
L'universitaire français, Jacques Chevrier, a estimé, samedi à Paris, que les écrivains africains n'ont jamais produit autant d'oeuvres littéraires que ces derniers temps.
"Ce niveau de production montre la bonne santé de cette littérature. Il fait mentir ceux qui, comme Albert Memmi dans le Portrait du Colonisé, disaient que la littérature africaine était condamnée parce qu'elle produisait en langues étrangères", a-t-il déclaré lors d'un entretien accordé à la PANA.
M. Chevrier, qui dirige la chaire de Littérature africaine à l'université de la Sorbonne à Paris, a qualifié la littérature africaine de "vivante", affirmant qu'elle inscrit son évolution dans une dialectique de "continuité et de rupture".
"Nous sommes face à une littérature vivante qui produit beaucoup et dont les évolutions sont inscrites dans une démarche dialectique. La continuité est assurée parce que les écrivains africains ne se renient pas. Ils n'évacuent pas leur culture, leur langue pour dire je jette tout à la mer et je passe à autre chose", a expliqué l'universitaire français.
"Je note une certaine rupture parce qu'aujourd'hui l'écrivain africain est davantage engagé dans un exercice de poétique, de création littéraire. Il ne se soucie plus, comme auparavant, d'avoir un engagement politique. Il n'est plus sur le registre du Guinéen Thierno Monenembo qui disait qu'il avait commencé à écrire pour survivre", a-t-il poursuivi.
Abordant la thématique actuelle des oeuvres africaines, M. Chevrier a estimé que les écrivains africains utilisent "une écriture décentrée" par rapport à leur terre natale.
"L'exil, qu'il soit douloureux ou productif, est présent dans la littérature africaine. Certains, comme Thierno Monenembo, le valorisent en expliquant que l'exil leur a permis d'écrire librement. D'autres le mettent moins bien en avant. L'écrivain a besoin de prendre de la distance par rapport à son pays d'origine. L'exil, d'une certaine façon, permet cette mise à distance", a argumenté l'universitaire français.
Selon lui, la récurrence de certains thèmes dans la production littérature africaine de ces derniers mois conforte l'idée d'une certaine "migritude".
"La migritude est un néologisme que j'ai créé pour mieux traduire la thématique des oeuvres africaines centrée sur la situation et la vie d'exilé, les problèmes d'immigration, de retour au pays natal. Tout cela définit une configuration provisoire et conforte l'idée d'une bonne santé de la littérature africaine", a encore dit Jacques Chevrier.
Après avoir publié en 1981, la première Anthologie de la littérature africaine Jacques Chevrier avait introduit l'enseignement des oeuvres littéraires africaines à la prestigieuse université parisienne de la Sorbonne.
Il avait auparavant enseigné à l'Ecole normale supérieure de Bamako, au Mali, dans le cadre de l'assistance technique française. |