
Au Cameroun, les personnes âgées, qui étaient considérées, il n'y a guère longtemps, comme des trésors au sein de leurs familles et de la société, sont devenues des parias qui peuplent les centres d'accueil, lorsqu'elles ne sont pas tout simplement logées dans les coins des rues de nos métropoles.
Selon les statistiques du Fonds des Nations unies pour la Population (FNUAP), plus d'un milliard de la population du monde aura plus de 60 ans en 2025 et cette proportion pourrait doubler en 2050.
L'Afrique subsaharienne, qui ne compte actuellement que 5 pour cent de personnes du troisième âge, sera la partie du monde la plus touchée par le phénomène, selon les mêmes statistiques.
Au Cameroun, d'après les experts, les progrès scientifiques ont amené la proportion de la population de plus de 60 ans à près de 6 pour cent et d'ici 2025, cette proportion va passer à 11 pour cent.
Paradoxalement, reconnaît le Pr Evina, enseignant d'université, à cause des mutations socio-économiques qu'a connues le monde, la personne âgée a perdu le rôle privilégié qui était le sien dans la société.
Les progrès de la science ont rallongé la durée de vie des populations camerounaises et les vieux, qui étaient jadis une espèce rare, sont de plus en plus nombreux dans les familles, relève-t-il, ajoutant que malgré l'expérience qu'il accumule avec l'âge, la personne du troisième âge est difficilement acceptée par les siens qui lui refusent même le rôle qu'elle a obtenu par ses propres efforts.
Papa Antoine, 75 ans, estime que le problème des vieillards est la conséquence de l'ouverture du pays au mode de vie des Occidentaux. "Il n'est pas normal qu'un parent vive hors de la cellule familiale parce que son fils ou sa fille veut satisfaire ses petits-fils qui le trouvent encombrant", souligne-t- il, rappelant que la solidarité de nos ancêtres voulait que toute personne âgée bénéficie de l'attention de toute la contrée, même si cette personne n'a pas procréé.
Le spectacle est simplement désolant aujourd'hui dans certaines maisons d'accueil où les vieillards réclament la chaleur familiale.
Depuis la création en 1985 du centre Béthanie Viaca, situé dans la banlieue de Yaoundé, 250 personnes âgées y sont passées, affirme soeur Marie-Joseph, responsable du centre.
Cependant, les pensionnaires ne répondent pas souvent aux conditions d'admission initialement établies et selon lesquelles le centre n'encadrerait que des vieillards sans enfants ou abandonnés.
Mais aujourd'hui, beaucoup de personnes y viennent abandonner leurs parents, évoquant le manque de temps matériel pour s'en occuper.
"Une fois le parent abandonné, on ne voit plus les enfants qui, au départ, promettent d'assurer les frais d'entretien et de nutrition. Parfois, lorsque celui-ci décède, nous sommes obligées de faire des pieds et des mains pour l'inhumer", se plaint soeur Marie-Jospeh.
Au centre Louise Marillac de Nsimalen, situé à une trentaine de kilomètres de Yaoundé, la responsable, soeur Santamaria, estime que les vieillards sont des personnes qui ont beaucoup donné à la société et doivent bénéficier de l'attention de celle-ci.
"Il ne faut pas considérer les agissements des personnes âgées comme des caprices, mais comme l'expression de tout le travail qu'ils ont fourni, car certains passent le temps à repasser le film de leur vie", tente-t-elle d'expliquer.
Mais le Pr Evina, pour sa part, affirme que la question des personnes âgées ne doit pas incomber aux familles et aux religieux seuls.
Selon lui, il faut définir une politique appropriée et l'appliquer rigoureusement pour que le Cameroun évite des surprises désagréables en 2050, lorsque la tendance sera inversée, avec une population vieillissante qui risque de prendre le dessus sur la jeunesse.
Les autorités en charge des questions des personnes âgées assurent cependant que le Cameroun est déjà conscient de la situation et a pris les dispositions conséquentes à travers la création des structures comme le Fonds de solidarité nationale, notamment. |