
Je suis déprimé, c’est vraiment la déprim’, Ah ! Que c’est déprimant... Ces expressions, nous les employons couramment pour désigner un état de ras-le-bol général, un coup de blues voire un simple sentiment de lassitude. Mais la dépression, cela existe vraiment. Qu’est-ce que c’est donc, au juste ?
Commençons d’abord par rappeler… ce que ce n’est pas, un état d’âme ! La dépression est une vraie maladie, un trouble mental caractérisé par des signes précis. Une profonde tristesse, une perte d’intérêt pour toute activité, un manque d’énergie et une hyper émotivité. Mais pas seulement.
Le dépressif souffre parfois aussi de ce que les spécialistes appellent une « abrasion émotionnelle. En clair, il n’accorde plus d’importance à rien. Le sentiment d’être « au bout du rouleau » symbolise bien l’état psychologique du dépressif. Il n’en peut plus de vivre… Il… ou plutôt elle. Car les femmes sont davantage touchées que les hommes. Un constat qui intrigue depuis longtemps les spécialistes, et qui reste mal compris. Et pour bien cadrer la dimension de santé publique du problème, signalons que selon l’OMS, la dépression sera bientôt « la 2ème cause de maladie incapacitante, en termes d’arrêt de travail, au niveau mondial ».
Enfin ne nous voilons pas la face. La dépression est l’une des principales causes de suicides. Chez le dépressif en effet, le risque suicidaire est de 24 à 36 fois plus élevé que dans le reste de la population !
Des causes très diverses
Il n’y a pas d’explication précise au fait que telle personne sombre dans la dépression, plutôt qu’une autre. Même si le déclencheur est parfois un épisode de stress intense. En revanche, différents facteurs biologiques, psychologiques ou sociaux peuvent, à des degrés divers, se trouver à l’origine d’une dépression.
Tout d’abord les « accidents de la vie ». Une expression assez vague, mais qui a le mérite d’englober des croche-pieds de la vie aussi divers que le décès d’un proche, un divorce voire des difficultés professionnelles importantes. Pour les plus jeunes, il peut également s’agir d’un échec scolaire.
L’environnement social aussi, joue un rôle important. Les problèmes d’intégration, de communication, le harcèlement au travail et, particulièrement chez les hommes, le stress professionnel et le chômage... Chez d’autres, le relationnel va jouer un rôle éminent dans l’installation d’une dépression. Par exemple, une rupture amoureuse, familiale ou simplement amicale peut favoriser une évolution vers la dépression.
C’est ce que soutient le Dr Patrick Lemoine. Psychiatre, spécialiste du sommeil et de la dépression, il rappelle dans un ouvrage paru chez Larousse, que « l’homme est un être narcissique, dont la vie telle une ellipse, se focalise autour de 2 foyers : le travail et l’harmonie des sentiments ». Lorsque l’une de ces sphères est déséquilibrée, il y a risque de dépression.
Sans oublier naturellement le rôle fondamental de la biologie. La dépression, c’est aussi le désordre dans les relations entre les neurotransmetteurs, des substances chimiques importantes localisées dans le cerveau. Que l’équilibre là encore soit rompu, et les troubles s’installent.
Il existe ainsi des familles de dépressifs. Depuis maintenant près de 60 ans, de nombreuses études le confirment. Une personne dont un parent proche a souffert de dépression est plus susceptible de développer la maladie. La maladie peut alors s’installer sans qu’il soit possible de la rattacher à un événement précis, et c’est alors que l’origine familiale de la maladie sera mise en avant.
Les premiers médicaments modernes vraiment actifs contre la dépression sont apparus à la fin des années 50. Il s’agissait de psychotropes, qui modifient le psychisme en agissant sur l’équilibre des neurotransmetteurs. D’où leur interférence, potentiellement dangereuse, avec la conduite d’un véhicule ou d’une machine. Ils peuvent induire un état de somnolence, des troubles de l’attention ou une euphorie anormale.
Antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques : qui fait quoi
• Les antidépresseurs soignent la maladie, en agissant sur l’équilibre des neurotransmetteurs dans le cerveau. Ils ont un effet direct sur les symptômes de la dépression : tristesse, sentiment de dévalorisation, difficultés de concentration. Ils sont efficaces, certes. Mais ce sont des traitements lourds, et qui ne sont pas exempts de risques si leur administration n’est pas strictement encadrée. Les antidépresseurs ne doivent jamais être pris sans prescription médicale. Un syndrome de sevrage est d’ailleurs fréquemment observé à l’arrêt du traitement. Oui, un syndrome de sevrage ! Et les femmes enceintes ou allaitantes doivent être encore plus prudentes. Dans tous les cas, seul le médecin peut décider du recours à ces médicaments ;
• Les anxiolytiques ne soignent pas la dépression. Ce sont des « tranquillisants » qui en atténuent les symptômes en calmant uniquement les angoisses. Et tout usage prolongé peut induire une dépendance ;
• Les hypnotiques non plus ne soignent pas la dépression. Ces « somnifères » agissent comme leur nom l’indique, sur le sommeil. Ils font dormir, mais n’améliorent pas la qualité du sommeil qui n’est alors pas réparateur.
