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"Au-delà du Noir et du Blanc" de Gaston Kelman
28/11/2005
 

Gaston Kelman repond à nos questions sur son dernier livre
 
Par Paul Yange
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Gaston Kelman  
Gaston Kelman
 

Votre dernier livre «Au-delà du Noir et du Blanc» vient de paraître. Pourquoi ne pas l'avoir appelé «Bounty» comme initialement prévu et est-ce une suite de «je suis noir et je n'aime pas le manioc» ?

Ce livre est en effet une suite au premier. Le thème de la place du Noir en France est très peu abordée par les écrivains. Et l’actualité, avec les émeutes que j’avais prévues et l’analyse qui en est faite, notamment avec les déclarations de Monsieur Finkielkraut à un journal israélien prouve que le Noir doit s’impliquer jusqu’au cou, pas en se mettant à côté, mais en entrant dans le débat. Alors, je poursuis en espérant que les appels que je lance pour que beaucoup me rejoignent seront entendus. Quant au titre d’un livre, il n’est déterminé qu’en dernière minute. Mon livre aurait pu s’intituler Bounty qui est l’un de ses points forts, dans la confusion faite sur la notion des identités. Il aurait pu s’intituler La dernière tentation du saumon. C’est ce regard déstructurant que l’on tourne vers le passé, ces erreurs autant des Blancs qui rêvent encore des temps bénis de l’esclavage que des Noirs qui pensent qu’ils sont tous pareils, Africains où qu’ils soient, descendants d’esclaves ou de bâtisseurs de pyramides.

Aucune instance consultative ou décisionnelle comme la HALDE ou le HCI ne tient compte des Noirs.
Gaston Kelman


Vous faites état de lettres que vous avez reçues suite à votre précédent ouvrage, aussi bien de gens qui vous soutenaient que de gens qui vous critiquaient. Qu’est-ce que cet abondant courrier vous a apporté ?

Vous êtes les mieux placés chez Grioo pour savoir que je voulais le débat, que j’ai eu le débat chez vous plus que partout ailleurs, et que j’avais promis de le poursuivre. Je voulais poursuivre le débat pour dire merci et pour dire chiche. Merci à ceux qui, même sans être d’accord avec moi, avaient l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que j’avais permis le décloisonnement de ce débat. Je pense que nul autre que Dieudonné et moi, chacun à sa manière, n’a permis que la problématique des Noirs de France d’aujourd’hui, soit présente dans le débat sociétal. Chiche à cette foule infaillible qui critique tous ceux qui font des choses. Je leur dis, si vous produisez, vous permettrez que l’on voie mieux les Noirs.

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"Au-delà du Noir et du Blanc" le dernier livre de Gaston Kelman  
"Au-delà du Noir et du Blanc" le dernier livre de Gaston Kelman
 

Vous critiquez Mona Chollet en réponse à un article qu’elle a écrit sur «je suis noir et je n’aime pas le manioc», mais dans le fond n’a-t-elle pas raison quand elle dit que le succès de ce livre est dû au fait que "vous flattez l'ethnocentrisme nombriliste des français" ?

Cette affirmation n’engage que Mona Chollet et vous pouvez être d’accord avec elle. Si dire au Blanc qu’il est raciste flatte son ego nombriliste, alors, tant pis pour lui. Pour ma part, je continue à penser que les Cholet sont la race la plus dangereuse et la plus raciste des Blancs, aigris pour diverses raisons, qui règlent des comptes pathologiques avec une France qu’elle n’aime pas. Le Noir n’est qu’un jouet de ces fantasmes. D’abord, elle me traite de métèque. C’est l’insulte la plus raciste du dictionnaire, envers certains étrangers. Hors je crie partout que je ne suis pas un étranger.

Mais dans son inconscient, un Noir ne peut pas être français. Ensuite, il y a le Noir qu’elle aime parce qu’il correspond à ses fantasmes de civilisée : c’est le Noir du Musée de l’Homme, la Venus hottentote. Elle va le fourvoyer faire son malheur en lui faisant croire qu’il peut choisir dans sa culture, ce qu’il veut conserver en France. Elle le traite comme une bête qui ne peut pas changer son instinct quand il aborde une nouvelle société. Le danger de cette dame, c’est que son discours est enrobé de cette bientensance éculée, nauséeuse et trompeuse qui a égaré beaucoup de gens. Alors, il faut que l’on applaudisse ceux qui battent leurs femmes, appliquent la polygamie, l’excision, l’infibulation, le mariage forcé. Ensuite, ils diront, Merci Madame Cholet.

