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Les comédiennes Beatrice Agenin et Yane Mareine sont actuellement réunies sur la scène du théâtre Marigny de Paris. Elles interprètent avec émotion « En allant à Saint Ives », une pièce de Lee Blessing, adaptée par François Bouchereau et mise en scène par Béatrice Agenin.
« Je suis celle qui est venue à Saint Ives. Personne d’autre ne l’aurait fait. Je suis celle qui peut vous aider à tuer le monstre qui est dans votre cœur. Je suis votre espoir. Je suis votre honneur. Je suis votre vengeance ». Mary, une femme africaine, arrive en Angleterre pour une opération des yeux. Lorsqu’elle rencontre Cora, son ophtalmologue, Mary lui propose un étrange marché. Et là, débute la sombre intrigue de Lee Blessing.
« En allant à Saint Ives » réunit sur scène deux femmes que tout oppose. Elles appartiennent à deux univers diamétralement différents. Mary est noire. Elle est la mère d’un dictateur africain et vit la violence au quotidien. Cora est blanche. Elle vit dans une paisible petite ville d’Angleterre. Une douleur toujours vivace déchire cruellement Cora. Elle fuit la violence des grandes villes américaines, qui a tué son fils.
Ce drame insupportable pour une mère va réunir de manière paradoxale les deux héroïnes. Tandis que Cora pleure la perte de son fils unique, Mary lui demande de l’aide pour assassiner le sien. De dirigeant d’un petit Etat d’Afrique, le fils unique de Mary est devenu un véritable tyran. Sa mère ne peut plus supporter sans réagir les souffrances de son peuple. Mary se trouve alors confrontée au choix douloureux d’une mère de bourreau. En se comparant à la mère d’un Hitler ou d’un Caligula, elle décide de tuer son fils. Deux mères, deux sensibilités finalement que la vie rapproche. Toutes deux sont liées par la douleur de la maternité. |
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Un duo de comédiennes de talent porte le texte à un niveau de justesse étonnant. La comédienne Béatrice Agenin est instigatrice du projet. Elle s’affirme désormais comme metteur en scène de la pièce. Ancienne sociétaire de la Comédie française, la comédienne a joué dans de nombreuses pièces de théâtre. Reconnue par ses pairs et saluée par les critiques et le public, Béatrice Agenin a été nominée aux Molières, notamment pour « Qui a peur de Virginia Woolf » d’Edward Albee et « C’était bien » de James Saunders.
Pour interpréter à ses côtés un texte aussi fort, Béatrice Agenin a choisi une véritable personnalité artistique. Yane Mareine, comédienne et chanteuse guadeloupéenne d’origine nigériane, a débuté sa passion pour le chant, durant son adolescence, dans les chorales de Pointe-à-Pitre, en compagnie de ses frères. Après une carrière théâtrale internationale, notamment en Allemagne et au Brésil, Yane Mareine entreprend la recherche des outils de résistance des esclaves déportés d’Afrique noire à travers les chants, les rituels et le langage des esclaves noirs. Sa quête l’emmène à la découverte de l’Afrique, mais également des Amériques et de l’Océan indien. Fruit de ces années de recherche, Yane Mareine invité désormais les spectateurs à découvrir sur scène quinze chants qui exaltent les cultes rituels comme le vaudou, le candomblé, le chango et l’obeyhaïsme implantés par les esclaves sur leurs terres d’exil. Elle retrouve le théâtre dans « En allant à Saint Ives ». |

