
Pour des pays pauvres comme le Mozambique, atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), "est une question de vie ou de mort et pas seulement d'économie", a averti, mardi, l'économiste de renom, Jeffrey Sachs.
Les OMD, approuvés par presque tous les pays du monde lors du sommet du millénaire de l'ONU en 2000, visent, en autres, à réduire de moitié la pauvreté extrême, à renverser la propagation du SIDA, à réduire la mortalité infantile de deux tiers et la mortalité maternelle de trois quarts et à garantir un cycle complet d'enseignement primaire pour tous les enfants.
Mais les pays riches n'ont pas encore augmenté les ressources nécessaires à la réalisation de ces objectifs et, au rythme actuel, plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ne vont pas atteindre les OMD d'ici la date butoir de 2015.
Les objectifs du millénaire "ne concernent pas seulement de PIB", a déclaré M. Sachs, conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU Kofi Annan sur les OMD, lors d'une réunion publique à Maputo.
"Ils portent sur la mortalité infantile, le fait de savoir si ces enfants meurent du paludisme, s'ils sont suffisamment en bonne santé pour aller à l'école et jouer un rôle dans l'économie du 21ème siècle.
M. Sachs s'est déclaré convaincu que des pays comme le Mozambique, avec un niveau de gouvernance raisonnable et un cadre politique solide en place, pouvaient atteindre les OMD, mais que cela nécessitera des investissements dans l'agriculture, le secteur où la plupart des pauvres travaillent.
La principale différence entre l'Asie et l'Afrique, a-t-il soutenu, est que l'agriculture asiatique est beaucoup plus productive, à cause de la révolution verte -une révolution qui, à ses débuts, avait nécessité d'importantes subventions de l'Etat aux agriculteurs.
Mais en Afrique, "la révolution verte ne s'est pas faite", a affirmé M. Sachs, en grande partie "parce qu'il y a 20 ans la Banque mondiale a commencé faire campagne contre les subventions pour l'agriculture. Ils vous ont demandé de laisser faire le marché. Mais le marché n'a jamais conduit à une révolution verte".
M. Sachs s'en est pris au "fondamentalisme du marché" qui disait "pas de subventions ! Réduisez la taille du secteur public!"
"L'hypothèse était que si le gouvernement se désengageait de l'agriculture, alors le marché entraînerait une hausse de la productivité", a-t-il expliqué. "Je pense que si vous menez une expérience pendant 20 ans et qu'elle ne marche pas, alors il faut arrêter".
M. Sachs a estimé qu'il y avait des signes prometteurs d'un changement d'approche de la Banque mondiale et du FMI. Au cours d'une réunion organisée récemment à Abuja, les dirigeants africains ont proposé des subventions pour les intrants tels que l'engrais afin de permettre aux plus démunis de sortir du piège de la pauvreté. Le FMI et la Banque mondiale sont prêts à soutenir ce projet.
Le deuxième élément important après l'agriculture, selon M. Sachs, est la santé. Il existe des technologies éprouvées et simples à appliquer pour faire face aux maladies mortelles. La plus simple est la moustiquaire imprégnée. Si chaque enfant d'Afrique dormait sous ce genre de moustiquaire, la mortalité et la morbidité dues au paludisme reculeraient de façon spectaculaire.
Une bonne moustiquaire dure cinq ans avant de devoir être réimprégnée d'insecticide. Elle coûte cinq dollars et deux enfants peuvent dormir dessous. M. Sachs a estimé que c'était une très bonne affaire : une vie d'enfant pour 50 cents par an.
Mais il s'est élevé contre la politique consistant à tenter de vendre les moustiquaires. "On ne pas s'attendre à ce que de gens qui n'ont pas les moyens achètent des moustiquaires", s'est-il exclamé. "Il faut les distribuer gratuitement, pas les vendre. Le marketing social, ça suffit!"
Certains pensent que le Mozambique n'a pas "la capacité d'absorption" de recevoir une aide supplémentaire. "Mais, est-ce si difficile d'absorber une moustiquaire", s'est demandé M. Sachs.
Il a souligné qu'il y avait eu des campagnes de distribution gratuite des moustiquaires tout à fait réussies dans certains pays de l'Afrique de l'Ouest. Le gouvernement du Niger a distribué des moustiquaires à 70 pour cent de la population en une semaine.
Même si la réalisation des OMD nécessite des milliards de dollars, M. Sachs a insisté sur le fait que ces coûts "sont très faibles" comparé à ceux engendrés par le fait de ne pas atteindre les OMD. On ne peut pas se permettre de ne pas les atteindre. Nous sommes dans un monde très dangereux et ceci est particulièrement vrai quand on est pauvre". |