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Dans l’espace judiciaire francophone, la République du Bénin constitue à elle seule, une exception « tropicale » tant dans la conception du droit et l’interprétation des textes que dans les faits juridiques sources de contentieux devant les tribunaux.
L’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame le droit à la propriété comme inaliénable et sacré.
La consécration par ce texte majeur, du droit de propriété, avec toute la force qui lui est donnée, procède de l’idée que la propriété est un droit naturel et absolu de l’individu.
Toutes les constitutions des démocraties modernes consacrent le droit de propriété comme un droit fondamental de l’homme, inviolable et sacré.
La Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 13 juin 1979 Maerckx c/. Belgique, reconnaît à chacun, le droit au respect de ses biens et l’article 1er du protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l’homme, garanti en substance, le droit de propriété.
Enfin, la constitution de la République du Bénin de 1990, proclame et garanti le droit à la propriété pour tout un chacun des Béninois.
Ces textes visent en général la propriété mobilière et immobilière avec une forte propension à garantir la propriété immobilière, en référence à la philosophie agrarienne qui aura été celle des auteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen de 1789, ainsi que de toutes les constitutions d’inspiration libérale qui ont suivi.
La protection de la propriété immobilière est le fondement de la sécurité juridique dans toute démocratie libérale d’essence capitaliste car cette propriété repose sur tous les éléments constitutifs de la personnalité juridique et du droit civil depuis l’état et la capacité des personnes jusqu’aux successions et libéralités, en passant par les contrats, les obligations et les sûretés.
La propriété immobilière est un droit transversal à toutes les notions et principes juridiques.
Il procède de ceci que : la sécurité juridique repose sur la quiétude des citoyens à jouir paisiblement et sans entraves de leurs biens.
Tous ces principes ne constituent–ils que de vains mots en République du Bénin ?
La question mérite d’être posée eu égard à une pratique communément répandue dans ce pays qui est la pratique du « vol de terrain ».
Que renferme cette notion et quelles en sont les conséquences ?
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I- LE VOL DE TERRAIN
Il s’agit d’un fait juridique qui n’existe dans aucun autre pays de tradition juridique aboutie car il est inconcevable pour toute personne normalement constituée d’imaginer le vol d’un terrain ou d’un immeuble.
Au Bénin, cela est possible !
Nous tenterons donc de théoriser ce phénomène, en partant d’exemples concrets afin de mieux dénoncer ce fait qui peut être la base de graves troubles sociaux et politiques dans un pays comme le Bénin à la pratique du droit non encore aboutie.
A-DE QUOI S’AGIT IL ?
Nous partirons de cas concrets mettant en évidence la réalité de cette pratique au Bénin pour aboutir à une définition globale de la notion.
1-le vol d’un titre foncier
Il ne s’agit pas matériellement de la soustraction frauduleuse d’un titre de propriété mais d’une technique plus audacieuse qui consiste à y porter des inscriptions frauduleuses afin de s’accaparer de la propriété du bien immobilier objet du titre foncier.
Un exemple : Monsieur X a acquis en 1964 un terrain de 1000 m² à Cotonou et y a demandé l’établissement du titre foncier afférent à l’immeuble acquis.
Le titre foncier fut établi au nom de Monsieur X qui malheureusement décéda avant la remise et la publication de cet acte de propriété.
Plusieurs années plus tard, lors de l’inventaire des biens de Monsieur X en vue de sa succession, l’un de ses fils aujourd’hui majeur découvrit qu’en 1977, son père aurait cédé cet immeuble alors qu’il était décédé un an auparavant.
Recherchant les modalités de cette vente post mortem, il s’est rendu à l’évidence : de fausses inscriptions ont été portées sur le Titre foncier en question par une imitation grossière de la signature du défunt.
Dans ce cas, la complicité des personnes publiques dans la réalisation de tels forfaits ne souffre d’aucun doute.
En effet, couvrir le caractère nul d’une vente post mortem requiert des aptitudes qui dépassent celles du simple acquéreur cupide n’ayant pas les moyens de s’acheter un terrain de ce type mais voulant à tout prix le posséder.
Le tripatouillage du titre foncier de Monsieur X n’a été possible qu’avec la complicité des autorités administratives de l’époque à un niveau très élevé de la hiérarchie.