Mes positions sur l'esclavage ne sont pas si loins de celles de Lilian Thuram
Gaston Kelman


Dans votre nouveau livre, vous citez longuement Lilian Thuram que vous encensez. Pourtant, ses positions sont loin d’être identiques aux vôtres puisqu’il assume son identité française, mais contrairement à vous assume également sans complexe tout l’héritage historique et culturel qui lui vient de l’esclavage. Il a par exemple appelé son premier fils «Marcus», en hommage à Marcus Garvey...

J’encense Lilian Thuram parce que je respecte ses qualités d’homme. Vous reconnaissez qu’il assume son identité française comme moi. Vous me dites qu’il assume son héritage culturel de l’esclavage et que c’est pour cela qu’il a nommé son fils Marcus. Il n’y a pas d’héritage culturel de l’esclavage. Il y a l’héritage culturel de créativité des humains,qui se surpassent même dans des conditions extrêmes, prouvant ainsi qu’ils sont plus forts que les chaînes. C’est ça le chant de la créolité et il est noble. On ne pleurniche plus, on dit que malgré l’horreur, on a créé. Je ne sais si c’est Thuram qui vous a dit que pour lui, Garvey était le symbole de l’esclavage. Si j’avais eu à analyser son choix de ce prénom, j’aurais dit qu’il rend hommage à Garvey pour son amour de la liberté, pour ses revendications comme homme libre et ses appels aux Noirs, non à assumer l’héritage de l’esclavage, mais à assumer leur condition d’homme libre.

Permettez-moi de manifester ma surprise sur l’analyse que vous faites de la position de Thuram par rapport à l’héritage de l’esclavage. C’est lui qui dit de son fils Marcus justement, en page 115 de son livre : « Je lui demanderai de ne pas faire porter la responsabilité de ces siècles d’histoire dramatique de l’Afrique sur tout une population blanche… Je lui demanderai de ne pas revendiquer essentiellement un statut de descendant de l’esclavage, si cette idée lui venait à l’esprit ». Vous l’avez bien entendu ! Franchement, si avec cela, vous continuez à penser que Thuram est si loin de mes positions à ce sujet, vous réussirez à me convaincre que je suis incapable de toute analyse de texte. Il dit à son fils que l’on ne revendique pas le seul pan le plus sordide de son histoire. Un homme n’est pas descendant d’esclave, une horreur circonscrite dans le temps. Il est aussi et surtout descendant de ses parents et du reste de son histoire multimillénaire.

Gaston Kelman  
Gaston Kelman
© grioo.com
 

Vous parlez d’exorciser «les rapports entre Noirs et Blancs», mais n’allez vous pas un peu trop loin quand vous trouvez anormal qu'une jeune fille noire de 20 ans vous dise «qu'il ne faut pas oublier que les Noirs ont été esclavagisés et colonisés et qu'ils ont de ce fait beaucoup souffert»? (P 107)

Est-ce juste d’interpréter cette façon de penser comme un signe de «névrose ordinaire»? Une meilleure connaissance de l'histoire de part et d'autres ne peut-elle pas justement faciliter le rapprochement entre Noirs et Blancs ?


Est-ce que connaître l’histoire, c’est en faire partie ? Est-ce que connaître l’histoire transforme cette enfant dont le père est d’origine camerounaise en descendante d’esclaves ? Comme je le dis plus loin, cette fille est victime de l’esclavage, à cause du regard que l’on pose sur elle et dont elle doit se débarrasser. Quand on a vu des films comme "Missipi burning", ou encore "Exhumation", mais aussi "Dans la chaleur de la nuit" ; quand on a lu "Black boy" et "Native son" ; on est obligé d’avoir un peu de pudeur par rapport à ceux qui ont ressenti cette horreur dans leur chair, à ceux qui ont été dans un trauma permanent à cause d’un vécu au quotidien loin des élucubrations d’un Africain du continent, loin des fantasmes negri-négra d’un titi parisien noir, assis bien au chaud et se prenant pour une victime virtuelle ou putative du KU KLUX KLAN.

