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Le Kényan Samuel Kobia
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Le Monde |
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Fumée blanche dans la cité de Calvin à Genève. Pour la première fois, un Africain a été élu, jeudi 28 août, à la tête du Conseil œcuménique (COE), qui fédère 341 Eglises protestantes, anglicanes, orthodoxes. Le pasteur méthodiste Samuel Kobia, du Kenya, succède à Konrad Raiser, pasteur luthérien allemand, secrétaire général pendant onze ans d'une organisation qu'il a sauvée du naufrage financier et de turbulences provoquées, en particulier, par la renaissance des Eglises orthodoxes après la chute du communisme.
Même serré, le choix du pasteur Samuel Kobia, élu par 78 voix lors du comité central du COE, est celui de l'alternance. Pour la première fois, deux candidats étaient en lice, mais son rival, Trond Bakkevig, pasteur luthérien de Norvège, qui a obtenu 52 voix, avait un profil trop voisin du "patron" sortant pour espérer s'imposer. C'est le choix d'un continent africain où les Eglises membres du Conseil (le quart des 500 millions de croyants représentés) sont souvent actives dans les luttes pour la justice, la démocratisation et la paix. Nelson Mandela s'était rendu à Genève pour remercier les Eglises du COE de leur constant soutien à la lutte contre l'apartheid. C'est enfin le choix de l'hémisphère Sud, où la population chrétienne est désormais plus nombreuse que celle du Nord.
Une page nouvelle s'ouvre dans l'histoire du mouvement œcuménique, mais les obstacles demeurent. Dans les années 1960, le Conseil de Genève jouait un rôle moteur dans le rapprochement des Eglises séparées. C'était l'époque faste de la levée des excommunications mutuelles, des accolades de paix entre le pape et le patriarche orthodoxe de Constantinople ou l'archevêque anglican de Canterbury.
INITIATIVES LOCALES
Les crispations confessionnelles ont repris le dessus. Les Eglises orthodoxes de l'Est et du Proche-Orient se disent indisposées par le style trop libéral et occidental du COE. Deux d'entre elles (Géorgie et Bulgarie) ont claqué la porte. A l'œuvre depuis trois ans, une commission spéciale vient de surmonter la crise lors d'un sommet à Salonique (Grèce), mais le malaise d'une orthodoxie minoritaire au sein d'un organisme où des Eglises protestantes ordonnent prêtres des femmes et des homosexuels est loin d'être dissipé. Par ses rappels à l'ordre doctrinaux (le document Dominus Jesus du cardinal Ratzinger en l'an 2000 ou l'encyclique de Jean Paul II condamnant les "intercommunions"), le Vatican ne facilite pas non plus la collaboration. L'Eglise catholique boude toujours un organisme fédérateur comme le COE, dans lequel elle craint d'être à égalité avec les autres et avec lequel elle ne coopère que partiellement.
Sous le mot de "reconfiguration", le Conseil œcuménique des Eglises cherche donc sa place. Les initiatives locales de collaboration entre Eglises sont plutôt en hausse en Amérique latine, au Proche-Orient, en Afrique, en Asie, y compris à Bruxelles où elles représentent un "lobby" auprès de la Commission européenne. Mais comment bâtir une nouvelle architecture qui garantirait un "espace" à ces initiatives décentralisées et permettrait en même temps de relancer, au niveau mondial, le dialogue entre les Eglises et, au-delà, entre les différentes religions ?
L'ex-secrétaire général Konrad Raiser, pendant onze ans, aura ouvert des voies. Mais c'est à son successeur, qui connaît par cœur les rouages du COE, qu'il appartiendra de réussir cette nouvelle alchimie et de remobiliser les Eglises membres sur un objectif œcuménique qui ne semble plus faire partie de leurs priorités.
D'après Le Monde |