
Le Premier ministre du gouvernement ivoirien de transition, M. Charles Konan Banny, s'est vivement défendu samedi à Yamoussoukro, d'être le commanditaire d'un coup de force visant à assassiner le président Laurent Gbagbo, comme l'affirment pratiquement sans hésiter, certains organes de presse, proches du camp présidentiel.
Ces journaux, qui semblent s'être donné le mot, chargent, sans la moindre preuve, le chef du gouvernement déjà en posture délicate sinon difficile avec les partisans du chef de l'Etat qui le soupçonnent de faire le jeu de la France pour faire partir M. Gbagbo du pouvoir, en l'assassinant au besoin.
"Aujourd'hui, vous lirez une des livraisons de notre riche presse, que le Premier ministre a voulu tuer le président. Regardez-moi bien : entre nous, est-ce que j'ai la figure d'un tueur ? d'un assassin ?", s'est demandé M. Banny, la main sur le coeur, prenant à témoin les membres du corps préfectoral réunis dans la capitale politique, dans le cadre des premières assises de l'administration du territoire.
Pour le chef du gouvernement ivoirien, tout est parti des instructions qu'il a données à son ministre de la Défense, M. René Aphnig-Kouassi, pour la mise sur pied d'une unité chargée de démanteler les milices sévissant en zone gouvernementale.
Cette unité spéciale, dont la création remonte en fait du temps de l'ancien Premier ministre Seydou Elimane Diarra, doit être composée d'éléments de la police nationale, de la gendarmerie et des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI).
Et le Premier ministre de rappeler que sa création s'est faite conformément aux accords de Pretoria et, a-t-il particulièrement insisté, avec l'aval du chef de l'Etat, "chef suprême des armées et président des Conseils supérieurs de la Défense".
Il a affirmé avoir ensuite nommé le colonel Kouassi Victor, un baoulé du Centre comme lui, chef de la nouvelle unité, sur proposition expresse, a-t-il précisé, des commandements supérieurs. Cet officier supérieur a donc été chargé de procéder au recrutement de quelque 188 hommes devant composer cette force militaire directement rattachée au cabinet militaire de la primature.
Une liste a été ainsi confectionnée et remise au ministre de la Défense qui, à son tour, a saisi les différents chefs de corps d'armes dont le général Tiapé Edouard Kassaraté, commandant supérieur de la gendarmerie, afin qu'ils libèrent les éléments en question pour les mettre à la disposition du colonel Kouassi.
La suite, on la connaît. A l'occasion des obsèques d'un général de gendarmerie décédé il y a quelques jours, une vive altercation a opposé le commandant supérieur de la gendarmerie au ministre de la Défense, qui a eu apparemment le tort de le relancer au sujet de la fameuse liste.
Le général Kassaraté, qui était sur le point de rudoyer son ministre, lui a publiquement et ouvertement signifié qu'il ne lui remettra jamais, pas plus qu'au Premier ministre d'ailleurs, une liste dont il a qualifié ceux qui y figuraient de "putschistes et de hiboux" !
Ces propos plus qu'outrageants pour M. Aphing-Kouassi ont naturellement apporté du grain à moudre à la presse "bleue", proche de M. Gbagbo, qui a fait état d'un complot contre le chef de l'Etat monté et financé par la primature.
Les arrestations déjà opérées en milieu policier (tout semble indiquer que le ministre de l'Intérieur, le commissaire Dja Blé, un fidèle d'entre les fidèles de M. Banny serait lui-même visé, selon plusieurs quotidiens abidjanais), et la convocation à la Direction de surveillance du territoire (DST) d'un conseiller spécial du Premier ministre, semblent avoir pour objectif de donner de la consistance à cette enième tentative de coup d'Etat de l'ère du président Laurent Gbagbo.
M. Konan Banny a donc clamé sa bonne foi, voire son innocence, qui s'est répandu en véhémentes dénégations pour se laver de ces accusations qu'il n'est pas loin de trouver puériles. A-t-il été entendu ? Rien de moins sûr. "Notre voie", quotidien proche du pouvoir, estime qu'il n'a pas été du tout convaincant. |