C'est l'institution française qui ne cesse de créer le communautarisme
Gaston Kelman


Est-ce que vous ne reprenez pas à votre compte les analystes trop simplificatrices d'une partie de la presse française pour laquelle la moindre évocation de la colonisation ou de l’esclavage est qualifiée de course au «dolorisme ou de concurrence victimaire» ?

Je ne connais pas cette presse française pour laquelle la moindre évocation de l’esclavage ou de la colonisation, comme vous dites, est course au dolorisme ou concurrence victimaire. Dans quelle presse avez-vous lu des articles sur le dolorisme du Noir ? Je suis l’un des rares à avoir le courage douloureux de parler du dolorisme des Noirs. Nous ne pouvons pas justifier la perte de château rouge par le fait que nous avons été esclavagisés ou colonisés. Tous les Africains ne peuvent revendiquer en toute occasion, l’esclavage comme la cause de tous leurs malheurs. Ces horreurs ont incrusté des atavismes, des complexes dans l’inconscient du Noir. Mais il s’agit justement d’en sortir et non de s’y enfermer. Une partie des Noirs des USA a depuis longtemps compris que l’on ne se construit pas dans le dolorisme, sans toute fois nier l’horreur de l’esclavage.

Et les premiers de tous étaient d’ailleurs Booker T Washington, et dans un autre registre, Marcus Garvey. De même que je fustige la perte de château rouge B T Washington disait «le Blanc respecte le Noir qui a une maison en briques à deux étages». Je ne sais pas si vous avez remarqué, les Asiatiques ne se considèrent pas comme des Jaunes, bien que les Blancs aient essayé, comme pour les Noirs, de les enfermer dans le carcan racial. Vous allez me dire qu’ils n’ont pas tous eu le même destin. Je vous dirai que les Ethiopiens devraient être fiers d’avoir vaincu les Italiens et non de «regretter» de n’avoir pas eu la «chance aliénatrice» d’être colonisés. Le Blanc a essayé justement d’engluer tous les Asiates dans une jaunitude injurieuse et réductrice. Ils s’en sont libérés et même les horreurs subies par les Viets ne sont plus un leitmotiv doloriste pour eux.


"Je suis noir et je n'aime pas le manioc", best seller de Gaston Kelman  
"Je suis noir et je n'aime pas le manioc", best seller de Gaston Kelman
© Alapage.com
 

Vous citez une étude très intéressante datant de 2004, (p 186) qui montre qu'en France les "jeunes issus de l'immigration" ne sont que 5 % à s'intéresser aux médias ou loisirs ethniques, et moins d'1% à fréquenter des lieux de culte (mosquées)! Certains hommes politiques et analystes se tromperaient-ils quand ils voient partout une "montée du communautarisme" ou l’envahissement des banlieues par des "barbus"?

Mais bien au contraire. C’est l’institution française qui ne cesse de créer le communautarisme, dans son incapacité à sortir d’une logique coloniale, d’une logique de privilège qui divise la France en deux : la France d’en bas et la France d’en haut. Dans cette répartition manichéenne, hier c’était le noble d’une part et le roturier de l’autre. Ensuite, la bourgeoisie a réussi à s’acheter «des lettres de noblesse» et elle est sortie de la France d’en bas. Permettez-moi d’illustrer cela par un exemple. On peut penser tout ce que l’on veut de Bernard Tapie, la haine qu’on lui vouait à gauche comme à droite venait du fait qu’il débarquait de sa Courneuve et ouvrait sa grande gueule au lieu d’être tout le temps à dire merci à la France d’en haut qui lui donnait une petite place en son sein.

On n'arrêtait pas de rappeler à Pierre Beregovoy qu'il n'était qu'un ouvrier issu de l'immigration
Gaston Kelman


Nous savons tous ce qui a tué Bérégovoy. C’est le mépris dans lequel on le tenait, bien qu’il eût fait tout pour être accepté. On n’arrêtait pas de lui rappeler qu’il n’était qu’un ouvrier issu de l’immigration. Quand Azouz Begag a critiqué Sarkozy, celui-ci, relayé par l’UMP, lui a clairement signifié qu’il n’avait rien à dire, qu’il devait se contenter de la faveur qu’on lui avait faite de figurer au gouvernement.

