
L'intransigeance des Soudanais et de leurs autorités à ne pas accepter le déploiement des troupes onusiennes au Soudan en remplacement des forces africaines de maintien de la paix inquiète au plus haut niveau le président sénégalais Abdoulaye Wade qui joue le rôle de facilitateur dans cette région pour la résolution des conflits qui y sévissent.
De retour, mardi, d'une mission au Soudan où il a effectué une visite au Darfour, le chef de l'Etat sénégalais a émis le souhait de trouver une solution au problème du passage des forces de la Mission de l'Union africaine au Soudan (AMIS) aux Nations unies avant fin septembre.
"Si les Soudanais persistent dans leur refus d'accepter les forces onusiennes et que les Nations unies maintiennent la nécessité d'envoyer une force de maintien de la paix au Soudan, nous irons inéluctablement vers la confrontation. L'embargo contre le Soudan pourrait se maintenir et même se renforcer, des sanctions comme l'interdiction de voyage contre le président Béchir et certaines personnalités du pays pourraient être prises", a fait remarquer le président Wade.
Le chef de l'Etat sénégalais a souligné que des personnalités africaines ont même avancé l'idée d'un jugement, devant des tribunaux internationaux, de certaines personnalités soudanaises pour "génocide" et le gel de leurs avoirs et de toute transaction financière du Soudan vers l'extérieur.
Abdoulaye Wade en a appelé ainsi à plus de sagesse surtout de la part des autorités soudanaises pour éviter la confrontation avec les Nations unies qui en ajouterait à la souffrance des populations du Soudan en général et du Darfour en particulier en proie à une rébellion armée qui a fait plusieurs milliers de morts et plus d'un million de déplacés à l'intérieur du Soudan et vers des pays voisins comme le Tchad.
Mais, l'espoir ne semble pas être très grand de voir de sitôt les forces onusiennes se déployer au Soudan, puisque, dans l'imagerie populaire, les Nations unies sont confondues avec les Etats-Unis et leur acceptation au Soudan équivaudrait à reproduire le même scénario qu'en Irak.
"Une vaste campagne est menée au Soudan dans ce sens auprès des populations qui en ont été très sensibles au point de menacer de tirer sur des casques bleus qui débarqueraient au Darfour. La situation est très sérieuse et suffisamment compliquée qu'elle nécessite l'implication totale et entière des pays africains à prendre en charge les besoins en hommes et en moyens financiers du Soudan", a indiqué Me Wade.
Pour cela, il a invité les "Africains" à contribuer dans l'augmentation des troupes au Soudan et au financement de l'opération de maintien de la paix dans ce pays.
"La paix se paie et si nous voulons y arriver, nous devons mettre le prix au lieu de continuer à chercher chez les autres ce que nous pouvons parfaitement faire nous-mêmes. Il est également inadmissible de toujours laisser à quelque quatre pays africains notamment le Nigeria, l'Afrique du Sud, l'Algérie et l'Egypte, de prendre en charge les besoins humains et surtout financiers du continent. Si nous avons la volonté, nous avons parfaitement la possibilité de réunir 250 millions de dollars représentant le reliquat des 400 millions de dollars dont les forces africaines ont besoin au Soudan", a souligne Me Wade.
On rappelle que selon des évaluations faites par l'Union africaine, il faut 14.000 hommes au Soudan, or les forces africaines sont actuellement au nombre de 6.879 hommes au Darfour dont 1.425 policiers.
L'AMIS a besoin également de 400 millions de dollars pour l'entretien de ses troupes. Mais, les fonds disponibles ne couvrent pas les besoins au-delà de fin septembre. Des pays occidentaux comme la France, les Etats-Unis et le Canada ont promis de financer cette opération en prenant en charge la totalité des besoins. Mais à condition que le passage se fasse rapidement entre forces africaines et forces onusiennes.
Dans le cas contraire, ils menacent de se retirer et par conséquent ouvrir la voie à de possibles sanctions internationales contre le Soudan et au renforcement de celles déjà existantes comme l'embargo imposé au pays depuis plusieurs années.
Pour éviter d'en arriver là, le Sénégal qui déjà 622 hommes au Darfour auxquels il promet d'ajouter 383 pour compléter son effectif à 1.000 hommes, propose à la place des forces onusiennes, le déploiement des militaires des pays membres de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD) dont le Soudan est membre.
Selon Abdoulaye Wade, l'idée a été acceptée par le président soudanais Omar Hassan El Béchir mais elle reste à l'étude.
"Mon sentiment est que les deux mouvements rebelles, qui n'ont pas encore signé les accords de paix d'Abuja du 6 mai dernier, doivent le faire le plus rapidement possible tandis que les pays africains doivent financer l'opération. Si cela est fait, nous n'aurons plus besoin de troupes étrangères au Soudan et des éléments d'une paix durable seront mis en place qu'il faudra consolider et appliquer", a indiqué le président sénégalais.
Abdoulaye Wade a, par ailleurs, souligné qu'il a invité à Dakar les leaders des deux mouvements rebelles qui n'ont pas signé les accords.
Il s'agit de la deuxième faction de l'Armée de libération du Soudan (ASL) dirigée par Abdul Wahid Noor et du Mouvement pour l'égalité et la justice (JEM). |