2-l’occupation sans titre ni propriété d’un terrain en vue de son appropriation
Il s’agit ici de l’occupation sans titre ni propriété d’un terrain nu appartenant à une personne privée absente ou résident à l’étranger ou d’un terrain appartenant à des héritiers en indivision.
Les auteurs de ces faits choisissent leurs victimes avec soin.
Ce cas de vol se manifeste d’abord par une occupation physique du terrain, en y faisant apposer des plaques faisant croire en une acquisition légale, et faisant parfois réaliser de faux actes de vente sous seing privé, actes qui trouveront une oreille attentive devant une juridiction.
C’est le cas de Madame X, épouse d’un éminent diplomate, propriétaire de terrain nu sis en pleine ville de Cotonou.
Madame X, est chrétienne fervente et fréquente assidûment la cathédrale de sa ville où elle rencontra un couple de mendiants aux abords de cette église.
Prise de pitié, Madame X les invita à venir s’abriter dans la cabane de tôles sur son terrain, ce qui les y abritera.
Immédiatement installés, le couple de mendiant s’est empressé de verser régulièrement à Madame X, une modique somme en remerciement de l’hébergement qu’elle a bien voulu leur attribuer.
Les mendiants par la même occasion, se sont confectionnés de faux reçus d’achat de terrain auprès de leur bienfaitrice.
Ayant soudainement eu besoin de son terrain en vue d’y édifier une construction, Madame X leur demanda de libérer le terrain de leur présence.
Mal lui en a pris ! elle reçu dans les heures qui suivent son ordre de déguerpissement, une convocation au parquet de la cour d’appel de ladite ville afin de s’y expliquer assortie d’une mesure de coercition.
B-UNE TENTATIVE DE DEFINITION
Selon le dictionnaire Petit Larousse, le vol, c’est l’action de voler, de dérober ce qui appartient à autrui.
Voler, c’est s’approprier par un vol, c’est léser, dépouiller quelqu’un par un vol.
Le vol est défini généralement dans tous les textes législatifs d’essence pénale comme étant « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ».
Mais cette définition est trop spécifique au vol de biens mobiliers pour être appliquée à la matière immobilière.
A cet acte spécifique et inadmissible doit correspondre une définition spécifique et particulière.
Nous retiendrons dans la définition du mot vol et du verbe voler, la notion d’appropriation de ce qui appartient à autrui.
Voler, c’est s’approprier ce qui appartient à autrui.
Il s’agit alors de « tout acte qui vise à capter la propriété foncière et immobilière d’autrui et en faire sienne sans qu’aucun acte l’autorise valablement ».
Ainsi, « le vol d’un terrain est le fait de capter la propriété foncière ou immobilière d’autrui et en faire sienne sans qu’aucun acte ne l’autorise valablement ».
1-les éléments constitutifs du vol de terrain
A l’acte exceptionnel doit correspondre une définition exceptionnelle, rendue nécessaire par l’aspect essentiel et grave de l’objet volé : un terrain ou un immeuble.
Ainsi, reposant la notion sur la définition proposée, le vol de terrain est : « La captation de la propriété foncière ou immobilière d’autrui pour en faire sienne sans qu’aucun acte ne l’autorise valablement ».
Trois éléments constituent donc ce vol :
-Un élément matériel : la captation
-Un élément moral : l’absence de toute autorisation
-Un élément aggravant : l’appropriation.
La captation, du verbe capter, obtenir, gagner par ruse, est le fait de s’emparer d’une succession ou d’arracher une libéralité à quelqu’un par des manœuvres répréhensibles.
La captation consiste en un acte positif ou en des manœuvres positives destinées à s’emparer du domaine privé d’autrui ou de l’immeuble appartenant à autrui.
Concrètement, la captation consiste en la démarche matérielle d’un individu visant à gagner par ruse, l’immeuble ou la propriété foncière d’autrui.
Cela peut être la signature d’un faux acte de vente, l’émission d’un faux reçu de vente d’un immeuble, la confection d’un acte sous seing privé contenant de fausses informations ou de fausses signatures.
Par la captation, on entend l’activité manifeste qui consiste à réaliser des démarches en vue de se rendre propriétaire ou acquéreur d’un domaine ou d’un immeuble, de façon frauduleuse.
L’absence de toute autorisation qui en constitue l’élément moral est l’équivalent en matière de vol d’objet mobilier, de la notion de fraude.
