
Jacques Chirac, Président, vient de retenir, au nom de la République, la date du 10 mai pour raviver annuellement et au niveau national, la mémoire de l’esclavage.
Au delà des discussions houleuses, des nécessaires échanges qui ont eu lieu autour de cette question ces derniers mois, voir ces dernières années, on peut penser que les polémiques se tairont et feront place à la communion.
Souhaitons que dans un esprit d’apaisement et, pour mieux nous consacrer au présent, mieux appréhender l’avenir, les partisans de choix de dates différentes, sauront faire taire leurs divergences pour mieux rassembler.
La loi Taubira est parfois critiquée, ce qui justifie le fait que ses partisans se défendent. Des élus se sont opposés à des responsables d’associations. A titre individuel, certains ont juré de ne jamais reconnaître aucune date, quelle qu’elle soit, qui aurait été décidée par un pouvoir politique revêtu encore à leurs yeux, de guenilles coloniales et paternalistes. Vu sous cet angle, évidemment, on peut craindre alors que cette étape, nécessairement courageuse au demeurant, ne porte déjà en elle sa mise en cause, le jour même où elle est annoncée.
Ainsi donc, les citoyens seront invités à se recueillir en commun. Il s’agira pour la France d’assumer son Histoire. Pour les Français, tous les Français, de se souvenir d’une page de leur passé. Pour chacun d’entre nous, de réfléchir de manière à en tirer des leçons et rester vigilant afin que rien de tel ne se reproduise ni pour nous, ni pour d’autres.
Aujourd’hui même, quelqu’un a pu dire que « la France en a fini avec son amnésie. » Je ne le crois pas. L’excès d’optimisme est mauvais conseiller et peut nous surprendre dans les pires moments d’assoupissement. C’est une réalité, la mémoire collective est courte et l’individuelle l’est davantage encore. Aussi, on n’aura de cesse de maintenir la flamme, et c’est d’ailleurs le sens de ce type d’acte symbolique. Et s’il a un sens, une utilité, c’est bien de combattre l’oubli. Voilà mon avis.
Poursuivant la même idée, on est en droit de se demander si cette commémoration nationale, sera le signe d’une franche et honnête cohabitation entre les Français, sans distinction ? Et est-ce faire preuve de pessimisme ou de mauvais esprit, que de dire que rien n’est gagné, parce que rien n’est définitif, parce que la nature humaine est ce qu’elle est, c'est-à-dire habitée pour moitié de vieux démons ?
Je suis convaincu qu’il faut, affronter son passé, dire les choses comme elles sont et quelles qu’elles soient. Qu’il faut les reconnaître pour en débattre avec passion quelquefois mais, sans volonté de culpabilisation car, personne n’est responsable ni de son passé ni de ses parents.
Me regarder avec compassion en me rappelant sans cesse que je suis descendant d’esclaves c’est, aussi soutenir son pendant qui consiste à toujours voir dans l’autre, pour lui en faire reproche, le descendant de colonisateurs.
Le rappel de l’histoire dont nous héritons quelque soit la place que nous occupons ou le clan auquel nous appartenons, devrait à mon sens servir de vecteur de rassemblement, face à des moments regrettables et condamnables.
Nier les faits, taire les responsabilités, loin d’étouffer l’expression des consciences, loin d’obtenir le reniement, la sérénité dans les foyers, ne serviront pas la paix sociale, et contribueront encore moins, j’en suis persuadé au consensus politique.
Ce geste devait être fait. Il l’a été. Et puisqu’il s’agit d’un geste politique au sommet de l’Etat, saluons le avec la satisfaction symbolique partagée et relative à laquelle il a droit.
MERCI A QUI ? Toutefois, il me semble que les toutes premières leçons à tirer de cette période de confrontation, je parle du débat contemporain qui a permis l’avènement de cette décision sont - la connaissance de l’Histoire - la conscientisation citoyenne - la détermination.
Si des historiens, des chercheurs n’avaient pas œuvré utilement, si des militants associatifs ou politiques, principalement des Originaires d’Outre-Mer, ne nous avaient pas fait partager les résultats de leurs travaux et leurs analyses, si la presse n’en avait pas fait écho, nous ne serions pas là aujourd’hui à nous en réjouir. Il faut donc rappeler que les enjeux clairs rassemblent les peuples qui savent y voir leurs intérêts. Dès lors, les choses bougent, les politiques et les politiciens s’alignent sans condition, contraints et forcés.
Il faut donc tout autant, reconnaître le travail qu’a effectué le comité constitué à cet effet et ne dire d’abord merci qu’à nous-mêmes.
Mais, je demande à ce que l’on fasse aussi preuve d’honnêteté et de lucidité en la matière. Que nous chassions nos passions rancunières. L’Histoire s’écrit au jour le jour et c’est nous qui l’écrivons, je dis bien chacun d’entre nous. C’est la raison pour laquelle, malgré nos divergences sur la question juive, je dis que dans ce mouvement de reconnaissance, l’humoriste Dieudonné y a sa part.
En attendant de commémorer le premier 10 mai, il me semble qu’une autre étape doit être préparée avec sérieux et détermination. Je pense à l’élection présidentielle de 2007. Depuis des années je n’ai cessé de le répéter : Nous devrons sans complexe participer à la campagne qui d’ores et déjà a commencé. Pour ce qui me concerne, je souhaite y prendre toute ma place.
Il parait que beaucoup sont déjà dans les starting-blocks. Soit. Mais à ce propos, nous devons tous savoir, que pour parler aussi, au nom des communautés afro-antillaises, il faudra être le plus proche possible de la morale politique, celle-là même dont les politiciens se sont éloignés ce qui a provoqué la désertion des bureaux de votes par nombre d’électeurs.
Je pense à la corruption ou à ce qui lui ressemble, aux mises en examen pire, aux condamnations par les tribunaux, aux mesures d’exception ou à des comportements d’autant plus troubles et injustifiables qu’ils sont restés inexpliqués. Que ces « sans vergogne » se souviennent que ces citoyens-là refuseront de porter leurs suffrages sur le nom de quiconque n’aurait pas su faire preuve d’intégrité. Nous y voilà, leur passé à eux, les rattraperait sans aucun doute et c’est nous qui en pâtirions. Nous repentant après coup de les avoir choisis, nous n’aurions que le temps de regretter notre vote jusqu’à la fois prochaine, faute d’avoir pris le temps de nous informer à propos d’eux. Malheureusement, de récentes initiatives me font craindre que nous n’ayons déjà repris le chemin !
Sachons donc repérer les opportunistes de tous poils ! Méfions-nous de strass et paillettes ! Préférons le fond à la forme ! N’oublions pas le rôle de la pacotille dans le commerce triangulaire. Non, la politique n’est pas un spectacle ! La bouffe, la musique et le sexe, sont-ce décidément nos seuls identifiants ?
Discriminés souvent à cause de notre couleur de peau, nous n’avons pas en plus, besoin de politiciens peu clairs et c’est un euphémisme, pour porter nos revendications. Ils ne feront qu’ajouter à notre mise à l’écart et à notre condition. Aucun de nous n’est sain mais, de grâce, gardons-nous d’en rajouter… cela suffit largement !
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