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Les clichés ont la vie dure. Cette nouvelle étude des émeutes de 2005 tend à prouver le contraire. Au-delà de l’image traditionnelle du jeune délinquant, Laurent Mucchielli, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, et Aurore Delon, doctorante en sciences politiques, s’intéressent particulièrement aux mineurs impliqués dans la crise des banlieues. Quatre-vingt-six mineurs ont été déférés devant le tribunal pour enfants de Bobigny (Seine-Saint-Denis), entre le 31 octobre et le 11 novembre 2005.
A la fin de l’étude, en juin 2006, dix-neuf affaires avaient été jugées. Seize dossiers judiciaires étaient alors consultables. Leurs recherches portent ainsi sur vingt cinq mineurs. Pourtant, les premiers résultats sont révélateurs. Deux tiers des mineurs n’avaient pas d’antécédents judiciaires, contrairement aux idées reçues véhiculées depuis l’an dernier, qui présentaient les jeunes émeutiers comme récidivistes. Selon l’étude, « ils sont fragiles sur le plan scolaire, issus de familles stables mais précarisées sur le plan socio-économique, et n'étaient pas des délinquants déjà connus pour la plupart d'entre eux ».
Un tiers était connu au titre de la protection de l'enfance. Ainsi, « les mineurs déjà connus de la justice pour des actes délinquants ne représentent en définitive qu'un tiers (34 %) de l'ensemble des mineurs déférés à Bobigny à la suite des émeutes ». Ces derniers avaient fait l’objet de mesures de liberté surveillée et de réparations, de telle sorte que les auteurs supposent une faible gravité des infractions. Les condamnations, à l’issue du jugement des seize affaires, se révèlent également révélatrices : cinq mineurs relaxés du fait de preuves insuffisantes, huit non-lieux faute de preuves et trois mineurs reconnus coupables mais finalement, dispensés de peine car ils ont reconnu les faits et effectué la « mesure provisoire » ordonnée lors de leur première comparution.
Cependant, deux autres mineurs ont été condamnés à des peines de prisons. Les chercheurs reviennent d’ailleurs dans leur étude sur les conditions d’arrestation des jeunes émeutiers. Ils déclarent ainsi que « les faits se déroulent dans la pénombre, dans le vacarme des cris des uns et des autres, dans une grande tension et sous le coup d'émotions diverses ». Ce contexte fortement troublé entraîne alors des déclarations policières « parfois imprécises voire contradictoires ».
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Tous les émeutiers sont des garçons
©
reuters |
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Autre sujet de discorde, les origines des jeunes émeutiers. Des détails plus personnels apparaissent également dans cette étude. 84 % des mineurs déférés ont des noms et prénoms à consonance étrangère, notamment à consonance maghrébine (55%), de quoi « contester fortement certaines idées quelque peu xénophobes émises pendant ou après les émeutes dans le débat public, en particulier le lien que d'aucuns voulurent établir entre les émeutes et la polygamie de familles originaires d'Afrique noire », dévoilent-ils. Ce lien demeure d’ailleurs « marginal ».
S’ils « ont pour la plupart entre 16 et 18 ans, sont majoritairement 'd'origine étrangère, et principalement maghrébine », les auteurs mettent en exergue un constat supplémentaire et néanmoins important : tous les émeutiers sont des garçons, malgré « une supposée montée de la délinquance des filles (…). La radicalité de ce constat mérite d’être soulignée ».
Cependant, cette étude des émeutiers révèle également un certain décalage entre les services de Police et la Justice : « le problème se complique encore davantage lorsque le juge comprend, à la lecture de l'ensemble des pièces du dossier et en auditionnant les mineurs, que les conditions de leurs interpellations posent parfois des problèmes de déontologie de l'action policière, c'est-à-dire lorsqu'il peut fortement soupçonner des violences illégitimes ». Dans un quart des affaires jugées, les juges ont requalifié les faits reprochés aux jeunes émeutiers.
Ainsi, un profond malaise existe, décelé par les chercheurs. Le discours de Nicolas Sarkozy accentue les faiblesses d’un système mis à mal par les émeutes. Le ministre de l’intérieur a ainsi rendu hommage à l’efficacité des forces de police, tout en critiquant le « laxisme » du tribunal de Bobigny. Les chercheurs en tirent leur conclusion : « les juges ont fait leur travail » car « ils ont relaxé la plupart des jeunes faute de preuves, ils ont condamné à des peines réparatrices ceux qui avaient commis des actes peu graves et qui n'avaient pas de passé judiciaire, et ils ont condamné à des peines de prison ceux qui étaient des délinquants récidivistes et avaient commis les actes les plus graves. Dans tout cela, l'on ne voit nul laxisme ». |
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