
La tendance générale qui se dégage de la presse ivoirienne à la suite du récent sommet d'Addis-Abeba est que le président Laurent Gbagbo a perdu la partie compte tenu du fait que l'Union africaine a rejeté la quasi-totalité des propositions du Plan de sortie de crise du camp présidentiel.
D'un autre côté, les dirigeants africains ont accédé, au moins partiellement, aux requêtes de l'opposition civile et armée portant notamment sur le renforcement des prérogatives du Premier ministre de transition Charles Konan-Banny.
Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) a en effet décidé de proroger d'un an le mandat du chef de l'Etat ainsi que celui du Premier ministre du gouvernement de transition, dont les pouvoirs seront sensiblement renforcés.
"Addis-Abeba: le plan du FPI à la poubelle, Gbagbo perd le pouvoir", exulte littéralement "Le Patriote", quotidien proche du Rassemblement des républicains (RDR, opposition libérale) de l'ancien Premier ministre Alassane Dramane Ouattara.
"Une nouvelle ère s'ouvre pour la Côte d'Ivoire. Il aura fallu Addis- Abeba pour trancher. Désormais, les choses seront claires. Les chefs d'Etat et de gouvernement dont les pays sont membres du Conseil de paix et de sécurité de l'UA ont décidé de confier la transition à Charles Konan-Banny", avance le journal qui décrète que "Laurent Gbagbo règnera désormais sans gouverner".
Même son de cloche au quotidien indépendant "Nord-Sud", qui titre: "Après la CEDEAO, Gbagbo dépouillé à Addis-Abeba; Banny signe les décrets, Mbeki éjecté du dossier ivoirien".
"La 64ème session du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine aura été celle de la fin des illusions pour Laurent Gbagbo. Au terme du huis clos des chefs d'Etat, il a été décidé de l'effeuiller complètement de ses pouvoirs et de transférer la substance des prérogatives de l'Exécutif à la Primature", rapporte notamment l'envoyé spécial du journal.
"Gbagbo chef d'Etat 'floco' (ndr: expression de l'argot ivoirien qui veut dire insignifiant), raille, pour sa part, "Le Nouveau Réveil", quotidien proche du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, l'ex- parti unique), qui claironne que "Banny a autorité sur toute l'armée" et qu'il "dirigera le pays par ordonnances et décrets-lois".
Le quotidien indépendant "24-Heures" ne dit pas autre chose qui écrit à sa une: "L'Union africaine donne de vrais pouvoirs au Premier ministre/Banny prend les décrets, Gbagbo perd sa plume".
Qualifiant le chef de l'Etat de "roi d'Eburnie" et Banny de "vrai patron", le journal indique que l'Union africaine a non seulement pris en compte l'ensemble des recommandations de la CEDEAO, mais qu'elle y a même apporté des clarifications sur le chapitre des pouvoirs du Premier ministre de transition.
"La déroute diplomatique de Gbagbo est tellement retentissante que son allié sud-africain a pris pour prétexte un siège de membre non permanent à pourvoir dans quelques semaines au Conseil de sécurité de l'ONU pour demander à être déchargé de ses fonctions de médiateur de l'Union africaine dans la crise ivoirienne", conclut-il enfin.
"Sommet d'Addis-Abeba: Banny arrache des pouvoirs à Gbagbo", titre sobrement "Soir-Info", un autre quotidien indépendant de la capitale économique, dont l'envoyé spécial précise que le Premier ministre pourra désormais nommer aux emplois civils et militaires, gouverner par ordonnances et décrets, mais avoir toute autorité sur les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) .
"Mi-figue mi-raisin", juge le chroniqueur du quotidien gouvernemental "Fraternité-Matin" qui, à l'analyse des décisions du CPS de l'UA, estime qu'aucun des deux camps en conflit en Côte d'Ivoire "ne peut se satisfaire des résultats" du sommet d'Addis-Abeba.
Il estime toutefois que les partisans du président Gabgbo ressentiront certainement davantage de frustrations dans la mesure où, écrit-il, "le camp présidentiel, qui fondait beaucoup d'espoir sur la prise de décisions fermes et courageuses des chefs d'Etat africains, semble ne pas savoir par quel bout prendre les conclusions de la réunion".
"Notre Voie", quotidien proche du Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir), semble partager ce sentiment de frustration, de perplexité, voire de déception, qui titre: "Réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine: le cafouillage!"
"La réunion d'Addis-Abeba sur la Côte d'Ivoire avait donc à choisir entre deux positions: soit donner la victoire sur tapis vert à la rébellion et consacrer la légitimation de la violence comme moyen d'accéder au pouvoir dans les Etats d'Afrique, soit réhabiliter la démocratie dont la construction est stoppée depuis le mercredi 19 septembre 2002 par la plus longue tentative de coup d'Etat jamais enregistrée en Afrique", expose le journal qui, sans trancher, conclut, de façon sibylline: "le choix de l'UA est connu". |