
L'Accord de paix de Ouagadougou, paraphé dimanche dernier, entre le chef de l'Etat ivoirien Laurent Gbagbo et le leader des Forces nouvelles (ex-rébellion), Guillaume Soro, a fait dans la capitale économique ivoirienne la une de l'ensemble des titres, partagés entre le doute et l'espoir quant à son application effective.
"Victoire !" titre, euphorique, l'éditorialiste du quotidien gouvernemental Fraternité matin, saluant l'accord signé dans la capitale burkinabé qui, selon lui, va permettre à la Côte d'Ivoire, "après cinq ans de guerre, cinq ans de division et de méfiance, de s'approcher de la paix, de la réunification pour aller à des élections que tous veulent transparentes, crédibles et ouvertes à tous comme souhaité par tous les leaders politiques".
"La victoire du bon sens", renchérit Notre voie, quotidien proche du Front populaire ivoirien (FPI, socialiste - au pouvoir), qui ne boude pas son plaisir et ne doute apparemment pas du fait que l'accord "mettra définitivement fin à cinq ans de crise en Côte d'Ivoire".
"En somme, l'Accord de Ouaga est bon, parce qu'il a été fait par les Ivoiriens eux-mêmes. Par ceux qui, s'étant battus cinq ans durant, ont conscience que les enchères n'amènent nulle part. C'est une belle victoire pour les Ivoiriens d'abord et pour l'ensemble des Africains ensuite", soutient le journal des Refondateurs.
Le courrier d'Abidjan, un autre quotidien proche du camp présidentiel, qualifie de "révolutionnaire", l'accord qui lie désormais Laurent Gbagbo à Guillaume Soro.
"La formule de Ouaga, décidée par Laurent Gbagbo qui a bénéficié de l'appui discret de Thabo Mbeki et de la communauté de Sant'Egidio est un bon compromis. Personne ne se sent humilié, tout le monde est valorisé. Rien de mieux pour espérer engager une nouvelle ère dans les rapports entre nations en Afrique de l'Ouest au moment de la mort annoncée de la France-Afrique", affirme notamment l'éditorialiste du journal.
L'optimisme qui a manifestement gagné les "journaux bleus" (en référence à la couleur bleue du FPI dont ils sont jugés proches), n'est toutefois pas partagé par la plupart des autres titres indépendants ou proches de l'opposition, le sentiment qui s'y dégage allant de la réserve au pessimisme tout court.
"Prudence !", écrit ainsi Le patriote, proche du Rassemblement des républicains (RDR, opposition libérale) de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara, cachant mal une certaine méfiance à l'endroit du camp présidentiel dont il semble douter de la sincérité.
"A vrai dire, tout cela paraît suspect et invite à penser que l'accord politique de Ouaga a tout l'air d'une vaste comédie, en attendant de voir le vrai visage de la refondation, quand le brouillard se dissipera. On nous accusera certainement de faire partie des rabat-joie de la République, n'empêche, la suspicion est plus que jamais légitime", écrit le journal.
Il ajoute : "la facilité avec laquelle le grand chef (ndlr : Laurent Gbagbo) accepte de partager son pouvoir, l'adoubement rapide de l'accord par la galaxie patriotique et les yeux doux des relais du pouvoir à l'endroit de Soro Guillaume appellent à la prudence".
Sans soutenir cette thèse que "le vrai accord de paix est à venir", 24 heures, autre quotidien indépendant de la capitale économique relève "six handicaps" qui, selon lui, pourraient plomber l'Accord de Ouaga.
Au nombre de ces handicaps, le journal cite notamment la suppression de la zone de confiance, la "mise au placard" de l'ex- président Henri Konan Bédié et de M. Ouattara dont il se demande s'ils seront prêts à "jouer véritablement un rôle dans le Cadre permanent de concertation".
Pour Soir info, qui ne cache pas, pour sa part, un certain scepticisme quant à l'application de l'accord, le "plus dur commence".
"L'important, estime le journal, n'est pas de signer un accord et afficher un air d'optimisme débordant, mais l'appliquer de bonne foi sans calcul politicien. En d'autres termes, il faut une bonne dose de volonté politique pour maîtriser les pulsions des extrémistes de chaque camp", avance le quotidien de la Rue des carrossiers.
Même sentiment de scepticisme chez Nord-Sud, pour qui l'absence de garanties internationales ou de pouvoirs de coercition de la communauté internationale "fragilise le nouvel arrangement politique conclu à Ouaga".
"Tout porte à croire que le succès comme l'échec sera une affaire ivoiro-ivoirienne, une cuisine intérieure. C'est certes une question de responsabilité individuelle voire morale, mais c'est davantage le talon d'Achille du texte de Ouagadougou", estime le journal.
"Le PDCI pessimiste, le RDR optimiste. Cet accord de Ouaga est-il sincère", s'interroge de son côté le Nouveau réveil, quotidien proche de l'ex-parti unique, qui se contente de rapporter les propos du professeur Alphonse Djédjé Mady, le secrétaire général du parti, plutôt dubitatif : "je ne dirai pas qu'il est bon, je ne dirai pas qu'il est mauvais. Mais je dis que sa qualité résidera dans la volonté des signataires et de tous les acteurs de la sortie de crise". |