Begag a raté une belle occasion de claquer la porte. Peut-être parce que justement il considère que c’est une chance inespérée pour «le Gone du Shaâba». Aujourd’hui, au fond de la France d’en bas, il y a ceux qui ne peuvent pas se cacher. Ce sont les minorités visibles. Notre tâche est donc d’empêcher l’institution de nous enfermer dans des cases communautaristes. La France a privilégié exclusivement une immigration subalterne, pour rester dans sa logique colonialiste. Elle n’a jamais pensé à la conversion de l’ouvrier immigré en personnel qualifié.

C’est pour cela qu’elle enseignait les langues d’origine aux enfants, au lieu d’apprendre le français aux parents, pour leur donner une chance de mieux s’intégrer. Quand ces ouvriers sont arrivées, ils ne sont pas venus avec leurs maisons sur le dos. On les a parqués dans des résidences communautaires. Quand les cités brûlent, on envoie des imams qui dressent des fatwas à tour de bras. Où est la laïcité ? N’est-ce pas le communautarisme minutieusement entretenu par l’institution ? Dans tous les pays d’Europe et dans tous les pays développés, les Bacs +5 ne sont jamais au chômage. En France, les Bacs + 5 sont au chômage, quand ils n’ont pas le bon faciès (minorités visibles), mais aussi, ne l’oublions pas, quand ils ne viennent pas des quartiers chics, qu’ils soient blancs ou noirs.

Nicolas Sarkozy  
Nicolas Sarkozy
 

Des affirmations comme celles de Nicolas Sarkozy qui pense que "La France a un problème pour intégrer ses immigrés venus d’Afrique du Nord et d’Afrique noire" (à cause d’un "fossé culturel" perçu comme infranchissable) ne montrent-ils pas que votre discours sur le fait que les "jeunes issus de l’immigration" sont des français comme les autres n’a pas du tout été intégré en France ?

Avouez quand même que Sarkozy est l’exemple même que j’ai raison. N’est-il pas lui-même fils d’immigré de la deuxième génération et n’est-il pas bien intégré et français comme les autres! Bien sûr que mon discours n’est pas bien intégré par l’institution et le politique en premier. Les enfants nés en France sont tous des Français et rien que des Français. Dans leur succès comme dans leur échec. Zidane n’aurait jamais eu le même destin en Algérie. Et le gamin qui brûle des voitures en France ne peut pas toucher à une roue de vélo au Mali. Évidemment, les incendies sont condamnables.

La France a un problème pour intégrer ses immigrés car elle pense que le caractère d'immigré se transmet de père en fils
Gaston Kelman


Mais n’oublions jamais que c’est la société qui a pitbullisé ces enfants, en en faisant comme pour ces chiens, des hybrides apatrides, indésirable dans leur pays et refoulés dans un blackland virtuel, meurtrier, anxiogène, criminogène. La France a un problème pour intégrer ses immigrés parce qu’elle pense que le caractère d’immigré, comme celui d’esclave ou de colonisé, se transmet de père en fils. Mais les enfants ne cessent de dire, nous ne voulons plus être d’origine X ou Y. Nous ne sommes pas des descendants d’immigrés. Nous sommes des Français. Analysons un peu les diverses mesures qui ont fleuri à la suite des évènements récents dans les banlieues. Chirac dit, tous les enfants sont des Français et halte au racisme et à la discrimination. On dit bravo.

Et par la suite, la quasi-totalité des propositions s’adresse aux enfants «en échec scolaire». Nul n’a compris que l’échec scolaire n’est pas la cause de leur situation, mais une banale conséquence. C’est parce qu’ils ont vu leur frère avec Bac-plus qui n’arrive pas même à trouver un stage, qu’ils tournent le dos à l’école. Et quand ils brûlent une maternelle, c’est une façon de dire à leur petit frère : «on te perd le temps. Ce n’est pas la peine d’aller à l’école puisque notre grand frère qui y a été, n’a pas trouvé du travail». J’aide une petite association et je vous assure que tous les ans, nous sommes obligés de prendre en stage des petits Noirs et des Petits Arabes, parce qu’ils n’ont rien trouvé d’autre. Alors, vous imaginez, la classe ! Un petit Blanc des beaux quartiers vient avec un CV qui montre qu’il a fait son stage chez Matra, Accor, HP ou SNCF. Et le petit Nègre et son pote Bougnoule viennent de l’association Génération II. Si vous êtes patron, lequel allez-vous prendre ? Le pire c’est que quand les médias et les politiques présentent cette population, on a l’impression qu’ils sont tous en échec scolaire.