Lee Blessing se révèle maitre dans l’art d’élaborer des thrillers psychologiques, qui bouleversent les spectateurs. La pièce tourne autour d’une question : Cora va-t-elle accepter de donner du poison à Mary ? Les spectateurs pénètrent à tâtons dans un univers sombre, tortueux et déstabilisant car tous les codes de la norme sont irrémédiablement rompus. Les tabous explosent au fil de la pièce. Une mère peut-elle donner la mort à celui à qui elle a donné vie ? Un médecin peut-il entrainer la mort ? Quelque soit la réponse, l’issue s’annonce désastreuse.
L’auteur américain de « En allant à Saint Ives » est un habitué des récompenses. Prix des critiques américains, Tony Awards, les pièces de Lee Blessing rencontre un succès réputé dans le milieu du théâtre aux Etats-Unis mais également dans les autres pays. C’est en montant une de ses pièces « Indépendance » que Béatrice Agenin a découvert Lee Blessing.
« En allant à Saint Ives » pose avec sensibilité des questions ancestrales mais toujours actuelles, liées à la morale, à la volonté et à la condition humaine. A l’heure où l’infanticide a récemment défrayé l’actualité, la pièce aborde avec émotion, à l’aide d’une écriture simple, les tourments de l’âme humaine.
La comédienne et chanteuse Yane Mareine, qui interprète Mary dans « En allant à Saint Ives », nous aide à dénouer les fils de ce drame poignant. |

Comment a été monté ce projet ?
Béatrice Agenin m’a contacté à Avignon. Au début, le projet ne m’intéressait pas trop. Je voyage beaucoup car je recherche les outils de résistance des esclaves comme les rituels, les rythmes et les langages. Béatrice m’a présenté le texte de Lee Blessing, que je ne connaissais pas. Après lecture, je me suis rendue compte que c’était le prolongement de toutes mes années de recherche et que je pouvais m’approprier cette parole. J’avais quitté la scène internationale, notamment l’Allemagne, car je ne trouvais pas de rôles à ma dimension et des textes qui me nourrissaient. On a besoin de se reconnaître dans les rôles qu’on interprète. Avec un texte aussi fort, j’ai voulu revenir à la scène.
A la lecture, avez-vous ressenti justement que le texte de Blessing vous apportait « un rôle à votre dimension » ?
Ce texte est porteur. Pour le jouer et se l’approprier complètement, il faut un certain engagement. Il l’a écrit pour une femme noire, une femme noire vieillissante ce qui ne se fait pas beaucoup même aux Etats-Unis. Il parle également d’une dictature africaine. C’est un poète mais ces textes ne sont pas du tout poétiques. C’est une parole très engagée. Il a fallu une véritable hauteur de jeu, cette véhémence extrême pour donner à cette tragédie ses lettres de noblesse. |

Vous êtes antillaise et vous jouez la mère d’un dictateur africain. Parlez-nous de Mary, votre personnage.
J’ai voyagé en Afrique. Je cherchais ce trait d’union entre l’Afrique et les Antilles. Je nourrissais cette quête depuis vingt ans. Grâce à ce personnage, j’y suis parvenu. C’était intéressant car il a fallu « emmener » d’autres personnages sur scène et les faire vivre avec leurs crimes comme le dictateur, mon fils dans la pièce. C’était un pari difficile.
Cette femme est un monstre mais en fait, sa vie est une folie. Donc elle n’est pas que ça. Je fais un travail très personnel. Les recoins de l’âme humaine sont tellement tortueux. J’ai voulu explorer ces deux extrêmes de l’âme humaine, la noirceur et le coté lumineux. Il y a des failles humaines qui existent déjà par le texte donc on n’a pas besoin de surjouer.
Comment s’est passée votre collaboration avec Béatrice Agenin qui est également le metteur en scène ?
Venant de la Comédie française, Béatrice fait preuve d’une grande exigence sur scène. Cette exigence contribue à maintenir notre qualité de jeu. Grâce à cette complicité artistique, on retrouve la pureté du théâtre. Je n’aurais jamais recommencé le théâtre si la pièce n’était pas à un tel niveau.
Quels sont vos projets ?
Nous avons une tournée prévue de janvier à avril. Je pars également en Guinée équatoriale en tant que chanteuse. L’année prochaine, je poursuis également mes interprétations de chants spirituels. Donc c’est une année qui s’annonce bien remplie. |

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