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Paul Etienne Valère qui vient de prendre sa retraite est un martiniquais venant de prendre sa retraite, et qui fut l'un des plus éminents cardiologues français.
Ce jeune grand-père, passionné de musique et de lecture, généalogiste amateur qui vient de découvrir que son arrière grand-mère venait "de Côte d'Ivoire ou du Cameroun" a accepté de revenir sur sa longue carrière. |
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Pouvez-vous vous présenter aux internautes?
Je m'appelle Paul Etienne Valère, professeur de médecine en spécialité cardiologie, retraité depuis trois mois.
Pourquoi avez-vous choisi la médecine?
On m'a souvent posé la question. Avant moi il n'y avait aucun médecin dans ma famille, j'ai toujours eu ce désir de faire de la médecine. Etant littéraire je n'osais pas me lancer là dedans, mais j'ai été convaincu de faire la médecine par un illustre martiniquais Pierre Zizine qui était très connu sur la place de Paris, et qui avait inventé des médicaments qu'on trouvait partout. J'étais au lycée Louis Le Grand à Paris où j'ai passé mon bac, et après une entrevue dont je me rappelle de chaque mot, ce monsieur m'a convaincu de faire la médecine.
L'accès à la médecine se faisait-il alors par des concours comme aujourd'hui?
Il y avait une année préparatoire à la médecine, nommée PCB, Physique/Chimie/Biologie, où se faisait l'écrémage.
Il n'y avait pas de numerus clausus comme maintenant, il n'y avait qu'une seule faculté de médecine à Paris, même si tout cela a explosé en 1968. |
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Paul Valère (flèche bleue)
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Vous devenez interne en 1960, et choisissez la cardiologie, pourquoi ce choix, et pouvez-vous nous décrire les tâches qui étaient les votre à cette époque?
J'ai été nommé interne en 1960, et je rappelle que c'était un concours très difficile inventé par Napoléon puisqu'on prenait à l'époque un candidat sur dix. A l'époque, dire qu'on était un ancien interne des hôpitaux de Paris était une référence, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
J'ai vite perçu que la cardiologie était une partie de la médecine à la fois clinique, donc s'intéressant à l'homme, au malade, mais offrant des possibilités techniques très intéressantes. Il y avait déjà l'électrocardiogramme, et très vite sont apparus les ultrasons, etc..., on sentait que c'était une spécialité qui allait s'ouvrir sur des possibilités techniques remarquables.
Je pense que j'étais jeune à l'époque, et que tout cela m'a fascine. |
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Paul Valère et le professeur Bouvrain
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Vous devenez médecin en 1966. Sur quoi portait votre thèse?
En 1966, j'avais fait 4 ans d'internat au cours desquels j'avais terminé ma formation de cardiologue, et étudié la pneumologie grâce à un professeur afro-antillais de la Martinique, Turiaf un monsieur très connu : il fallait se battre pour obtenir une place chez lui à l'époque, il est malheureusement oublié comme c'est la règle.
J'avais fait une partie de ma formation avec cet homme, et j'ai été nommé en 1966 Chef de Clinique dans son service, un chef de clinique étant un responsable d'une unité et d'un groupe d'étudiants. J'ai fait un an chez lui comme pneumologue, mais ne voulant pas continuer dans cette voie, j'ai fait mon clinicat comme on dit en cardiologie chez le professeur Robert Tricot chez qui je suis resté jusqu'à la fin.
Au terme du clinicat on peut se présenter au concours de l'agrégation, ce que j'ai fait et que j'ai obtenue à ma deuxième tentative en 1972, relativement jeune, à 36 ans.
J'ai été l'adjoint du professeur Tricot à l'hôpital Bichat jusqu'en 1984. |
Année 1984 où vous devenez chef de service. A quoi correspond cette fonction?
La fonction de chef de service est beaucoup plus lourde puisqu'elle est à la fois médicale, on dirige un service, en l'occurrence de 80 lits. Il y a sous votre coupe des internes, des chefs de clinique, des assistants, des infirmières, c'est un gros service qui comptait jusqu'à 80 personnes.
Dans le système médical français les tâches étaient bien réparties, et je n'en ai jamais souffert: j'avais des assistants, j'avais des internes, chacun faisait bien son boulot, nous nous entendions bien, et je n'ai jamais eu l'impression d'être écrasé de travail.
Vous avez décrit votre rôle organisationnel, que faisiez-vous de médical?
Ce que je faisais de médical c'étaient les soins qui consistaient en la visite de chaque malade que le patron, donc moi, doit faire environ deux à trois fois par semaine dans chacune des salles. Il fait également de l'enseignement au lit du malade. Je rappelle que clinique est un mot qui vient du grec qui veut dire "couché", donc on faisait de la clinique sur l'homme couché.
Nous faisons également de l'enseignement à la faculté.