Dans les reportages, on a l’impression que le Bac plus 5 de banlieue est systématiquement au chômage. Alors même que l’ascenseur social marche et qu’il y a au sein de ces jeunes, beaucoup de succès. Ainsi, Villepin préconise les formations à partir de l’âge de 14 ans. Un patron disait à juste titre, qu’il est contre la formation à 14 ans parce que tout le monde va associer la formation à l’échec scolaire, alors que la formation doit être valorisée, doit être un choix. Je vous parie que d’ici 15 ans, certains qui n’ont pas la bonne couleur, sortiront de la maternité avec sur leur bulletin de naissance, "formation". Alors, Chirac parle des 50000 places de Service Civil Volontaire. Et s’il y a 100000 candidats, qu’est-ce qu’on fait ? Mieux, Eric Raoult nous apporte des précisions très importantes. Le service civil servira à orienter les visiteurs dans les musées, dans les hôpitaux. En clair, la France offre 50000 postes de vigiles aux enfants des banlieues. Nul ne pense toujours au Bac + 5. Ils ne peuvent être perçus que comme des subalternes.

Gaston Kelman  
Gaston Kelman
 

Vous citez une anecdote racontant comment la cohabitation que les autorités auraient plus ou moins sabotée entre une famille africaine nombreuse et une famille française blanche à priori plutôt ouverte a failli dégénérer en racisme, des deux côtés, rien ne prédisposait à cela (p 209)...

On a dressé une France contre une autre. C’est cela le sens du chapitre de mon livre, dont vous parlez : "toutes les France que j’aime, ou lka fin de l’opposition noir/blanc". ce sont les gamins noirs et arabes qui brûlent. Parce qu’on les a marginalisés, parce qu’on les a détruits. C’est une infime minorité, mais hélas, elle est totalement détruite par le monde adulte et elle n’a aucune notion du bien et du mal. Certaines familles, très minoritaires, à qui l’on a dit que la polygamie était une bonne chose pour eux, même en France, n’ont pas compris qu’on leur faisait du mal.

Ceux qui leur ont dit cela, ceux qui les ont exploités comme des instruments de travail (patronat) ou comme objet d’étude ethnologique (intellectuel) n’habiteront jamais à côté d’eux. Ceux qui n’ont jamais exploité personne doivent subir des voisinages pénibles et dévalorisant pour leur patrimoine. Les victimes des émeutes, ceux qui ont perdu leurs voitures, ce sont encore des Noirs, des Arabes et des Blancs qui habitent dans ces quartiers. C’est ce que j’appelle dans mon dernier livre, le syndrome de l’autodestruction. Les minorités en révolte ne portent pas atteinte aux biens de ceux qui les ont détruites.

Certains ne souhaitent pas avoir sur leur palier une famille de 20 personnes et ce n'est pas une question de race
Gaston Kelman


Ils s’entredétruisent. Je ne sais pas si vous seriez heureux d’avoir dans votre immeuble, sur votre palier une famille de 20 personnes. Moi je ne le souhaite pas et ce n’est pas une question de race. Contrairement à ce que vous pensez, tout prédisposait à ce que dans ce genre de situation, le Blanc se méfie du Noir et que le Noir conscient de l’erreur dans laquelle on l’a introduit – en lui disant qu’il pouvait être polygame – s’enferme dans la honte. Alors, ce sont les plus fragiles que l’on va parquer dans des environnements rejetés et l’on va observer que les parents pratiquent ce que l’on appelle Le syndrome de la sortie des classes. C’est-à-dire qu’avant d’emménager dans un nouveau secteur, on ne visite plus l’appartement, on va d’abord à la sortie des classes. S’il y a beaucoup de petits Noirs et de petits Arabes, on ne s’installe plus dans le secteur.

Louis Schweitzer, président de la "HALDE" (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations)  
Louis Schweitzer, président de la "HALDE" (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations)
 

Vous êtes paradoxalement favorable à la «discrimination positive», position pour le moins inattendue de la part de quelqu’un que ses détracteurs qualifient de «Bounty». Pouvez-vous nous dire pourquoi ? Vous pensez aussi que le terme «discrimination positive» ne traduit pas la réalité du concept «d’affirmative action», pouvez-vous expliciter ce point ?