En cas de dépression, ces trois types de substances sont fréquemment associés. Une association qui se justifie par le fait que les antidépresseurs agissent toujours avec retard. Il faut en effet attendre pour percevoir les effets apaisants du traitement. Entre 10 jours et 4 semaines...
Antidépresseurs : la France championne d’Europe
Selon la Haute Autorité de Santé, entre 7% et 15% des Français souffriraient de dépression. Ce qui est beaucoup par rapport aux 100 millions de femmes, d’hommes et d’enfants qui seraient touchés par la maladie dans le monde.
Car les Français sont de grands consommateurs d’antidépresseurs. Ils sont même champions d’Europe en la matière. Ils consomment ainsi près de 65 millions de boîtes d’antidépresseurs par an ! Soit 2 fois plus que les Italiens, les Allemands et les Britanniques.
Et les jeunes ne sont pas mieux lotis. Ils sont près de 40 000 en France, mis sous antidépresseurs avant 18 ans. Quarante mille de trop ? Probablement pas. Mais c’est assurément beaucoup.
Ne banalisez jamais la prise d’un antidépresseur
Comportement suicidaire, agressivité, colère... Les risques liés à l’utilisation des antidépresseurs modernes, ceux que l’on appelle des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont réels. Le nom est barbare certes, mais il fait référence à une substance fabriquée dans le cerveau et qui serait en partie responsable de l’humeur. Les ISRS ( dont le chef de file est le célèbrissime Prozac) viennent combler le déficit cérébral en sérotonine qui caractérise la dépression.
Dès avril 2005, l’Agence européenne du médicament (EMEA) attirait l’attention sur les risques de ces médicaments chez l’enfant et l’adolescent. En février 2006, la Food and Drug Administration américaine (FDA) a rendus publics les résultats d’une méta-analyse concernant les suicides et tentatives de suicide survenus au cours d’essais cliniques de la paroxetine, un autre ISRS.
Chez les adultes traités pour trouble dépressif sévère, la fréquence des comportements suicidaires a été plus élevée (0,32%) que la moyenne (0,05%). Idem chez les jeunes de 18 ans à 24 ans, avec un taux de comportements suicidaires de 2,19% sous paroxétine contre 0,92% en moyenne. Enfin chez les enfants et adolescents, une augmentation des tentatives de suicide et idées suicidaires a été observée avec tous les antidépresseurs.
Il n’est pas étonnant dans ces conditions, que l’Agence française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (l’AFSSaPS) ait rappelé, en mars 2006, que « le traitement de première intention des troubles dépressifs chez l’enfant et l’adolescent est psychothérapeutique ». D’ailleurs précise-t-elle, « la dépression chez l’enfant et plus particulièrement chez l’adolescent est fréquemment associée à un risque suicidaire important. La prescription d’antidépresseurs n’est donc pas adaptée aux situations d’urgence. »
La qualité de la relation médecin/patient est primordiale
Le suivi médical est la clé d’une bonne prise en charge. Et justement, de quel suivi médical parlons-nous ? De celui d’un généraliste ? D’un psychiatre ? D’un psychologue ? Qui fait quoi ?
Vous ne vous sentez pas bien ? Le premier réflexe est d’en parler à votre médecin généraliste. Il est en première ligne. C’est lui qui va diagnostiquer une dépression. Ou à l’inverse, un simple coup de blues. C’est lui aussi qui va éventuellement vous orienter vers une psychothérapie. Alors, psychiatre ou psychologue ?
Le psychologue n’est pas médecin. Il traite les « petits » problèmes que peuvent rencontrer les dépressifs légers. Son rôle est de comprendre le patient et de le conseiller. Rien avoir avec un psychiatre, médecin, qui soigne en profondeur. Seul un psychiatre peut réellement prendre en charge un grand déprimé. Quant au psychothérapeute... l’expression ne veut pas dire grand chose. Tout un chacun peut s’autoproclamer psychothérapeute s’il a lui-même suivi une thérapie. Ce n’est donc pas nécessairement un professionnel.
Revenons-en à la relation médecin/patient. Il est impératif de respecter scrupuleusement la prescription de votre médecin ! Vous ne devez jamais arrêter un traitement sans lui en référer.
Un conseil qui a du mal à passer, s’il l’on en croit les conclusions d’une enquête récemment menée par l’Assurance maladie auprès de 600 dépressifs, en Lorraine et Champagne-Ardenne. « Ce sont les patients qui, dans plus d’un cas sur deux, interrompent leur traitement antidépresseur. Ce pourcentage passe à 71% quand le traitement dure moins de 6 mois ». Ce qui représente la durée minimale de traitement pour une bonne prise en charge de la maladie. En dessous de ce délai, « plus d’un patient sur deux fera un nouvel épisode de dépression ». Deux motifs sont évoqués pour justifier ces arrêts : le sentiment de guérison et les effets indésirables des traitements, même s’ils se limitent à de simples coups de fatigue.
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