Ainsi, l’intention frauduleuse repose ici sur l’absence de toute autorisation par un acte juridique valable et validant le transfert de propriété dans les conditions d’un transfert de propriété normal.
En l’absence de tout acte de validité du transfert de la propriété foncière, ou immobilière, l’infraction de vol de terrain est constituée.
Enfin, l’appropriation qui constitue l’élément aggravant, permet de confirmer l’élément frauduleux ainsi que la mauvaise foi de l’auteur de l’acte.
L’appropriation consiste à revendiquer effectivement, la propriété ainsi convoitée, pour en faire sienne.
Dès lors que les éléments constitutifs tels que définis sont réunis, il y a lieu à sanctionner gravement l’auteur ou les auteurs de tels actes.
2-une proposition de sanctions
Il faut envisager une double sanction pénale et pécuniaire afin que les auteurs cessent de porter impunément atteinte à la propriété d’autrui.
Le but de la sévérité d’une sanction est de rendre dissuasive l’atteinte à la propriété d’autrui.
Dans toute société démocratique qui se veut libérale et aspire à la prospérité, l’atteinte à la propriété immobilière doit être combattue.
Ainsi, l’état doit garantir aux propriétaires et aux héritiers, la jouissance paisible de leur bien.
Il ne doit être toléré aucune atteinte à la propriété d’autrui eu égard au caractère sacré et inviolable de la propriété immobilière.
Concernant la sanction pécuniaire, elle doit réparer le dommage subit mais aussi couvrir les dépenses engagées dans le cadre de la procédure générée par l’auteur de l’infraction.
Les pouvoirs publics doivent se pencher plus rigoureusement sur la question car en réalité les conséquences de tels comportements sont d’une rare gravité pour la stabilité sociale et politique d’un pays aussi jeune que la République du Bénin.
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II- DES AGISSEMENTS AUX CONSEQUENCES GRAVES
Les conséquences de tels actes sont sociales, juridiques et économiques car d’une part elles jettent le trouble dans la formation d’une jurisprudence claire en la matière et d’autre part, elles constituent un frein au développement économique par une absence de sécurité juridique dans le monde des affaires.
A-UNE ABSENCE DE JURISPRUDENCE CLAIRE EN LA MATIERE
Ayant fréquenté assidûment, les Cours et Tribunaux de France et de Navarre, je suis en mesure de vous affirmer que le vol d’immeuble ou de terrain n’existe pas dans un pays comme la France, pays dont nous avons hérité le système juridique et l’organisation administrative en Afrique de l’ouest en général et au Bénin en particulier.
Ainsi, le vol de terrain et d’immeubles constitue une particularité tropicale au Bénin et représente la quasi-totalité du contentieux domanial civil ou en droit traditionnel pratiqué par les cours et Tribunaux de ce pays.
En plus d’engorger les tribunaux béninois, le contentieux de la propriété immobilière communément appelé « contentieux domaniaux », constitue un casse-tête chinois pour tout juriste qui s’y aventure car il n’existe aucune jurisprudence claire et constante et fiable applicable à la question.
Les uns et les autres préparent leurs décisions selon des règles opaques qui remettent en cause l’existence de la Loi foncière dite loi 65-25.
L’œuvre jurisprudentielle dans les pays de droit supplée aux limites de la règle de droit applicable.
En République du Bénin, serait-elle en train de remettre en question la règle de droit applicable ?
B-UNE INSECURITE JURIDIQUE MANIFESTE EN DROIT DES AFFAIRES
Une économie ne pourra se développer que dans la sécurité juridique des transactions entraînant une quiétude dans les affaires et diminuant le risque juridique des entreprises créatrices d’emploi et de revenus.
Des investisseurs récemment n’ont-ils pas demandé expressément aux autorités d’assainir le foncier au Bénin ainsi que l’environnement judiciaire ?
La mise en place de méga structures capitalistes de production et d’exportation de produits manufacturés du Bénin vers le monde, nécessite l’implantation d’usines, l’installation de sièges sociaux, l’acquisition d’immeubles et de terrains par les firmes étrangères.
L’accession à la propriété par ces firmes ou joint-ventures fera d’elles, des sociétés béninoises à part entière.
Pensez-vous qu’avec le vol de terrains et l’absence de fiabilité judiciaire, les investisseurs étrangers détenteurs de capitaux pour de vrais projets industriels, s’installeront ou y transfèreront leurs capitaux ?
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