Laissez mes détracteurs dire et envoyez-les au chapitre de mon livre intitulé Bounty, ou encore aux parties sur le syndrome de l’évolué et l’égalisation par le bas. Quand la France a commencé à parler de la discrimination positive, elle a diabolisé le dispositif, parce qu’il venait de la méchante Amérique. Je ne vois pas ce qu’il y a de paradoxal à ce que je défende ce dispositif. Est-ce que je ne dois pas le défendre parce que je suis traité de Bounty par des personnes de mauvaise foi ou par une jeunesse égarée par les leurres des adultes. Même un Bounty a le droit d’avoir des positions, sans tenir compte de ce que les Noirs parfaits, vierges de toute culture moderne, pensent. La discrimination positive, ce n’est pas le quota. C’est la mise en place d’un nouvel état d’esprit à travers la pédagogie. Aujourd’hui, on nous parle de CV anonyme : une insulte envers le Noir de croire qu’on doit le cacher pour qu’il ait une chance.

Il faut que les patrons comprennent qu'embaucher un Noir ce n'est pas faire l'aumône, mais recruter quelqu'un qui va apporter de la valeur ajoutée à l'entreprise
Gaston Kelman


On nous parle du préfet musulman, nous ramenant à une conception que l’on retrouvait dans l’Algérie française. On essaye le testing qui est nul sinon néfaste puisqu’il essaye de piéger au lieu d’éduquer. Aujourd’hui, on a l’impression de rendre service à un Noir quand on l’embauche, de faire preuve de générosité. Il faut éduquer le patron à comprendre qu’il n’embauche pas un Noir, mais l’ingénieur qui va apporter de la valeur ajoutée à son entreprise. Et pour y arriver, il faut que le futur patron et le futur ingénieur apprenne dès la maternelle qu’ils sont tous les deux des Français à part égale.

Il faut qu’ils apprennent tous les deux la Marseillaise et non que l’on apprenne l’Abidjanaise au petit noir. Soyons honnêtes. Il y a des villages qui n’ont pas de Noir mais votent Front national à cause de l’image et des fantasmes qui en découlent. Dans beaucoup de pays africains, le Cameroun en particulier, si un Blanc dirige une affaire, il est plus respecté que quand c’est un Noir qui est à la tête d’une affaire. Aujourd’hui, je ne sais pas si un grand chef d’entreprise noir de ma génération en France embaucherait plus de Noirs que son homologue blanc. Tous sont nourris, que le Noir le veuille ou non, de la même déconsidération pour le Noir. Et si ce chef d’entreprise est un Bounty qui s’ignore, c’est encore plus grave.

Les banlieues françaises ont été secouées par des émeutes  
Les banlieues françaises ont été secouées par des émeutes
 

Pour terminer, vous habitez depuis de longues années à Evry en banlieue parisienne. Quel regard portez-vous sur les violences urbaines dans lesquelles certains, notamment dans les médias étrangers, ont vu une «crise raciale» ?

Parce qu’il y a quelqu’un qui y verrait autre chose qu’une crise raciale ? Dans mes livres, je n’arrête pas de tirer la sonnette d’alarme en disant, faisons attention. La haine raciale couve en banlieue et l’on ne fait rien pour y remédier. Le Noir est totalement invisible en France. Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais aucune instance consultative ou décisionnelle comme la HALDE ou le HCI ne tient compte des Noirs. La première n’a aucun Noir, alors qu’ils sont les plus victimes des discriminations. Vous n’imaginerez même pas une HALDE féminine sans aucune femme. Au HCI, Haut Conseil à l’Intégration, il y a certes Thuram, un grand homme.

Mais ce choix nous ramène au fantasme du Noir sportif. Encore heureux, on aurait pu avoir un rapeur dérapeur. Thuram est très pris par son métier qu’il exerce à l’étranger. Il n’est pas un étranger à intégrer. On n’a pas trouvé un spécialiste un peu plus disponible. Mais une fois qu’on a dit cela, on doit se demander pourquoi cela arrive aux Noirs plus qu’à tous les autres groupes minoritaires ? Le jeune Noir demande aux adultes, autant à son père qu’aux institutions, d’arrêter de le prendre pour un étranger et de lui donner sa place rien que sa place de Français. La France, ce n’est pas une race, c’est un peuple.

       
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afrique   cameroun   cote d'ivoire   
 
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