Comme actes techniques, je faisais de la stimulation cardiaque, les pacemakers. C'est la seule opération que je faisais, je ne suis pas chirurgien, mon rôle consistait à choisir les malades à opérer, à les convaincre et tout leur expliquer. |
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Paul Valère (flèche bleue)
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Vous pensez vous être occupé de combien de malades et avoir enseigné à combien d'étudiants dans votre carrière?
Je n'ai jamais fait cette comptabilité, mais c'est sûrement très important. A titre anecdotique il arrive souvent lorsqu'il est malade que mon fils tombe sur quelqu'un qui le connaît. A chaque fois il me dit que je suis très connu, je lui réponds que c'est parce que je suis très vieux, ce qui est différent.
En 1992, vous restez chef de service, en changeant d'hôpital
J'ai été muté en 1992 à l'hôpital Bichat toujours comme chef de service. |
Quel effet cela vous fait-il que des personnalités connues de notre communauté comme Euzhan Palcy disent que des gens comme vous font notre fierté?
Déjà je ne suis pas d'accord, je fais mon travail. Je suis content d'avoir rendu service à la communauté, mais je ne suis pas du tout fier, c'est différent. Quand j'étais chef de service environ 10 à 15% des malades venaient des Antilles ou d'Afrique. Ils venaient me voir parce qu'ils savaient que j'étais un compatriote, et c'était très important pour les malades. Ils se disaient "il est des notre" et cela les mettait en confiance.
Cela m'a permis d'autre part de rester au contact du pays natal par les malades, alors que j'y allais très peu. Ils me parlaient créole, ils me parlaient du pays.
C'est une partie très importante de ma vie professionnelle. |
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Paul Valère (flèche bleue)
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Vous êtes devenu un des principaux cardiologues français. Avez-vous été victime de vos origines dans le monde médical ou professoral?
En ce qui me concerne personnellement, arrivé à Paris à 16 ans, d'une petite famille antillaise, dans un lycée, je n'ai JAMAIS souffert de ma peau. Je ne peux pas vous dire le contraire, ce serait un gros mensonge.
Même plus tard, quand les luttes pour devenir professeur ou chef de service deviennent très dures et sans pitié, je n'ai jamais ressenti le racisme.
Ceci dit, je regarde autour de moi, et je sais qu'il y a du racisme en France (NDLR: entrevue réalisée avant la dernière polémique sur Dieudonné), qu'il faut se battre, se soutenir et se souder.
Je n'ai donc pas la naïveté de croire que tout cela n'existe pas, je dis juste qu'à titre personnel je n'en ai pas souffert. |
Etant retraité aujourd'hui, êtes-vous sollicité par des hôpitaux aux Antilles ou en Afrique pour encourager les futures vocations?
J'ai été sollicité par les haïtiens, j'y ai participé à un congrès de cardiologie auquel je retournerai cette année. Je n'ai jamais été en Afrique noire médicale. J'ai été au Mali à titre privé, mais jamais dans un cadre professionnel.
Et puis la vie, chacun son tour, le mien est passé, au tour des autres.
C'est justement un paradoxe chez vous, vous parlez de vous comme d'un vieux monsieur, pourtant on vous sent pétillant de frâicheur. Vous n'allez pas nous faire croire que vous allez jouer au grand père gateux désormais: quels sont vos projets maintenant que vous ne pratiquez plus au quotidien ?
J'avais en projet depuis longtemps de reprendre la pratique musicale, notamment la guitare classique que j'avais faite il y a bien longtemps. Je m'y suis remis il y a 5 ou 6 ans en m'inscrivant dans un conservatoire, et ça me prend beaucoup de temps.
Etant un jeune grand-père, cette activité me prend énormément de temps elle aussi.
Ma troisième activité est la lecture, les romans de Glissant, un écrivain martiniquais, demandent une concentration importante, j'adore la lecture et la musique. |
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Paul Valère (flèche bleue)
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Avez-vous été particulièrement marqué par des écrivains ou chanteurs afro-antillais ou brûlez-vous d'en découvrir certains?
A part Aimé Césaire que nous connaissons tous, et dont j'ai relu les textes qui continuent à me frapper, notamment son "Discours sur le colonialisme" qui reste d'actualité.
La littérature antillaise est très riche, entre les Glissant, Chamoiseau, autrement, je lis de tout, en ce moment un livre sur la musique.
Si un jeune afro-antillais venait vous voir à la recherche de conseils pour devenir un grand médecin comme vous, que lui diriez-vous?
Ca m'est déjà arrivé, je pense en particulier à un très brillant guadeloupéen, Serge Romana, qui hésitait entre des études poussées, devenir professeur, et revenir au pays. Je donne toujours le même conseil: allez le plus loin possible. Le jeune homme en question est d'ailleurs professeur de pédiatrie à l'hôpital Necker à Paris.
Il est toujours payant de pousser le plus loin possible la qualification. |
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