
L'ancien Premier ministre ivoirien Alassane Dramane Ouattara, leader du Rassemblement des républicains (RDR, opposition libérale), préconise la mise à l'écart du président Laurent Gbagbo, et la création d'un Conseil présidentiel, composé de lui-même, du président Laurent Gbagbo, de l'ancien président Henri Konan Bédié et du leader de l'ex-rébellion Soro Guillaume, pour assurer la période de transition qui pourrait s'ouvrir après le 31 octobre prochain.
"Pour tenir compte des blocages répétitifs du processus de paix par les pouvoirs que s'est toujours arrogés le chef de l'Etat, et pour mettre les principaux candidats éventuels à égalité vis-à-vis des électeurs, nous préconisons la mise en place d'un Conseil présidentiel (...) dont la présidence sera assurée par rotation par les présidents jusqu'à l'organisation de l'élection présidentielle", plaide notamment M. Ouattara, dans un mémorendum diffusé par la presse, ce jeudi à Abidjan.
"Ce Conseil présidentiel sera non seulement une instance de concertation permanente, mais aussi un cadre de contrôle de l'action du Premier ministre. Au cas où il ne réussirait à prendre une décision consensuelle, le Groupe de médiation au sein du Groupe de travail international doit être saisi pour trancher. Il est bon que ce Groupe en charge de la médiation joue pleinement son rôle dans le nouveau mécanisme de sortie de crise", précise l'ancien Premier ministre de feu le président Félix Houphouet-Boigny.
Concernant précisément les attributions du Premier ministre dans le schéma ainsi défini, le document indique qu'il bénéficiera de tous les pouvoirs de l'Exécutif dévolus au chef de l'Etat, pour la mise en oeuvre "rapide et équitable" de la feuille de route, sous la supervision du Conseil présidentiel.
"En clair, précise M. Ouattara, c'est au Premier ministre qu'il reviendra de présider les Conseils des ministres, de nommer aux emplois civils, militaires et judiciaires, de prendre des décrets et des décrets-lois, en raison de l'expiration du mandat des députés depuis le 16 décembre 2005".
"Détenteur du pouvoir exécutif, le Premier ministre ne pourra être candidat à aucune élection pendant ls cinq ans à venir, même en cas de démission au cours de la transition", souligne le document.
Mais la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif institutionnel passe nécessaire par la suspension de la Constitution ou de certains de ses articles, comme le souligne le leader du RDR, qui estime que le maintien de la Loi fondamentale ivoirienne "représente une menace sérieuse à l'application des accords et au respect des résolutions de l'ONU".
"Il faut prendre la décision courageuse de suspendre la Constitution, en raison de la confuson savamment entretenue et des pouvoirs exhorbitants que la Loi fondamentale confère au chef de l'Etat. Car, il n'est pas sain que le chef de l'Etat, candidat à la prochaine élection présidentielle, qui ne jouit d'aucune légitimité, continue de se prévaloir de la Constitution pour confisquer le pouvoir et bénéficier d'un traitement de faveur par rapport aux autres prétendants à la magistrature suprême", plaide notamment l‘ancien Premier ministre.
Parmi les autres "propositions concrètes de sortie de crise" formulées par le président des Républicains, figurent notamment la poursuite des audiences foraines, avec la délivrance des jugements supplétifs et des certificats de nationalité, la mise sur la touche de l'Assemblée nationale, la réaffirmation des prérogatives de la Commission électorale indépendante (CEI) sur l'ensemble du processus électoral, le renforcement du rôle du Haut-représentant en charge des élections, la mise en place d'un état-major intégré sous l'autorité du Premier ministre, la suppression des structures d'exception de sécurité et le désarmement et le démantèlement des milices et groupes para-militaires.
A l ‘instar des autres leaders du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP), M. Ouattara fait du rôle de la Radio télévisisionivoirienne (RTI), l'un des enjeux essentiels de la bonne application de la feuille de route et, surtout, de la période électorale, et demande, par conséquent, le "traitement équitable de l'information et de l'utilisation des médias publics".
"Nul ne peut nier la lourde responsabilité de certains médias dans les évènements que connaît la Côte d'Ivoire depuis plusieurs années. Les médias de service public, à savoir la télévision et la radio nationale et Fraternité matin, ont servi de caisse de résonnance à l'idéologie du pouvoir en place et ont été les principaux vecteurs de la haine, de la xénophobie et de l'intolérance. Ils ont ainsi contribué à exacerber les tensions et à aggraver la fracture sociale, souvent avec le soutien des instances de régulation", déplore l'ancien Premier ministre.
Enfin, pour permettre à la nouvelle transition de suivre normalement son cours jusqu'à la tenue d'élections libres, transparentes et ouvertes à tous, le leader du RDR exhorte les Nations unies à appliquer les sanctions ciblées aux "personnes civiles ou militaires, notamment celles qui se sont rendues responsables de graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, ainsi qu'aux personnes qui incitent à la haine et à la violence". |