
Alors que le projet de loi sur la presse est encore en étude sur la table du président de la République, des voix s'élèvent déjà pour dénoncer le caractère "liberticide" de ce texte qui, selon les hommes de médias, ne va pas favoriser l'éclosion de la presse au Cameroun.
L'étude et l'adoption du projet de loi sur la presse déposé sur la table des députés par le ministre de la Communication n'a pas fait l'objet de l'attention des députés puisque les parlementaires ont pris congé de l'hémicycle sans se pencher sur ce dossier.
Un responsable du ministère de la Communication qui a requis l'anonymat a confié à la PANA que le projet de loi a été retiré et déposé à la présidence de la République où le chef de l'Etat devra l'étudier avant de le renvoyer pour adoption à l'Assemblée nationale.
En fait, ledit projet de loi avait fait l'objet de modifications à la suite d'une concertation entre les professionnels des médias et les responsables du ministère de la Communication au mois de mai dernier à Yaoundé.
Selon Prince Mpondo, journaliste à Ariane Télévision (ATV) et membre d'une commission, les conditions de travail des journalistes au Cameroun, en particulier ceux de la presse privée, ne sont pas toujours des plus reluisantes, parce qu'ils perçoivent les salaires les plus dérisoires, comparativement aux efforts qu'ils fournissent.
Par ailleurs, les journalistes reconnaissent le mérite de la loi de 1990, notamment en son article 7 qui a concouru à la libéralisation du secteur d'où la création d'une panoplie de journaux, même si le contenu ne respecte pas toujours l'éthique et la déontologie de la profession.
Casimir Désiré Tagne, directeur de publication du "Jeune enquêteur", pense que la loi de 90 avait quelques avantages, parce qu'elle a permis la création de près de 10 000 titres, ayant paru au moins une fois, et une quinzaine de titres, paraissant plus ou moins régulièrement.
Seulement, il estime que cette loi portait en elle les germes de sa propre destruction, parce qu'elle donne par exemple, les pleins pouvoirs à une autorité politique locale d'interdire la parution d'un journal dans sa circonscription, si ce dernier publie un article compromettant.
"Nous croyons que les problèmes de la presse camerounaise sont connus et simples, même si le gouvernement feint de les ignorer et pour cela nous attendons que la nouvelle loi intègre une subvention objective pour les entreprises de presse étant donné qu'elles rendent un service public au même titre que la presse publique et les établissements scolaires" suggère-t-il.
Il argumente qu'au même titre que le médecin ou le maçon, le journaliste peut faire des erreurs et cela ne mérite pas les peines qui lui sont tout le temps infligées.
Pour ce faire, il souligne la nécessité de dépénaliser les délits de presse et surtout de les enlever du code pénal pour les ramener dans la loi sur la communication.
Pour sa part, Janvier Njikam, coordonnateur régional du Centre, Est et Sud du Syndicat national des journalistes employés du Cameroun (SNJEC), souligne que l'ancienne loi sur la communication n'avait pas pris de dispositions particulières pour la création des entreprises de presse et même pour l'exercice du métier.
"C'est pour cela que les directeurs de publication ne voient pas la nécessité de faire de leurs organes de presse de véritables entreprises qui payent régulièrement et convenablement les salaires, de reverser les cotisations à la prévoyance sociale pour préparer la retraite de leurs employés, de prendre en charge les congés et les frais médicaux des journalistes", indique-t-il.
Or, des dispositions ont été prises pour que les entreprises de presse, le gouvernement et les journalistes signent une convention collective en vue d'améliorer les conditions de travail de ces derniers.
Seulement, la signature du projet de convention collective va se heurter au refus des directeurs de publication qui exigent au préalable que les pouvoirs publics mettent en application l'Accord de Florence pourtant ratifié par le Cameroun.
Selon François Feutsap, directeur de ATV, ces dispositions vont permettre aux directeurs des entreprises de presse de tirer de meilleurs profits de leurs activités, parce qu'elles vont soutenir la répartition de la redevance audio-visuelle, exonérer des taxes les matériels de productions des journaux et des programmes audio-visuelle, assainir la profession et surtout, redonner à la profession ses lettres de noblesse.
M. Njikam affirme, par ailleurs, que la lenteur des pouvoirs publics à délivrer des agréments d'exploitation des entreprises audio-visuelles n'est pas de nature a favoriser l'épanouissement de la presse dans le pays.
Il souhaite que la nouvelle loi traite de ces questions, de même qu'elle devra accorder plus de pouvoirs au Conseil national de la communication pour que cette structure décide également sur l'attribution ou non des licences d'exploitation des entreprises audio-visuelles. |