindre hésitation à la "tontine" africaine. En effet, ces commerçantes se regroupaient pour structurer et développer leurs activités. Elles faisaient à ce point tourner l’économie urbaine qu’elles étaient respectées en affaire par la population blanche. Elles mettaient au point des systèmes de prêts, basés sur des collectes d’argent, qui permettaient à chaque bénéficiaire de racheter la liberté de chacun de ses proches après avoir obtenu la sienne. Les femmes esclaves, contrairement aux hommes de leur condition, ont vite acquis une grande indépendance financière et une grande aisance sociale une fois leur liberté acquise. L’étude des actes notariaux d’affranchissement montrent que sur la ville de Rio de Janeiro, entre 1850 et 1855, les femmes ont obtenu en moyenne deux fois plus de cartes de liberté que les hommes. Mais cet avantage se vérifie sur l’ensemble du 19ième.

Esclaves cuisinières et vendeuses d’angu, une mixture composée de divers morceaux de viande, généralement des abats, de saindoux, d’huile de palme, de différents légumes et de feuilles, de piment vert et jaune Rio de Janeiro,1830  
Esclaves cuisinières et vendeuses d’angu, une mixture composée de divers morceaux de viande, généralement des abats, de saindoux, d’huile de palme, de différents légumes et de feuilles, de piment vert et jaune Rio de Janeiro,1830
 

Les commerces de rue des femmes esclaves ont progressivement évolué vers des structures un peu plus élaborées et encore plus conviviales, connues dans la seconde moitié du 19ième siècle sous le nom de zungú. Il semble en effet que durant cette période, ces commerçantes, esclaves ou ex-esclaves, aient abandonné la rue pour exercer leur commerce dans de petites maisons d’alimentation. Les femmes esclaves ont en tout cas créé, autour de la nourriture, une pratique et un rituel essentiels à la socialisation de la population esclave.


Les femmes : piliers culturels de la "société" des esclaves. Les casas de angú et les zungú étaient d’importants lieux de rencontre et de rassemblement pour les esclaves, car ils servaient à la fois de logements, de maisons de jeux et de maisons de passe. C’était également les seuls lieux, où se célébraient les cultes religieux et dans lesquels les esclaves pouvaient s’adonner à la danse et à la musique. Les femmes, fondatrices, organisatrices et piliers de ces structures, occasionnaient et favorisaient les regroupements d’esclaves tant redoutés par la police et les autorités de la ville. Elles étaient d’ailleurs régulièrement soupçonnées d’être des agents actifs des mouvements de rébellion, car elles assuraient la diffusion parmi les esclaves, des informations relatives à la préparation de révoltes de masse. Mais elles étaient également connues pour encourager les rébellions individuelles, en cachant parmi elles des esclaves fugitives, des vagabonds, des déserteurs ou des objets dérobés par eux.

Esclaves vendeuses de patates douces, Charleston, Caroline du Sud, 1861  
Esclaves vendeuses de patates douces, Charleston, Caroline du Sud, 1861
 

Mais à côté du rôle subversif que jouaient les regroupements de femmes, leurs actions contribuaient de la manière la plus efficace, à la diffusion de la culture africaine et esclave à tous les niveaux de la société. Dans le monde des esclaves, leurs activités facilitaient les échanges et les interactions communautaires. Les femmes étaient aux premières loges du fonctionnement de cette société parallèle, par leur capacité à répercuter et à propager, parmi les esclaves, toutes les pratiques, faits et évènements du quotidien. Les esclaves de sexe féminin travaillant dans la rue, favorisaient plus que les hommes de leur condition, l’émergence de nouvelles formes de sociabilités. Leurs activités étaient plus propices à la convivialité et à l’échange. Elles occupaient majoritairement les places publiques et les marchés, c’est-à-dire des emplacements stables, alors que les hommes circulaient en permanence. Ce qui ne signifie pas qu’il n’existait pas entre eux certaines formes de sociabilité. Le phénomène des confréries d’esclaves et d’affranchis, exclusivement masculines, était assez répandu dans les sociétés esclavagistes. Au Brésil, ce type de sociétés secrètes existait depuis l’apparition de l’esclavage.

Groupe d’esclaves porteurs de café, Brésil, 1853  
Groupe d’esclaves porteurs de café, Brésil, 1853
 

La figure féminine la plus prestigieuse et la plus charismatique de la société esclave, était la féticheuse. Ce personnage, dont la position sociale équivalait à celle d’un guide spirituel et religieux dans les sociétés traditionnelles, devenait au cœur de cette terre d’exil, un repère culturel essentiel pour des millions d’individus déracinés. La féticheuse occupait en effet une place à part dans le monde des esclaves. Elle était à la fois guérisseuse, diseuse de bonne aventure, cartomancienne, magicienne, jeteuse de sort. Elle était perçue par tous comme un vestige de la sacralité et de la spiritualité africaine. La féticheuse a assuré la conservation, l’adaptation et la diffusion à travers la société, de croyances, de rites et de pharmacopées, à la fois profanes et sacrés.

Une guérisseuse ou féticheuse africaine, Paramaribo, Surinam, 1839  
Une guérisseuse ou féticheuse africaine, Paramaribo, Surinam, 1839
 

Le grand mérite des femmes esclaves comme les cuisinières, les commerçantes et les féticheuses, c’est d’être parvenu à créer des sociabilités autour de pratiques simples de la vie courante, comme se nourrir ou se soigner. En ce sens, leur rôle dans la construction et le maintient d’une société esclave, était bien plus important que celui des hommes. En effet, ces derniers ont surtout opté pour des formes de sociabilités plus ségrégationnistes et plus élitistes, comme c’était le cas avec les confréries. Ils ont également créé des orchestres d’esclaves, des corps de métier, ainsi que des "bandes" aux activités plus subversives, principalement la capoeira au Brésil. Mais toutes ces associations étaient exclusivement masculines et fonctionnaient à petite échelle. L’action des esclaves de sexe féminin s’inscrivait, elle, dans le quotidien et dans le long terme. A travers leur savoir culinaire, mercantile, médicinal et religieux, elles collectivisaient et socialisaient les esclaves au-delà des genres, de l’âge, de l’ethnie et de la couleur. Cette socialisation a certainement permis d’amortir et de limiter le traumatisme du déracinement au sein de la population africaine, en récréant des repères culturels inspirés de la culture d’origine. Ces femmes ont, par la même occasion, préservé et pérennisé de nombreux aspects de la culture africaine, en les adaptant et les intégrant progressivement à la culture du pays esclavagiste.

Sources
Murriah Flood, 1915. Née esclave dans la plantation de Faunsdale en Alabama, affranchie suite à la guerre de sécession.  
Murriah Flood, 1915. Née esclave dans la plantation de Faunsdale en Alabama, affranchie suite à la guerre de sécession.
 

Registre des cartes d’affranchissement et de liberté du deuxième bureau de notaire de Rio de Janeiro. ( Arquivo nacional )

Registres d'incarcération de la Casa da Detenção ( Arquivo publico do estado do Rio de janeiro)

DEBRET, Jean-Baptiste. Voyage pittoresque et historique au Brésil. Continental press, 1965.

AIMARD, Gustave. Le Brésil nouveau. Ed. Dentu, Paris, 1888.

SCHLICHTHORST, C. O Rio de Janeiro como é : 1824-1826. G. Costa, Rio de Janeiro

FREYRE, Gilberto. Maîtres et esclaves. La formation de la société brésilienne. Tel. Gallimard, Paris, 1997.

       
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afrique   esclavage   gabon   
 
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