
Lors d'une rencontre avec les producteurs, distributeurs d'intrants et égreneurs, le chef de l'Etat béninois s'est dit prêt à tout mettre en œuvre pour régler progressivement les problèmes de la filière.
Cette rencontre, selon le chef de l'Etat béninois, vise à redonner l'espoir au monde rural, pour une croissance de l'économie béninoise.
Il y a quelques années, le Bénin occupait, avec une production de 300.000 tonnes de coton, le peloton de tête dans la sous région. Moins de dix ans après, le Burkina Faso, qui était à 100.000 tonnes, est passé à 700.000, au moment où le Bénin n'a fait que diminuer de moitié sa performance, a déploré le chef de l'Etat, indiquant que la chute de la filière a accru de 30% la pauvreté dans les zones de forte production.
"J'avais cru qu'il s'agissait de 4,5 milliards d'impayés et je m'étais dit que nous nous engagerons à vous les payer, maintenant qu'il s'agit de plus de 14 milliards, il va falloir réfléchir avec vous sur les stratégies à mettre en place pour faire décoller la filière", a-t-il indiqué.
Pour le chef de l'Etat, deux démarches s'imposent, la première qui consiste à observer une trêve sociale et à tout mettre en œuvre pour le démarrage sans délai de la campagne 2006-2007 et la deuxième qui sera celle du volet organisationnel de la filière où l'accent sera mis sur l'application effective des réformes et décisions visant à la faire re-décoller.
"Nous ne vous trahirons pas, faites le nécessaire et nous nous occuperons du reste", a affirmé le président de la République, précisant qu'une réunion extraordinaire avec les ministres concernés sera convoquée samedi pour discuter de toutes les pistes à explorer afin de régler le problème, surtout en ce qui concerne les remboursements.
"Ce que vous attendez de l'Etat va se faire parce que l'éradication de la pauvreté passe par la restructuration du secteur agricole", a rassuré Boni Yayi.
"Si on ne redonne pas l'espoir au monde rural, la stratégie globale de faire du Bénin un pays émergent s'écroule", a averti le nouveau chef de l'Etat béninois.
M. Léopold Lokossou, président de la Fédération des unions des producteurs (FUPRO), a expliqué que depuis trois ans, les producteurs ont enregistré des impayés de plus de 14 milliards dont 1,6 milliard dus depuis 2003-2004 par la société Marlans Cotton Industries (MCI, appartenant à un proche de l'ancien chef de l'Etat), 4,6 milliards de FCFA dus par l'Etat au titre des subventions pour la campagne 2004-2005 et en 2005-2006, tandis que la Société nationale pour la promotion agricole (SONAPRA) doit près de 3,8 milliards.
"La campagne qui s'annonce pourrait enregistrer une production record de coton de 500.000 tonnes si et seulement si toutes les dettes sont payées", a indiqué ce représentant des producteurs qui prend l'engagement de mobiliser ses pairs pour hisser le Bénin au peloton de tête de la sous-région à condition que les autorités prennent leurs dispositions.
Zorro Bouagui Séro, président de l'Association nationale des producteurs de coton (ANPC), a déploré de son côté le fait qu'au Bénin, "le producteur est le maillon le plus faible de la filière".
"Si rien n'est fait dans un mois, nous ferons le porte à porte pour demander aux producteurs de ne plus faire du coton", a menacé cet agriculteur originaire de Banikoara (une zone de forte production cotonnière).
Outre le remboursement des impayés, il a demandé aux autorité d'aider à mettre hors de la filière les "démarcheurs" qui ne produisent pas, mais jouissent du gros lot.
Pour M. Saley Imorou, président du groupement des distributeurs d'intrants, "tout ce qui empêche l'évolution de la production constitue un frein aux activités des distributeurs" qui fournissent les intrants à crédit un an à l'avance.
"Tant que les sommes dues aux producteurs ne sont pas payés, il n'y aura pas de motivation et la production en prendra un coup", a-t-il expliqué, invitant les nouvelles autorités béninoises à se pencher véritablement sur la filière.
Les égreneurs ne sont pas non plus épargnés par les problèmes de la filière, leur représentant a invité les autorités à redonner de l'espoir au secteur de la production cotonnière.
Bien que le pays ait enregistré au cours de la campagne écoulée un record de 428.000 tonnes contre 330.000 tonnes en 2004, la filière est confrontée à diverses difficultés qui, si rien n'est fait dans l'immédiat, risquent, de l'avis des spécialistes de faire chuter la production à 190.000 tonnes.
Plusieurs années après le désengagement de l'Etat de la filière, celle-ci est confrontée à des difficultés dont la mésentente entre les égreneurs sur la répartition du coton-graine, du fait d'une forte surcapacité d'égrenage (585.000 tonnes de capacité pour une production estimée à 350.000 tonnes), de même que le non respect, par certains acteurs, des règles de fonctionnement adoptées par l'interprofession.
Les aléas climatiques (non-maîtrise de la pluviométrie), les contestations régulières des résultats des appels d'offres pour la sélection des distributeurs d'intrants, la mauvaise gestion de certaines organisations paysannes entraînant la remise en cause de la caution solidaire, sont autant de facteurs endogènes qui ne permettent plus au Bénin, pourtant bien arrosé, d'atteindre la production des pays sahéliens tels que le Burkina Faso et le Mali qui en est déjà à 600.000 tonnes. |