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Pourquoi avoir écrit « Cœurs en papier » ?
« Cœurs en papier » est un livre contre l’intolérance qui nous invite à aller au-delà de nos peurs à la rencontre de l’autre. Qu’on soit Noir ou Blanc, ce que l’on voit souvent, en premier, ce sont nos différences perçues comme des barrières.
Quel est le cadre de l’histoire ?
L’histoire se passe à la fois en Afrique, au Waba, un pays imaginaire et en Lorraine en France. C’est l’histoire d’un jeune étudiant africain, Polhit, qui arrive à la fin de ses études, mais ne peut plus repartir au pays car il y a un coup d’Etat. Il n’est pas de la même origine ethnique que ceux qui ont pris le pouvoir, ce qui rend la situation encore plus difficile dans ce pays où les tensions sont encore vives. Son titre de séjour expire et il se met en ménage avec Céline, une étudiante française, qui est son amie. Mais celle-ci est en réalité amoureuse du jeune Africain, sans jamais avoir réussi à le lui dire. A travers une vie commune forcée, elle espère que Polhit pourrait, à son tour, avoir des sentiments pour elle. |
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Le pays de Polhit est imaginaire, mais résume en quelque sorte les maux d’une certaine Afrique, coup d’Etat, instabilité, tribalisme…
Oui, il correspond à une certaine réalité en Afrique, que l'on a connue au Rwanda, au Libéria, que l'on connaît actuellement dans beaucoup de pays où la politique prend le dessus sur la vie des gens, sans d’ailleurs que, tous les Africains soient forcément intéressés par la politique. Ce qu’ils veulent avant tout, c’est avoir une vie comme tout le monde : élever leurs enfants dans la paix, vivre décemment, etc.
On retrouve dans votre livre des personnages qui ont l’air bien réel et quelque part qui sont dans des situations que beaucoup de personnes ont vécues…Est-ce que ces personnages sortent complètement de votre imagination ou vous êtes vous inspirés de la vie réelle ?
Je me base sur des faits réels. Je me suis par exemple entretenu avec des couples mixtes, des parents dont les enfants étaient mariés avec des étrangers. J'ai rencontré des personnes en situation irrégulière et des Africains vivant en France depuis de très nombreuses années. Le roman est simplement une fiction qui laisse une grande place à la réalité. |

On voit une certaine force des préjugés, de l’influence des médias dans le livre, que vous essayez quelque part de corriger…
Effectivement, j’essaye de montrer aux gens, qu’un sans papier est avant tout un être humain, pas un animal. Quand on a parlé de la grippe aviaire, on a dit qu’il fallait confiner les animaux pour éviter que la maladie se propage. Les éleveurs faisaient remarquer que le confinement était difficile pour les animaux, qui allaient être stressés. Si des animaux mis dans ces conditions sont stressés, qu’en est-il des hommes qui passent plusieurs années sans papier à raser les murs dans la peur d'un contrôle au faciès ? Comment peuvent-ils vivre au quotidien ?
Ils vivent comme des sous-hommes. On ne quitte pas ses amis, sa famille, son pays pour le plaisir. Aucun africain ne vient en France par plaisir. Pour certains ce voyage est un déracinement car ils quittent leur terre. |

On voit aussi que la société accorde peut-être une attention démesurée à ces problèmes : sans papiers, immigration ?
La priorité du Français c’est avoir un travail stable, s’occuper de sa famille. Ce n’est pas l’immigré qui est à côté de lui. Avant on pensait que le Français était celui qui était bien blanc, mais aujourd’hui cette image n’est plus identique. Il peut être un Arabe ou un Noir né ici et qui est aussi Français qu'un Blanc.
Mais certains partis politiques ont instrumentalisé l’immigration et le problème d’identité, alors qu’on se trouve simplement dans un monde qui change à grande vitesse. C’est ce qui explique l’importance prise par un sujet comme l’immigration.
On voit que c'est très facile de devenir sans papiers…
Oui, pour toute personne qui a une carte de séjour. Les lois sont très rigides, peu flexibles. Du jour au lendemain, on peut se retrouver en situation irrégulière sans le voir venir ou sans l’avoir souhaité.
Le héros du livre est quelqu’un de droit, qui n’a jamais eu de problème, mais qui bascule dans une vie de sans papiers au moment où il achève ses études alors qu’il y a un coup d’Etat dans le pays…
Lui en souffre car il a toujours vécu en pleine harmonie avec cette société et a toujours respecté les règles. Il n’est ni expulsable, ni régularisable. Sa vie est entre parenthèses. Les gens dans cette situation vivent dans la France du sous-sol, ils ne peuvent pas construire leur vie. |

Il y a parfois une contradiction entre les lois et ce que les gens peuvent ressentir à titre personnel. Une employée de préfecture humaine est obligée d’appliquer des lois qu’elle n’approuve pas forcément ?
En effet, et pour corriger cela, il faudrait donner la parole aux immigrés. On ne les entend jamais. Les étrangers ici n’ont pas la parole, la meilleure façon de la leur donner serait de leur donner le droit de vote aux élections locales... Il faut que la France apprenne à écouter ses immigrés.
Malgré le changement générationnel, on a l’impression aussi au travers de votre livre que la situation des Africains n’évolue pas… Les choix et les alternatives sont les mêmes pour la nouvelle génération que l’ancienne.
Le problème entre les différentes générations est qu’il n’y a pas de transmission au niveau du combat. Si nous avons ce que nous avons, c'est qu’une génération de leaders s'est battue. Malheureusement, il n’y a pas de transmission de notre histoire. Et la nouvelle génération a toujours l’impression que c’est elle qui initie les choses alors qu’elle souffre d’un déficit d’information par rapport à ce qu’ont fait les anciennes… Le combat est un combat qui était déjà commencé, mais nous n'en avons pas les archives.
Quel est le message en filigrane du livre et quel message pour les lecteurs de votre livre ?
C est dire que les sans-papiers, les immigrés sont des êtres humains. Il faut aussi dire que dans cette vague de jeunes qui viennent vivre ici, nous aussi, Africains, avons notre responsabilité. Si en Afrique, on créait des richesses collectives, ces jeunes ne viendraient pas pour mener des vies de sous-hommes et subir tant d'humiliations. On peut critiquer le concept « d’immigration choisie », mais qu’est-ce-que nous, en tant qu'Africains, proposons comme alternative à ce concept ? Que proposent nos leaders et dirigeants pour que cette vague ne choisisse pas l'exil vers l'illusoire Eldorado français ?
En ce qui concerne le message aux lecteurs, je ne me pose pas en donneur de leçons. Mais, je pense que le livre devrait faire réfléchir les gens sur la situation des sans-papiers, et nous apprendre à nous tolérer les uns et les autres et non à nous voir simplement comme Blancs ou Noirs.
Coeurs en papier
Christian Mambou
Aux éditions Le Marchand de Tyr
152 pages
9 €
tyrbooks@wanadoo.fr |
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