
Une personne vient de décéder à Abidjan, portant à huit le nombre de morts par intoxication depuis le déversement, le 19 août dernier dans le district d'Abidjan, de déchets hautement toxiques, a appris la PANA dans la capitale économique ivoirienne de source médicale.
Le Dr Jacques Cissoko, président de la commission "médicaments" du comité interministériel mis en place au lendemain du drame et responsable du Service d'aide médicale d'urgence (SAMU), a révélé que ses services ont enregistré 68 hospitalisations et 77.776 consultations à la date du 25 septembre.
La découverte de nouveaux sites et de nouvelles caches, comme cette boulangerie de la commune populaire d'Abobo, a installé une véritable psychose au sein des populations du district, qui multiplient les comités et brigades de surveillance avec tous les risques de débordements qu'une telle initiative peut engendrer.
C'est ainsi que le conducteur d'un camion-citerne de 35.000 litres et son apprenti ont été sévèrement tabassés et leur véhicule pillé lundi après-midi dans la commune d'Abobo. Un camionneur, qui était venu lui prêter main forte, a subi le même sort. Son véhicule a été également saccagé. Non loin de là, un troisième camion-citerne, sans doute incendié plus tôt, dégageait d'épaisses volutes de fumée.
Dans la même journée, les habitants de Vridi canal, l'un des quartiers où ont été déversés les déchets toxiques, ont érigé des barricades et brûlé des pneus face aux forces de l'ordre qui les empêchaient de brûler un camion qu'ils suspectaient de transporter les produits incriminés.
Profitant du climat d'insécurité et de peur qui règne dans la capitale économique, de nombreux jeunes désoeuvrés ont trouvé un nouveau fonds de commerce avec la chasse aux "camions suspects". Ils érigent des barrages dans les quartiers et se livrent parfois à un véritable racket sur les camionneurs qui n'osent plus s'aventurer dans certaines zones.
Ces violences en cascade, qui interviennent après le passage à tabac, le 15 septembre dernier, de l'ex-ministre des Transports Anaky Kobenan, battu au sang, ainsi que le pillage et l'incendie de la somptueuse résidence de Marcel Gossio, le directeur général du port, indiquent que le calme ne va pas s'installer de sitôt.
En dépit des messages de sensibilisation du gouvernement destinés aux populations et de la mise sur pied de pas moins de cinq commissions d'enquête, sans oublier l'audition télévisée en direct, depuis le Parlement, des responsables du Port, des Douanes et du district d'Abidjan, les Abidjanais refusent de baisser la garde et continuent d'exiger que "toute la lumière soit faite autour de cette affaire, afin que tous les coupables paient".
En ce qui concerne l'élimination de la pollution, le gouvernement du Premier ministre Charles Konan-Banny a pris le taureau par les cornes, en signant notamment un contrat de près de 7 milliards de FCFA avec legroupe français Séché, via sa filiale Trédi, qui va procéder aux opérations de nettoyage des déchets toxiques.
L'opération, qui a commencé le 19 septembre dernier, devrait se poursuivre sur une période de six à huit semaines, selon des estimations concordantes données par le groupe et les experts des Nations unies.
Mais les Abidjanais, qui ont sans doute échappé à la pire catastrophe écologique de leur histoire, restent, dans leur majorité, dubitatifs. Ils attendent impatiemment de respirer à nouveau l'air relativement pur qui flottait jusque-là sur les bords de la lagune Ebrié.
Pour l'heure, ils vivent des heures difficiles, avec notamment l'entassement des ordures ménagères jusque dans les principales rues de certaines communes et même aux abords des marchés ou des postes de Santé du fait de la fermeture de toutes les décharges contaminées par le déversement des déchets toxiques.
En ces temps de fortes pluies, ces montagnes d'immondices, qui s'élèvent un peu partout à travers le district, couvertes de nuées de grosses mouches vertes, vont constituer le terreau fertile sur lequel le choléra et les autres maladies liées à l'insalubrité risquent de se développer.
Et comme s'ils n'avaient pas assez d'ennuis comme cela, les habitants de la capitale économique, toujours en proie à la psychose de la contamination, se refusent désormais à consommer du poisson, la salade et d'autres légumes, voire de viande au grand dam de la gent commerçante dont les activités sont aujourd'hui pratiquement au point mort.
Le programme de sensibilisation du gouvernement relatif à la sécurité sanitaire des denrées animales et produits halieutiques, combiné à la prise de diverses mesures de protection comme l'interdiction de pêche sur les plans d'eau lagunaire, la surveillance et la destruction de tout produit halieutique provenant de cette lagune, ainsi que la surveillance active des abattoirs, etc., a plongé les consommateurs ans l'émoi. |